REGHERCHES ANTHROPOLOGIQUES
DANS
FLE CAUCASE
PAR
ERNEST CHANTRE
SOUS-DIRECGTEUK DU MUSÉUM DE LYON
CIHARGË DE MISSIONS SCIENTIFIQUES DANS L'ASIE OCCIDENTALE
PAR M, LE MINISTRE DE L'INSTRUGTION PUBLIQUE
cl 8491881
TOME PREMIER
PÉRIODE PRÉHISTORIQUE
PARIS LYON
CH. REINWALD, LIBRAIRE HENRI GEORG, LIBRAIRE
15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 65, RUE DE LA RÉPUBLIQUE, 65
RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES
LE GA UC
TOME PREMIER
PÉRIODE PRÉHISTORIQUE
— IMPRIMERI
PITRAT AIX
; RUE GE
RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES
LE CAUCASE
PAR
ERNEST CHANTRE
CHARGÉ DE MISSIONS SCIENTIFIQUES DANS L'ASIE OCCIDENTALE
PAR M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
— [anale
TOME PREMIER
PÉRIODE PRÉHISTORIQUE
PARIS | LYON
CE. REINWALD, LIBRAIRE | HENRI GEORG, LIBRAIRE
15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 65, RUE DE LA RÉPUBLIQUE, 65
1885
PRÉFACE
[Asie Occidentale est bien certainement une des contrées de la terre qui
méritent le plus d’attirer l'attention du naturaliste, de archéologue et de l’historien.
Quels souvenirs n’évoque pas cette vaste région qui s'étend entre l'Indus et
PAmou-Daria, à l’est; la mer Caspienne, le Caucase et le Pont-Euxin au nord; la
Méditerranée et la Mer Rouge à l’ouest; l'Océan Indien au sud ! Que l’Européen
place son berceau sur les plateaux de l'Arménie, dans les gorges du Pamir ou
aux abords du désert iranien, dans les vallées sauvages du Zagros ou en
Mésopotamie, il n’en est pas moins presque démontré que les montagnes du
Kurdistan et de lAsie-Mineure ont été les premières étapes de ses pères
asiatiques durant leur primitive odyssée vers l'Occident. Et lorsque, à l’aube
de l’histoire, de nouvelles tribus, parties probablement des régions méridionales
de l’Inde transgangétique, apportèrent au monde occidental les premières notions
de la métallurgie, semant partout des traces de leur passage, c’est dans le
Khorassan, en Médie, en Géorgie, en Cappadoce, en Phrygie qu’elles s’établi-
rent tout d’abord; puis, de ces pays favorisés elles répandirent en Grèce et dans
l'Europe méridionale, et, quelques siècles plus tard, le long du Danube et en
Cauc. TI. a
vI PRÉFACE
Scandinavie, les bienfaits de leur activité industrielle. Aussi la plupart des peuples
de l’ancien continent ont-ils placé dans ces contrées le berceau ou l'enfance de
leurs dieux. En Phrygie grandit Jupiter, protégé contre la voracité du vieux
Saturne par les sons effrayants que produisaient les forgerons Curètes en frappant
leurs boucliers de leurs lances d’airain. De l’Asgard partira Odin, avec les Ases,
pour aller civiliser le Nord scandinave.
Plus tard encore, combien d'événements et d’invasions se succédèrent sur les
bords de ces fleuves vénérés et célèbres, Indus, Yaxartes, Tigre, Euphrate, Araxe,
Cyrus ou Koura, Phase, Halys, Oronte et Jourdain.
« Vu de haut, le grand drame de l’histoire universelle n’est autre chose qu’une
latte incessante entre l’Europe et l’Asiet. » Or, la partie sud-ouest de cette der-
nière était située à merveille, au centre des terres du vieux continent, pour être le
théâtre le plus constant de cette lutte et servir de cadre à ses terribles épisodes.
C’est là que se sont agitées de tout temps et, qui sait? que se décideront peut-
être les destinées du monde asiatique. Là ont passé tour à tour les Aryas, les
Égyptiens, les Iraniens, les Grecs des temps homériques, les Macédoniens
d'Alexandre, les Scythes, les Romains, les Arabes, les Croisés, les Tatars, les
Mongols, les Turks et de nos jours les armées de Bonaparte, puis enfin celles
des Russes, des Osmanlis et des Anglais, qui se disputent les lambeaux de ce
territoire tant de fois dévasté.
Ce n’est pas en vain que ces contrées jadis si fécondes ont été foulées pendant
des siècles sous les pieds des envahisseurs. Ces lieux d’où sont sorties les plus
nobles manifestations de esprit humain, comme ses aberrations les plus étonnantes,
sont aujourd’hui la proie du fanatisme, de l’ignorance et de la misère. Cette terre
qui vit naïtre les premiers germes de la civilisation et d’où partit aussi le souffle
religieux qui domine encore une grande partie de lhumanité, cette terre qu'illus-
trèrent Nemrod et Sémiramis, Mithridate et Tamara, Zoroastre, le Christ et
Mahomet, expie cruellement la gloire dont ces grands noms l’ont couverte. Déjà
VAsie antérieure se meurt d’épuisement, et tous ceux qui l’ont parcourue sont
unanimes à déclarer que ce n’est pas entre les mains des Turks qu’elle pourra se
relever.
1 Euxsée Recius. Géographie universelle, t. VI (Asie russe), p. 41.
PRÉFACE vil
Une contrée aussi ouverte aux invasions n’a pas été délaissée par les voyageurs
et les savants, Depuis le xwi et surtout le xvir° siècle, l'Asie occidentale a été mise
en lumière par toutes les forces intellectuelles de l'Europe.
Mais, bien avant cette époque, les peuples qui ont successivement dominé dans
le bassin de la Méditerranée ont dù acquérir sur les terres du rivage oriental de
cette mer des notions de plus en plus étendues et précises. Les Égyptes, durant
leurs courses militaires à travers l'Asie, sous Thoutmès III et Ramsès IT, le
Sésostris des Grecs, les Phéniciens au cours de leurs pérégrinations commer-
ciales, ont recueilli sur cette partie du globe un ensemble de connaissances dont
la géographie de la Genèse peut donner une idée, car elle est à peu près tout entière
empruntée aux sources de la science égyptienne et phénicienne’. Nous ne nous :
attarderons pas à examiner la date de ce document, objet de tant de discussions.
Nous ferons remarquer seulement que les marchands de Sidon ont dù posséder des
renseignements géographiques bien autrement complets que ceux du tableau de
Moïse. Mais nous ne saurons probablement jamais où s’arrêtaient ces notions, ni
la part d'influence qui leur revient dans les premières conceptions des Hellènes
au sujet de l'Orient; aucun témoignage direct ne vient nous révéler les limites
du savoir des Phéniciens, qui semblent avoir pratiqué cette politique de mystère
naturelle aux possesseurs de monopoles commerciaux, dont le principe régulateur
est le secret des découvertes.
Les Hellènes, navigateurs comme les Phéniciens, conquérants comme les Éeyptes,
connurent dès les temps héroïques les rivages de la mer Noire, la vallée inférieure
du Rion et, plus tard, les pays bordant la mer Éoée et la côte syrienne. Ces hardis
pirates eurent bientôt semé de leurs colonies les contrées où les portait leur soif
d'aventures et leur amour du gain. Le poème orphique, Piade et surtout l'Odyssée
sont les plus anciens monuments de cette géographie primitive qui soient parvenus
jusqu'à nous.
Mais ce fut surtout aux bouleversements qui marquèrent en Asie les vir et
vi siècles avant notre ère, et dont le retentissement arrivait à leurs oreilles, que
es Grecs durent leurs premières connaissances positives sur la configuration
1 Vivien De Sainr-MARTIN. Histoire des découvertes géographiques des nations européennes dans les diverses
parties du monde, t. I, p. 17. Paris, Arthus Bertrand, 1845.
VIII
PRÉFACE
et l’ethnologie de l’intérieur de l’Asie occidentale. Vassaux de l'empire des Perses
dépuis le grand Cyrus, leurs frères de l’Asie mineure durent apprendre à connaître
leur nouvelle patrie, et il n’est pas douteux que les rapports continus qui existaient
?
entre eux et les Hellènes d'Europe n'aient maintenu à un niveau à peu près
constant les notions
asiatique. De plus, les
que les uns et les autres possédaient sur la géocraphie
grandes guerres de cette époque allaient susciter des histo-
riens et des géographes qui se succédèrent sans interruption depuis la fondation de
la monarchie persane jusqu’au triomphe du génie grec, caractérisé par les expé-
Ê l 8 8
ditions d'Alexandre le
appartiennent à cette glorieuse période.
Les marches du cor
Grand, Scylax, Hérodote, Hippocrate, Ctésias et Xénophon
iquérant macédonien du Nil au Sindth, de l’Iaxartes à la mer
d'Oman vinrent préciser de plus en plus les récits concernant l'Orient et donner
un certain corps aux vagues intuitions des Hellènes touchant ces pays encore en
partie inconnus. Mais le résultat le plus important de cette rapide conquête fut
la fondation d'Alexandrie qui devint, sous la domination des Ptolémées, un centre
commercial et un foyer scientifique de première importance. Un négoce incessant
s'établit entre l'Égypte et l’Inde et prit un renouveau d’activité quand les Romains
en eurent enlevé le monopole aux Arabes pour laccaparer à leur profit. Il faut
reconnaitre cependant que ce trafic, presque entièrement maritime, ne produisit,
quant à la géographie
des pays éloignés des cô
es, que de médiocres résultats. Mais
l’école d'Alexandrie devait inaugurer, avec Eratosthènes, vers 200 avant J.-C.,
l'ère des grands travaux que poursuivirent
Ptolémée, et qui cont
sur l’Ancien-Monde
ribuèrent si puissammen
vint s’ajouter tout l’appoint qu'avaient apporté
Mithridate et ses alliés, les rois de Géorgie e
A cette brillante é
depuis le n° siècle ju
poque succède une long:
Strabon, Arrien, Pline et enfin
à fixer les connaissances acquises
jusqu'au n° siècle de notre ère, connaissances auxquelles
les expéditions des Romains contre
d'Arménie t.
ue phase de stagnation qui s'étend
squ'aux conquêtes de l
slam et aux croisades. Cette période
ne fut cependant pas également stérile pour toutes les parties de l'Asie occidentale;
les déchirements don
: l'Arménie et le Caucase furent le théâtre, ainsi que les
! Vivien pe Sair Mami. Études de géographie ancienne et d'ethnographie asiatique, t. Il, page 117. Paris,
Arthus Bertrand, 1852.
PRÉFACE 1x
rapports forcés qui en furent la conséquence trouvèrent en Ammien Marcellin
(vers 3170 après J.-C.), Procope (vers 550) et l’empereur Constantin Porphyro-
génèle (950) des historiens circonstanciés et riches de documents nouveaux.
Cependant le temps approchait où une diversion puissante allait être faite au
milieu de ces luttes. Les Arabes préludèrent à leur expansion et répandirent sur
leur passage les traces deleur civilisation déjà si remarquable. Ces conquêtes furent
le point de départ d’un réveil géographique dont les envahisseurs donnèrent le
premier signal. Une des causes efficientes de cette renaissance fut peut-être la
passion des pèlerinages que le Koran prescrivait à ses fidèles et que surexcita, chez
les chrétiens d'Europe, l’investissement du tombeau du Christ par les Musulmans,
Quoi qu’il en soit, la géographie fut en honneur chez les Arabes dès les premiers
siècles de l’hégire et l'Asie occidentale devint un des points de leur immense empire
où s’exerça surtout leur activité scientifique. C’est dans les documents que nous
ont laissés Maçoudi', Ebn-Haoukal*, Edrisi”, Aboulfeda‘, etc., que la science
moderne à puisé ses renseignements les plus étendus en ce qui regarde le Caucase
et l'Arménie de cette époque.
Mais ces notions devaient longtemps encore rester inconnues à l’Europe et il ne
semble pas que, de leur côté, les croisés aient rapporté ae leurs inutiles et san-
glantes expéditions une bien profonde connaissance des pays mêmes qu’ils avaient
parcourus.
Ce n’était ni à ces héros enthousiastes el souvent naïfs ni même aux ambassa-
deurs que, deux siècles plus tard, le pape Innocent IV envoya au Khan des
dont Plan-Carpin (12
Mongols — voya 5-1247) écrivit la relation — que
devait échoir la tâche de faire connaître sous son jour véritable cet Orient, révélé
d’une façon si incomplète et si vague par les classiques grecs et latins, presque
oubliés à cette époque.
Le commerce avec l’Inde, violemment interrompu par l'invasion arabe en Égypte,
‘ Maçount. Les Prairies d'or, taduction Barbier de Meynard, 9 vol. in-8e, Paris, 1861-1878.
? Esx-Haoukau. The oriental geography, translated by Ouseley. In-4°, London, 1800.
3 Enrist. G'ographie, traduction Jaubert, 2 vol. in-40, Paris, 1836-1840.
4 ABouLrÉDA. Géographie, traduction Reinaud, 2 vol. in-4o. Paris, 1848.
5 P. BerGeron. Relation des Voyages en Tartarie des FF. Guill. de Rubruquis, de Plan-Carpin, Ascelin, ete.,
extraite du latin, 2 vol. in-80. Paris, 1634.
x PRÉFACE
avait déserté la route maritime et le marché jadis si florissant d'Alexandrie.
Refoulé vers le nord, il avait retrouvé peu à peu, par la mer Noire, le Phase,
l'Arménie et la Perse, l'antique route des caravanes que la voie ouverte par le
conquérant macédonien avait fait abandonner presque complètementt, Constan-
tinople, héritière de la cité d’Alexandre, devint à son tour le grand marché
du monde.
Les Vénitiens, puis les Génois, recueillirent le fruit de cette révolution commer-
ciale et donnèrent à la fin du moyen âge et au début de l’époque moderne leurs
géographes et leurs navigateurs les plus célèbres.
Deux nobles de Venise, solao et Matteo, se rendirent vers 1250 à Constan-
tinople et de là chez le khan des Tatars occidentaux, résidant à Bolghari, sur le
Volga. Ne pouvant revenir par la même route, à cause d’une guerre qui éclata
entre deux chefs de tribus, ils prirent la direction de l'Est, passèrent au nord de
la mer Caspienne et du lac d’Aral, traversèrent l’Iaxartes et arrivèrent à Bokhara,
où ils séjournèrent trois ans, puis se rendirent près du khan des Mongols et revin-
rent enfin dans leur patrie. Ce premier voyage fut bientôt suivi d’un second, au
cours duquel Marco Polo, fils de Nicolao, les accompagna. On sait ce que réservait
la fortune au jeune Marco et quels succès couronnèrent ses longues pérégrina-
tions. Ces résultats, importants surtout au point de vue de nos connaissances
relatives à l’Extrême-Orient et aux Indes, ajoutèrent peu à ce qu’on savait alors
sur l’Asie occidentale; il en fut de même pour les nombreuses relations de
voyages que les xm° et xrv° siècles nous ont léguées et dont l'intérêt trop général
a été éclipsé par les récits du grand explorateur vénitien.
La défaite du sultan Bajazet à Angora (1402), qui fut le dernier acte de la conquête
de l’Asie par Tamerlan, valut à la science deux nouvelles relations sur l'Asie
occidentale. Ce sont : celle de l'ambassadeur espagnol Clavijo, qui alla jusqu'à
Samarkand, auprès du conquérant tatar, et celle de l'allemand Schildberger, fait
prisonnier par les Turks, et qui fut successivement, de 1395 à 1427, le compa-
gnon de Bajazet et de Timour. Le début du xv° siècle compte deux autres
voyages dont les mêmes contrées furent le point de départ ou l’objet. Le premier
4 Vivien DE Sanr-Marrin. Histoire des découvertes géographiques, t. Il, p. 51.
PRÉFACE x
fut exécuté par un Vénitien, Nicolao Conti. Parti de Damas, il traversa en caravane
le désert du sud de l'Euphrate, longea ce fleuve jusqu’à son embouchure et de là
se rendit en Hindoustan. Le second est celui du chevalier français Bertrandon de la
Brocquière. Après un pèlerinage à Jérusalem, il explora dans toute sa longueur
la péninsule de l’Asie-Mineure et en laissa une excellente description’.
Enfin nous ne saurions passer sous silence la relation que donna Josafa Barbaro
es compagnons Zeno et Contarini, tous deux
du voyage qu'il fit en Perse avec
députés comme lui par le Sénat de Venise auprès du prince turcoman Ousoun
Hassan ?.
Nous arrivons à la fin du xv° siècle, qui marque pour la science, comme pour la
politique et le commerce, une ère nouvelle. Les orandes découvertes de cette
époque — route des Indes par le cap de Bonne-Espérance (1486), Amérique
(1492), route des Indes par le cap Horn (1519) — offraient à l’activité des Européens
un champ tellement vaste et nouveau que leur attention fut détournée quelque
temps de ce bassin méditerranéen où s'était concentrée jusque-là leur vie presque
tout entière.
Mais l'Italie, que sa situation même isolait, à cet instant du moins, de la plupart
de ces expéditions lointaines, ne cessa point de fournir à l’Asie antérieure des
visiteurs et des marchands.
Vers 1502, un Bolonais, Lodovico Barthema, visita le Caire, Alexandrie,
Beyrouth, la Syrie, Damas, toute l'Arabie, atteignit le golfe Persique par la côte
méridionale de cette péninsule, traversa la Perse en tous sens et, revenu à Ormouz,
il s’embarqua pour l'Inde.
Un autre Italien, Giorgio Interiano*, parcourut, un demi-siècle plus tard, Pextré-
mité occidentale du Caucase, où il réunit, sur les Tcherkesses, des notions qui
n’ont été dépassées que par nos contemporains Bell et Longworth (1836-1839).
1 BERTRANDON DE LA Broaouière. Voyage d'outre-mer et retour de Jé em en France, pendant le cours des
. Publié par LæcranD p'Aussyx dans les Mémoires de l'Institut national des sciences et des
à 637. In-4o, Paris, 1804.
années 1432 et 1
arts, ete..…., t. V, p. 4
a (de 1473 à 1478), Dans le recueil Viaggi fatti da Vinetiu
931
? Josara BarBaro. Viaggio alla Tana ed in Persi
alla Tana, in Persia, ete. In-8v, Veneria, figliuoli di Aldo, 154
3 Giorcro Inrerrano. Della Vita de Zychi (voyage fait vers 1550 ou 1557). Dans Ramusio : Navigasioni e
Ey
viaggi, t. Il, 3 vol. in-folio. Venezia, 1563-1574 (3e édition).
xu PRÉFACE
En même temps l’innombrable série des Voyages au Levant, inaugurée dès 1507
par Baumgarten’, se continuait, de 1548 à 1615, par les ambassadeurs des rois de
France près le Grand Seigneur, Aramon et de Brèves?, ainsi que par les natura-
listes Pierre Belon*, Gilly“ (1546 à 1549) et Rauwloff (1573 à 1579).
Le siècle suivant ne fut pas moins fécond en explorateurs. Citons seulement les
noms de Pedro Texeira (1604), dom Garcia da Sylva (1621), Pietro della Valle®
(1627), Olearius° (1636), Tavernier ?, Thévenot (1656), et surtout Chardin ° (1666-
1677), dont les travaux sur la Perse et l'Asie antérieure ont encore une impor-
tance capitale. Il n’est peut-être pas sans intérêt de trouver, parmi ces voyageurs
célèbres à titres divers, un antiquaire vénitien, 3embo. Ses dessins non publiés
et sa relation, connue seulement par un insuffisant extrait, ne donnent, d’ailleurs,
qu’une idée médiocre des résultats auxquels aboutirent les investigations de ce pré-
curseur. Un autre nom appartenant à la même période est celui de notre compa-
triote Deshayes #.
Le xvin® siècle, allait jeter entre la Russie et l'Angleterre les germes de cette
rivalité d'influence qui menace aujourd’hui la paix de l’ancien monde. Il devait
être tout particulièrement favorable à l'expansion des recherches scientifiques de
tout ordre dont l’Asie occidentale était l’objet. Tandis que l’énergique Anquetil
Duperron” rapportait de l’Inde le Zend Avesta, livre sacré des Iraniens, source
d’ingénieuses inductions et de débats ardents; que Tournefort * continuait les études
1 MARTIN DE BAUMGARTEN, Peregrinatio in Ægyptum, Arabiam, Palæstinam et Syriam. Studio ct opera
Curisropaort DoNavert. Narimberg
2æ, P. Kauffmann, 1594.
? De Brèves. Relation de ses voyas
3 Pixrre BELrox. Ob
un vo
, recueillie par Jac. pu CAsreL. 2 parties en 1 vol. in-4, Paris, 1628.
bations en GC
rèce, Asie, Judée, Égypte, Arabie, etc. (documents recueillis dans
age fait de 1546 à 1549), Petit in-4o, Paris, G. Cavellat, 1553.
* Perro Gxccio. De Bosphoro Thracio, lib III. In-40, Lugd. Batav. Elzev. 1561.
5 Pretro D
sin'al'1626.
LA VaLue. I! pellegrino, descritti da lui medesimo in lettere famigliari… scritte dall'anno 1614
in 3 parties (Turquie, Perse et Inde). 4 vol. in-40, Roma, 1650-1658-1663.
5 Ocrarius. Relation d'un voyage en Moscovie
Tartarie et Perse, trad. de l’allemand. Paris, 1656.
7 TAvERNIER. Six voyages en Turquie, en Perse et aux Indes, en 1631, 1657, 1664... 3 vol. in-40, Paris, 1676.
$ Jean Tuevexor. Voyages au Levant et en Asie, vers 1656. 3 vol, in-40, Paris, 1665 à 1684.
? CHarDix. Journal d'un voyage en Perse et aux Indes Orie
Londres, 1680.
tales par la Mer Noire et la Colchide. In-4°,
19 Desxayes. Voyage au Levant, fait par le commandement du Roi en l'année 4621. In 4e, Paris, 1645.
1 Anouerir DuperRon. Traduction du Zend Avesta. 3 vol, in-40, Paris, Tilliard, 1771.
2 Prrron pe TourNerorr. Relation d'un voyage au Levant (fait de 1701 à 1702). 3 vol. in-8v, Lyon, Aniscon,
1717 (2° édition).
PRÉFACE xut
d'histoire naturelle et les observations ethnographiques de Gilly et de Belon ; que
Pococke ‘, Wood?, Mariti”, Richard Chandler‘, Volnc
les antiquités de l'Égypte, de la Syrie, des iles du Levant, de l’Ionie et de la
et Lechevalier 6 étudiaient
Troade ; que Joseph Beauchamps” rectifiait par ses observations astronomiques les
sartes alors existantes de la Basse-Mésopotamie et de la région pontique de Tré-
bizonde; que Niebubr°, enfin, à la tête d’une expédition danoise, visitait l'Arabie,
où devaient le suivre plus tard Seetzen° et Burckhardt, cette rivalité grandissait
peu à peu ct suscitait, avec de nouvelles alliances, des missions diplomatiques et
scientifiques qui contribuaient à faire connaitre de plus en plus les régions de
l'Arménie, du Kurdistan, de la Perse et de l'Afghanistan.
Olivier et Bruguière (1792 à 1798), Malcolm‘ (1801 à 1807), Amédée
Jaubert® (1805-1806), Gardanne, Tancoiene‘* et Dupré*, Hartford Jones et
Ouseley (1811) furent ainsi envoyés tour à tour à la cour du schah par la France
et l'Angleterre, pendant que la Rus isait explorer activement toutes les
1 RicuarD Poco:
:. Voyage en Orier
, trad. de l'ans
; Paris, Costard, 17
? Roserr Woo. Essai sur le génie original d'Homc
, De Bure, 1777.
Marin. Voyages dans l'Ile de Chypre, la Syrie et la Palestine avec l'Histoire générale du Levant.
, Paris, Belin, 1791.
4 RicuarD CHANDLE
2, avec l’État actuel de lu Troade, comparé à son état
ancien, trad. de l'anglais. I-80, Pa
? ABBÉ
2 vol. ir
Toniun antiquities:3 vol. in-fol, parus successivement à Londres, chez Painter, le premier
en 1769, le second en 1800 et le troisième en 1840.
. Paris, 1787 (2e édition).
5 Vorxey. Voyage en Syrie et en Egypte (178:
$ Lecugvazier. Description de lu plaine de
the Royal Society of Edinburgh, t. UT, 1794. — Voyage à la Propontide et au Pont-Euæin. 2 vol. in-8, Paris,
Dentu, 1800.
7 J. Beaucnamwps. Relation historique et géi
aphique d’un voyage de Constantinople à
pau) yas E
izonde par mer,
l'an V de la République. Dans les Mémoires sur l'Egypte, t. IL. 4 vol. in-8°, Paris, Didot, 4802.
# Niesuur. Description de l'Arabie. 2 vol. in-40, P.
9 SG
Unter-.
Brunet, 1779.
ZEN. Reisen durch Syrien, Paläüstina, Phônicien, die Transjordan-Lünder, Arabia Petræa und
gypten. Herausgegeben und commentirt von... Fr. Krusein Verbindung mit. Hinrichs. . Hermann
Müller und mehreren andern Gelehrten. Berlin, G. Reimer, 1854-1859.
10 G.-A. Orrvier. Voyage dans l'empire ottoman, l'É
se, 1801 à 1807.
1! Joux MarcoLm. Histoire de la Perse depuis
1815. — Histoire politique de l'Inde. London, 18
1 AmévÉe JAUBERT. Voyage en Arménie et en Perse. In-8°, Paris, 1821.
NGE DE GARDANNE. Journal d'un voyage dans la Tu ie d'Asie et la Perse. In-80, Paris, 1809.
; Paris, 1819,
Egypte et la Perse. 3 vol. in-49, atlas gr. in-40, Paris,
les temps les plus
lès jusqu’à l'époque actuelle. London,
NGOIGNE. Lettres sur la Perse et sur la Turquie d'Asie
1 Dupré. Voya
vol. i
, Dentu, 1819. — Des
GamBa: Voyage duns la Russie méridionale, t. 1, 1826
> Perse. 2 vol. in-89, Par
ption de quelques villes et ports de la
Mer Noire. Dar
16 W. Ouse . 3 vol. in-49, London, 1819-1823.
CAUICUS b
arte levée en 1785-1786. Dans Transactions of
x PRÉFACE
parties de son immense empire et que la Grande-Bretagne exploitait les inépuisables
trésors scientifiques du sien.
Ces ambassades ouvrirent le champ aux travaux spéciaux et nettement délimités
qui allaient prendre peu à peu, au cours du x1x° siècle, le pas sur les relations
d'ensemble et les erands voyages.
Ce n’est pas que nous n’ayons à enregistrer dès lors aucune exploration générale
en Asie occidentale et que les traditions des Chardin et des Tavernier se soient per-
dues parmi leurs descendants. Les noms de Charles Teixier, dE. Buckingham et
d'Emile Botta, pris au hasard parmi tant d’autres, répondraient victorieusement à
une telle assertion. Mais les voyages acquièrent de plus en plus un caractère fran-
chement scientifique et se répartissent entre toutes les branches du savoir humain.
C’est ainsi que, grâce aux recherches de James Rich”, 3uckingham *, Coste et
Flandin®, Botta', Layard”, Rawlinson®*?, Loftus, Schrader°, G. Smith”, etc.,
exécutées depuis 1810 sur le territoire des anciens empires assyrien et mède, on a
pu reconstituer peu à peu leur civilisation, leurs langues et leur histoire, retrouver
1 James Ricu. Narrative of a Journey to the site of Babylon in 1811; with Narrative of a Journey to
Persepolis. In-8°, London, 1839. — Nurrative of «a residence in Koordistan.
2 BuckiNanam. Travels in Assyria, Media and Persia, including a Journey from Bagdad by Mount Zagros
to Hamadan, the ancient Ecbatan and Researches in Ispahan and the ruins of Persepolis, 2 vol. in-8o,
London, H. Coburn, 1830. 4
3 FLanpin et Coste. Voyage en Perse. 3 vol, gr. in-fol., Paris, 1843 et suiv. — Monuments de la Perse
ancienne, 5 vol, in-fol., Paris. — Cosre. Monuments modernes de la Perse, mesurés, dessinés et décris. In-
fol., Paris, 1865-18
4 Borra. Lettres sur ses découverte: à Khorsabad, publiées par J. Mohl. In-8, Paris, Imprimerie royale,
1845. — Bora et FLANDR
Monuments de Ninive. 5 vol. gr. in-fol., Paris, Imprim. royale, 1849-1850,
its remains. ? vol. in-8°, London, Murray, 1849. — Layanp, Raw
5 Layarn. Nineveh and x, Norris,
Smiru and Pinoues. Inscriptions in the cuneiform character from the Assyrian Monuments, discovered by
A. Lavarn. 98 pl., London, Harrisson, 1854. — Layvanp. The Monuments of Nineveh. 2 vol. in-fol. — Discove-
n the ruins of Nineceh and Babylon. Iu-8o, London, Murray, 4
ri
6 Henry Rawiinsox. Memoir on the Babylonian and Assyrian Inscriptions. In-80, London, Parker, 1851.
— Nombreux travaux sur les peuples de l'Asie ancienne.
7 GronGes Rawzisox. Manual of ancient History. London, 1869. — The five great Monarchy of the
ancient Eastern World. 3 vol., London, Murray, 1871 (2e édition). — The simth great oriental Monarchy. London,
Longmans, 1873.— The seventh great oriental Monarchy. In-8v. London, Longmans, 1876.
S Lorrus. Travels and R searches in Chaldea and Susiana. In-8, London, Nisbet, 1857.
° Scura
. Die Hœllenfalrt der Istar. Ein altbabylonisches Epos, nebst Proben assyrischer Lyrik. In-89,
Gissen, J. Ricker, 1874. — Die Namen der Meere in den assyrischen Inschriften. Berlin, Dümmler, 1878. —
Das Elfte Jahr des Kambyses. Berlin, Vogt, 1879-1880.
10 G
. Smirm. Chaldean account of the Deluge from terra cotta tablets found at Nineveh, and now in the British-
Museum. In fol., London, Mansell, 4872. — Assyrian Discoveries; an Account of explorations and discoveries on
the site of Nineveh, during 1873 and 1874. In-8°, London, Sampson Low, 1874.
PRÉFACE xv
leurs plus célèbres cités, et mener à bien les magnifiques travaux d’assyriologie et
d’ethnographie ancienne des Lenormant'*?, des de Saulcy*, des Oppert*, des
8
Spiegel®, des Longpérier®, des Norris’, des Lepsius° et des Menant”.
C’est ainsi que l’ethnologie, la géographie et l’histoire recueillaient sans relâche
1 Cu. Lenormanr. Cours d'histoire ancienne professé à la Faculté des Lettres de Paris. Première partie : Zntro-
duction à l'Histoire de l'Asie occidentale. In-89, Paris, Angé et Cie, 4837. — Mémoire sur le classement des
médailles pouvant appartenir aux treise premiers Arsacides. In-4°, Paris, Didot, 1840.
2 Fr. LENORMANT. Essai sur un document mathématique chaldéen et à cette occasion sur le:
ème des poids
et mesures de Babylone. Paris, Lévy, 1868. — Manuel de l'histoire ancienne de l'Orient jusqu'aux guerres médi-
ques. Paris, Lévy, 1869. — Lettres assyriologiques et épigraphiques sur l'histoire et les antiquités de l'Asie
antérieure. 2 vol. in-40, Paris, 1872. — Essai sur la propagation de l'alphabet phénicien dans l'Ancien monde,
Par 72-1875 — Études accadiennes. 3 parties en { vol. in-4o, Paris, 1873. — Les premières civilisations,
études d'histoire et d'archéologie. 2 vol. in-80, Paris, Maisonneuve et Cie, 1873. — La langue primitive de la
Chaldée et les idiomes touraniens. Gr. in-8°, Paris, 4875. — Les antiquités de la Troade et l’histoire primitive
des contrées grecques. Paris, 1876. — Les Dieux de Babylone et de l’Assyrie. Paris, 1877, etc
. Inscriptions des
3 De Saurc. Recherches sur l'écriture cunéiforme assyrienne. I. Inscriptions de Van. —
Achéménides, 2 parties in-40, Paris, 1849,
5 Oppert. Les inscriptions des Achéménides conçues dans l'idiome des anciens Perses. In-8°, Paris, Imprim.
ion de Borsippa relative à la restauration de la tour des
nationale, 1851. — Études assyriennes. L Inscr
langues de Nabuchodonosor. In-8°, Paris, Imprim. imp., 1857. — Expédition scientifique en Mésopotarnie de
1851 à 1854. 2 vol. in-4° et atlas in-fol., Paris, Imprim. imp., 1859-1863.— Élémentsde la grammaire assyrienne.
In-8°, Paris, Imprim. imp., 1860. — État actuel du déchiffrement des inscriptions cunéiformes. In-80, 1861.—
Les inscriptions assyriennes des Surgonides et les fastes de Ninive. In-8°, 1863. — OPperr et MEnanr. Les
#3 Di q ;
‘astes de Sargon, roi d'Assyrie de 721 à 703 av. Jésus-Christ. In-fol., Paris, 1863. — Grande inscription du
Ê , V£ , 1
palais de Khorsabad, publiée et commentée. 2 parties. In-8°, Paris, 1863. — OPperT. Histoire des empires
de Chaldée et d'Assyrie, d'après les monuments. In-8o, Versailles, Beau, 1865. — Mémoire sur les rapports de
l'Egypte et de l'Assyrie dans l'antiquité. In-49, 1869. — Babylone et les Babyloniens. In-8°, 1869, — Les ins-
criptions de Dour-Sarkayon (Khorsabad) publices et commentées. In-fol., Paris, Imprim. imp., 1870. — OPPERT
et MENanT. Documents juridiques de l'Assyrie et de la Chaldée. Gr. in-80, 1877. — Oppert. Le peuple et la
langue des Médes. In-8, Paris, Maisonneuve et Cie, 4879. — Anciennes populations de la Mésopotamie; dans le
Bulletin de la Société d'ethnographie. Paris, 1883, etc.
5 SpreGe. Die Altpers. Keilinschriften. Leipzig, 1865. —
‘änische Alterthumskunde. 3 vol, in-4°, Leipzig,
Engelmann, 1871.
6 A. pe LonGpériIER. Essai sur les médailles des rois perses de la dynastie des Sassanides. In-4#, Paris,
Didot, 1840, — Antiquités
cides. In-4°, Paris, Didot, 1853.
7 Norris (Edwin). Memoir on the scythie version of the Behistun Inscription. In-8°, London, Harr
Sons, 1853. — Assyrian Dictionary. 3 vol. gr. in-8°. London, William and Norgate, 1868-1872.
8 Læpsius. Ueber die assyrischen Éponymen, 1869. — Die babylonisch-assyrischen Lœngemasse, nach der
Tafel von Senkereh. In-4°, Berlin, Dimmler, 1877.
rrienne. Les Écritures cunéiformes. Exposé des travaux qui
, Paris, Duprat, 1864.
yllabaire assyrien. Exposé
le la Perse; Mémoires sur la chronologie et l'iconographie des rois Parthes Arsa:
son and
9 Menanr (Joachim). Éléments d’épigraphie &
ont préparé la lecture et l'interprétation des ins
iptions dela Perse. In-&, Paris, Lévy, 1872. — S,
trait des Mémoires présentés
riptions de la Perse et de l’Assyrie, In-
— Les Achéménides et les insce
des éléments du système phonétique de V'Écriture anarienne. 2 vol. in-4®, Paris (Ex
y J q
par divers savants à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres).— Annales des rois d'Assyrie, traduites et mises
en ordre sur le texte assyrien. Gr. in-80, Pa
du cabinet royal des médailles de lu Haye. In-”, La Haye, 1878. — Éléments d'épigraphie assyrienne. Manuel
s, Maisonneuve et Cie, 4874. — Cataloque des cylindres orientaux
de langue assyrienne. Gr. in-8o, Paris, Imprim. nationale, 1880, etc.
xvI PRÉFACE
les fruits de v
yages tels que ceux de Leake'et Macdonald Kinneir* en Asie-
Mineure; de Drouville*, Johnson‘, et Ker Porter en Perse, en Arménie et en
Géorgie ; de Fraser° et Alexandre Burnes? dans l’Iran septentrional; d'Alexandre
et Léon de Labordef, Michaud et Poujoulat® dans l'Asie-Mineure; du malheu-
reux Schulz !, assassiné par les Kurdes dans la région du lae Van; de Charles
Teixier * en Asie-Mineure, en Arménie et dans le bassin du Tigre ; de Hamilton #,
Ainsworth®, Aucher-Eloy ‘, en Asie-Mineure, tandis que l’archéologie s’enri-
chissait des documents numismatiques qu’en rapportait M. Waddington ! et des
notes de M. G. Perrot‘, notes qui peuvent être considérées comme le point de
départ du livre magnifique que ce savant archéolooue a consacré depuis à lÆis-
1 Leake. Journal of a tour in Asia Minor. In-8, London, Murray, 1824.
? Macvoxarn KinneïR. Journey through Asia Minor, Armenia and Koordistan, in he years 1813 and
1814; with Remarks on the Marches of Alexander, and Retreat of the Ten Thousand. Suivi de Route from
Merdine to Constantinople, by Sivas and Tokat (en 1810). In-8°, London, Murray, 1818.
se, de 1812 à 1813 1826.
% Jonxsox. Voyage de l'Inde en Angleterre par la Perse, la Géorgie, la Russie et la Prusse, fait en 1817.
Paris, 1819,
5 Roserr Ker Porter. Travels in Georgia, Persia, Armenia, ancient Babylonia, during the years 1817-
1820. 2 vol. in-4°, London, Longmans, 1821-1822.
5 Fraser. Norrative of « Journey into Klorasan in the years 1821 and 1822. London, Longmans and Ce, 4825,
3 DrouviLce. Voyage en Pe 2 vol. in-8°, Par
2 vol. in-8
— Traxels in Koordistan
2 vol. in-89, London, 1840.
Travels into Bokhara. À
N DE LABORDE. Voyage en Orien!
ÂLEXANDER BUr
grand in-fol., Paris, 1838.
vol.
Histoire et bibliographie des Croisades. T vol. in-8°, Paris, Michaud, 1822. — MicaauD et
Pousour.Ar. Correspondance d'Orient. 7 vol. in-8, ; Ducollet, 1833-1834. — Barrisrin Pouyourar. Voyage
dans l'Asie Mineure, en Mésopotamie, en rie et en Egypte. 2 vol. in-80, Paris, Ducollet, 1840.
1 Scaurz. Lettres de Constantinople et d’Erzeroum; dans le Nouveau Journal asiatique, t.T, 1828. — Notice
sur la ville de Trébizonde ; 0e recueil, 3°s , t. I, 1836.
#4 Cu. Texier. Description de l'Asie Mineure. 3 vol. in-fol., Paris, 1839. — Exploration de l'Arménie, du
Kourdistan et de la Suziane. Bulletin de la Société de Géographie de Paris, t. XIV, 2e série, 1840. — Renseigne-
ments archéologiques sur quelques points de l'Asie Mineure, de l'Arménie et de la Per. V, 1841. —
Itinéraire en Kourdistan, en Arménie et en Perse. Jbid., t. XX, 1843. — Coupes hypsométriques du plateau de
842
l'Iran ou arméno-caucasien. Thid., 1843.
4 W.J. Hamirrox. Researche:
18, AN:
Resear
in Asia Minor, Pontus and Armenia. 2 vol. in-8o, London, Murray, 1842.
worTH. Researches in Assyria, Babylonia and Chaldea. In-80, London, Parker, 18 Travels and
o, London, Parker. 2:
n Asia Minor, Mesopotamia, Chaldea and Armenia. 2 vol. i
44 Aucuer-ELoy. Relation d’un voyage en Orient. In-80, Paris, Roret,
5 Le Bas et Waopin
TON. Voyage archéologique en Grèce et en Asie Mineure. Paris, Didot, 1847. — Wan-
DINGTON. Un voyage en Asie-Mineure au point de vue numismatique. In-8, Paris, Rollin, 1853.
15 Perror, GUILLAUME et Decserr. Exploration archéologique de la Galatie et de la Bithynie, d'une partie
de la Mysie, de la Phrygie, de la Cappadore et du Pont. 2 vol. in-fol. avec 88 pl., Paris, Didot, 1862-1872. —
PErRoT. Souvenirs d'un voyage en Asie-Mineure. In-80, Paris, Lévy, 4864. — L'ile de Crète, souvenirs de voyage.
In-12, Paris, Hachette, 18€ s, Thorin, 1867. Perrot et Cniprez.
Histoire de l'Art dans l'antiquité, t. I à IL Gr. in-80, Paris, Hachette, 1882-1834.
— De Galatia provincia romana. In-8o, Pa
PRÉFACE XVII
toire de l’Art dans l Antiquité. Les sciences naturelles, enfin, en même temps que
les précieuses observations de Hamilton, de Kolenati, de Parrot et d’autres dont
nous parlerons plus loin, voyaient éclore un ouvrage considérable de Jaubert et
Spach' sur la flore de l'Orient, ouvrage rédigé en grande partie d’après les
collections recueillies par le comte Jaubert lui-même au cours du voyage qu'il
fit en Asie occidentale en compagnie de Charles Teixier.
2
Dans le même temps, Sarkisiansk? publiait en arménien la description de la
grande et petite Arménie, contrée qui avait été déjà au commencement du
siècle l’objet d'importants Mémoires de la part de notre compatriote Saint-Martin *
le naturaliste russe Tchihatcheff * consacrait à la configuration orographique et à
la géologie de l’Asie-Mineure un travail de très longue haleine qui est resté un
modèle en ce genre ; le commandant Duhousset”, puis Khanikofff, étudiaient les
populations de la Perse; de Beaumont’ rédigeait ses intéressants articles sur
l'architecture du même pays, sujet repris de nos jours avec succès par M. Marcel
Dieulafoy*; Schliemann® préludait en Troade à ses belles découvertes archéolo-
giques ; Deyrolle® parcourait en artiste et en naturaliste le Lazistan et l'Arménie,
où devaient le suivre bientôt les Anglais James Creagh‘! et Fanshave Tozer
rites d'Orient. Dans la Revue des Deux-Mondes, t. XXIX, fév. 1842. —
— La flore orientale a
! Le comte Jausenr. Lettres
Jausert et Spacu. lustrationes plantarum orientalium, 5 vol. in-fol.
trouv alement en M. G. BoissiEr, de Genève, un servant des plus di és. Sa Floria orientalis (5 vol. in-8°,
Genève) F marcher de pair avec les meilleures public
ions de ce genre.
Sankisiansk. Voyage dans la grande et la petite Arménie (en arménien). In-8, Venise, 1864.
Marin. Mémoires historiques et géographiques sur l'Arménie. Paris, 1818.
1. de pl. in-4°, Paris, 1866.
mestre 862 — Notice sur les chevaux orientaux. Dans
Touiar! sr. Asie Mineure. Des
viption physique. 8 vol. gr. in-80 et 3
s le Tour du Monde
naire, &. I, Paris, 18
5 Dunou
le Journal de médecine ri
— Études sur les populations de lu Perse. In-8’, Paris,
de Soye et Bouchet, 186
De Kaaxrrorr. Mémoire sur l’ethn
hie de la Perse. Dans lé Recueil des Voyages et Mémoi-
res publiés par la Société de Géographie: Paris, Arthus Bertrand, 18
7 A. pe Braumonr. L'architecture en Perse. Revue des Deux-Mondes, 15 sept. et 15 oct. 1866.
8 Manc se. In-fol., Paris, 4884. — Mme Jeanne Dieulafo
e pendant lequel ont été recueillis les matériaux de cet important ouvr
au retour de
, Dieuraroy. L'art antique de la Pe
a donné, dans le Tour du Monde
aations
3-1885) le récit de ses pé
® ScaLiEMANN. lthaque, le Pélopon Troie. In 80. Paris, Reinwald, 1869. — Trojanische Alterthümer.
Bericht uber die Ausgrabungen in Troja; Leipzig, 1874. — Mycenæ; a narrative of Researches and Discoveries
1878.
10 Devrozre. Voyage dans le Lazistan et l'Arménie. Dans le Tour du Monde, 1875-1876.
CrrAGn. Armenians, Koords, and Turks 2 vol. in-8°, London, 1880.
at Mycenæ and Tiryns. In-8, London, Murray,
11 Jam
12 H. Faxsnave Tozer. Turkish, Armenia and Eastern Asin Minor. In-8°, London, Longmans, 1881.
Judaïque. In-4°, Paris, Didot, 4
XVII PRÉFACE
Jules Soury‘ décrivait, dans un ouvrage justement estimé, la civilisation de l'Asie
antérieure ; Maspero® enfin, donnait une vie nouvelle, dans les pages de son
Histoire ancienne des peuples de l'Orient à l'énorme quantité de matériaux épigra-
phiques, linguistiques et archéologiques que notre siècle avait recueillis en Égypte
et dans toutes les parties de l’Asie occidentale.
La Syrie a nécessairement profité dans une large mesure de ce mouvement de
découvertes et d’études, auquel l'Arabie n’a pas échappé non plus. Parmi les
voyageurs que nous venons de citer, un grand nombre ont en effet visité la première
de ces contrées en même temps que l’Asie-Mineure, et les érudits qui se sont
occupés de l’Orient se sont arrêtés presque tous, non sans une visible prédilection,
sur ce Levant si souvent parcouru. Notons, parmi les plus illustres, Buckingham,
Botta, Aucher Éloy, de Laborde et surtout le D' Robinson‘; les archéologues
de Luynes*', de Saulcy”, Ernest Renan°, G. Rey’, Schlumberger$, de Vogüé?,
J. Halévy", Conder”, Clermont-Ganneau ©; puis les naturalistes Louis Lartet' et
1 J. Soury. Études historiques sur la civilisation de l'Asie antérieure et de la Grèce. Paris, Reinwald, 4877.
Hachette, 1878.
ward), docteur en théologie à New-York. — Tri
? Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient. Pari
3 Rogrnson (professor E s nombreux Mémoires sur la Palestine,
de 1838 à 1852. — Voir la Bibliographia geographica Palæestinæ, sunächst kritische Uebersicht gedruchter
ig, 1861.
% De Luynes. Essai sur la Numismatique des Sutrapies et de lu Phénicie sous les rois Achéménides. 2 vol.
is, Plon, 1856.
de la mer Morte
und ungedruchter Beschreibungen der Reisen im Heiligen Land, von Trrus Tosrer. Lei
in-4o, Paris, Didot, 1846. — Mémoire sur le sarcophage d'Esmumazar, roi de Sidon. In-4c
SD:
et dans les terres bibliques. 2 v —È É n-fol., Pe Gide, 18ë
Rollin, 4847. — Voyage autou
. — Recherches sur la numismatique
Paris, 1864
Didier, 1865. — Mémoire sur les monnai
de l'art judaïque. In-8°
édition). — Voyage
en Terre-Suinte. 2 vol. gr. in-8, Paris, datées des Séleucides.
Rothschild, 1874. — Sept siècles de
In-8, Paris, 1871. — Numismatique de la Terre-Sainte. In-4, Pa
l'Histoire Judaïque. In-8°, Paris
5 Ernest Renan. Histoire générale et système comparé des langues Sémitiques. In-8o, Paris, Imprim.
imp., 1855. — Mission de Phénicie. Avec atlas de 70 pl. Paris, Imprim. nationale, 1864-74.
7 G.Rey. Voyage dans le Haouwran etaux bords de la mer Morte, exécuté pendant les années 1857-1858.
Gr. in-fol. Paris, A. Bertrand. — Les colonies franques en Syrie aux XIIe et XIIIe siècles. In-8, Paris,
Picard, 1883.
8 SonLuMBErGer. Les principuutés franques du Levant. In-8o, Paris, Leroux, 1877.
9 De Vocué. Mélanges d'archéologie orientale. In-8°, Par Imprim. nationale, 4868. — Syrie centrale,
, Baudry, 1868-1877.
10 J. Haévy. Mélanges d'épigraphie et d'archéologie sémitiques. In-80, Pari
Inscriptions sémitiques. 2 parties. In-4, P
“Maisonneuve et Gie, 1874, —
Recherches critiques sur l'origine de la civilisation babylonienne. 1n-8°, Paris, Imprim. nationale, 4876. —
Mélanges de critique et d'histoire relutifs aux peuples séinitiques. In-80, Paris, Maisonneuve et Cie, 1883.
æ exploration found. London.
u. La Pal
i sur la géologie de la Palestine et des contrées av
11 Conver. Palestir
12 CLERMONT-(GAN stine inconnue. In-16. Paris
43 JL. LARTET. sinantes, telles que l'Arabie et l'Égypte.
Dans les Annales des sciences géologiques, 1869 et 1872.
PRÉFACE xx
Tristram ‘, auxquels il convient de joindre notre savant ami le D’ Lortet, dont
Pimportant ouvrage, Ja Syrie d'aujourd’hui?, est le plus lumineux tableau que l’on
ait tracé jusqu'ici de la Palestine et du Liban. On peut rattacher également à ce
groupe de noms chers aux amis de l'Orient : celui de M. Girard de Rüalle, qui,
dès 1866, en rapporta une série de crânes syriens”; ainsi que celui du D' Hamy,
qui publia quelques observations intéressantes sur la crâniologie babylonienne “.
En Arabie, enfin, comme nous l’avons dit, Burkhardt® avait brillamment
continué la tâche entreprise par Niebuhr et à ces travaux fondamentaux étaient
venues s'ajouter les notions que Chedufau® et Mary, deux Français entrés au
service de Mehemet-Ali, avaient pu acquérir au cœur même de la péninsule pen-
dant la guerre de trente ans que soutint le vice-roi contre les Arabes Wahhäbites.
Jomard avait réuni dans ses Zéudes sur l'Arabie une foule d'informations pré-
cieuses. Ruppell”, Ehrenberg, Rochet d'Héricourt et surtout Haines et Hulton
avaient fixé d'autre part par leurs relèvements géodésiques le tracé de la côte occiden-
tale de la mer Rouge. Les travaux historiques de Fresnel, de Caussin de Per-
ceval° et de Lottin de Laval”, les explorations de Laborde“, de Tamisier?, de
Botta , du lieutenant anglais Wellsted!#, de Burton ©, du Français Arnaud, qui copia
1 TristraM. The
survey of Western Palestina. The fauna and flora of Palestina. In-4o, London, 4884.
? Dr Lorrer. La Syrie d'aujourd'hui. Gr. in-40, Paris, Hachette, 1883. — Causes des déformations que pré-
sentent les crânes des Syro-Pheniciens. Bull. Soc. anth, de Lyon. T. UT, p. 50. — Poissons et reptiles du lac de
Tibériade. Archives du Muséum des se, nat. de Lyon. T. III, 1883.
> GIRARD DE RrALLE. Ü
ânes syriens. Dans le Bulletin de lu Société d'Anthropologie de Paris série, 1866.
* D' Hamy. Documents pour servir à l’anthropologie de la Babylonie. Nouvelles Archites du Muséum de Paris.
ie, t. VIT. In-49, Paris, 1884.
5 Burkuaror. Travels in Arabia. In-4o, London, 1829.
5 Dr Cuepurau. Relevé
7 RuppeL. Reisen in
du pays d'Acir. Bulletins de la Société de Géographie, t. XIX. Paris, 1842.
hen Arabien. In-8°, Frankf., 1829 et Reise in
Vubi
, Kordofan und dem Petr
Abyssinien, t. I, Frankf. 8.
$ FRESNEL. Quatre leltres sur l'histoire des Arubes avant l'Islwimisme. Gr. in-8o, ; Barrois, 1836-18:
LE PERCEVAL. Essai sur l'histoire des Arabes pendant l'époque de Mahomet, jusqu'à la réduction
de toutes les tribus sous lu loi musulinane. 3 vol. in-80, Paris, Didot, 1847-1848.
? Causs
10 LoTTiN DE LAVAL.
Gide et Cie,
11 Léon pe LABor Journey through Arabia Petrea, to Mount Sinaï and excavated city of Petra, the
Edom of the Prophecies. In-8°, London, Murray, 1836.
42 Tamiser. Voyage en Arabie. 2 vol. in-80, Paris, 1840.
Voyage dans la péninsule Sinaïtique et l'Égypte moderne. In-49 et atlas de 72 pl., Paris,
43 Borra. Relation d’un voyage dans le Yemen. In-80, Paris, 1841.
# R. Werrsren. Travels to the city of the Califs. London, 4840. — Travels in Arabia. London, 1838.
5 R. Burton. Personal narrative of a pilgrimage to el Medinah and Meccah. 3 vol. in-8, London, 1855.
xx PRÉFACE
le premier une partie des nombreuses inscriptions du Yémen, dont l'étude a été
reprise, on sait avec quel succès, par un de nos compatriotes, M. J. Halévy'; de
Palgrave*, d'Avril’, et enfin la publication que M. Lebon“ a consacrée, l’année
dernière, aux Arabes et à leur civilisation, ont largement contribué à faire connaitre
la Péninsule, ses habitants et les grands traits de leur histoire.
Ainsi l’Asie occidentale fut peu à peu conquise à la science. Sa configuration, son
ossature montagneuse, sa flore et sa faune, son histoire même, au moins sous
certains aspects, se révélèrent à l’Europe. Mais tandis que les explorateurs, dont
une minorité d'élite a seule pu trouver place dans le court exposé qui précède,
relevaient à l’envi les mille productions curieuses de ces climats, Fhomme, dont on
plaçait là le berceau, était incomplètement étudié. Même depuis l'aurore de
l'anthropologie, bien peu de voyageurs ont parcouru ces contrées dans le but de
recueillir les vestiges des plus antiques civilisations dont la connaissance s’impose
aujourd'hui. Bien plus rares encore sont ceux qui ont rapporté de leurs péré-
grinations des renseignements positifs, des mensurations anthropométriques, des
documents ethnographiques et autres sur ces populations à la fois si diverses et si
mélangées, et dont il serait si important de saisir les principaux caractères.
On pourrait à bon droit s'étonner que certains esprits, malgré cette absence
presque complète de recherches méthodiques et de résultats probants, aient voulu,
sur la foi des données bibliques, placer en Asie occidentale le centre de dispersion
des races blanches, et, sans rien savoir de l’ethnologie du Caucase, imposer à ces
races le nom général de caucasiques.
On pourrait s'étonner aussi de voir quelques archéologues décider, sur la seule
interprétation de légendes éparses et nébuleuses, que le Caucase et les régions qui
o
l’avoisinent au sud ont été le point de départ d’une grande partie de la civilisation
I 8
néolithique et de celle du bronze tout entière.
1 J. Harévy. Rapport sur une mission archéologique dans le Yemen. In-8°, Paris, Imprim. nationale, 1872.
? PALGRAVE. Une année de voyage dans l'Arabie centrale. 2 vol. gr. 8°, 1860.
3 AD. D'Avris. L’Arabie contemporaine, avec la description du pèlerinage de la Mecque. In-8°, Paris,
Muaillet, 1868.
4 Gustave Lesox. La civilisation des Arabes. Gr. in-89, P
, Firmin-Didot et Cie, 1884.
Pour l'exposition détaillée des travaux qui ont amené à son niveau actuel notre connaissance de l'Arabie à ses
divers points de vue, voir l'Index dressé par M. Leson et la bibliographie de l’article AraBie du Dictionnaire de
géographie universelle de M. V. pe Sair-MARTIN.
Re
PRÉFACE xx
C'est; on le voit, sur le Caucase principalement qu'ont porté ces assertions au
moins aventurées. Serait-ce peut-être parce que, de tous les points de l’Asie occi-
dentale, l’isthme ponto-caspien a été jusqu'ici le moins exploré et l’un des moins
parfaitement connus ?
Le Caucase, en effet, est un pays moins ouvert que l'Asie mineure, la Syrie,
PArabie, la Mésopotamie et la Perse. Tandis que ces contrées livraient peu à peu
leurs secrets à leurs nombreux explorateurs, l’àpre plateau arménien et les puis-
sants massifs qui le dominent au Nord ne s'étaient révélés que d’une façon sommaire
aux lévions romaines, aux armées byzantines et aux quelques marchands génois qui,
à de lonos intervalles, avaient abordé à la côt2 pontique. Il a fallu l'entrée en scène
de la Russie et sa prodigieuse extension asiatique pour rendre à ces rudes montagnes
toute leur importance et donner au monde occidental des notions à peu près exactes
sur leur structure et sur leurs habitants. C’est, d’ailleurs, au gouvernement russe
qu’appartint l'initiative du mouvement scientifique qui allait se poursuivre au
Caucase pendant tout le dix-neuvième siècle. On ne peut guère compter au
nombre des voyages utiles à la science ceux qui, antérieurement, avaient été
accomplis depuis G. Interiano par les missionnaires italiens Lamberti et Zampi,
par Jean de Luca', Olearius”, Ferrand”, Lerche, La Motraye', etc...; quoique
leurs relations, de même que celle de Chardin”, contiennent d’intéressants détails,
elles ont été bientôt distancées par les études du dix-neuvième siècle et de la fin
du dix-huitième.
Ce furent Gmelin° et Guldenstædt ? qui, parmi les savants désignés en 1768 par
? F Le] j'
1 Jean De Luca. Relation des Turtares, Percopites et Nogaïs, des Circassiens, Mingréliens et Géorgiens.
Dans Tnevenor: Relations de divers voyages curieux qui n'ont pas été publiés. 2 vol. in-fol.,{re partie. Paris,
1664 et sq.
? OLEarius. Relation du voyage de Moscovie, Tartarie et Perse, trad. de l'allemand, Paris, 1656.
3 Dans le Recueil des Voyages du nord, t. IV, p. 516 à 534.
# La Motraye. Voyage en Europe, Asie et Afrique, t. II. 3 vol. in-fol., La Haye, 1727
Ces deux derniers èrent les régions du Kouban (rive droite) et la Kabarda.
a Colt
it plus particulièrement aux provinces riveraines de la mer
5 CHARDiN. Voyage en Per.
5 Le voyage de Gmelin, quia t
pienne (sud et
sud-ouest), publié en allemand à Saint-Pétershourg (4 vol. in-4o), n'a jamais élé traduit en f
sauf les longs
extraits qu'on en trouve dans l'ouvrage intitulé : Histoire des découvertes fuites par divers savants voyageurs
Berne, 1778-1781 (V. de Saint-Martin).
dans plusieurs contrées de la Ru et de la Perse, 4 vol. in-8
T DrJ.-A Gucpensrœæpt. Reisen durch Russland und im Caucasischen Gebürge, auf befehl der rus-
sisch-kaiserlichen akademie der Wissenschafften, herausgegeben von P.S. Pazras. — Reisen nach Georgien
und Imerethi. et Beschreibung des Kaukasischen Lande
, publiés par KLaproru. IN-8°, Berlin, 1815.
Cac C
xx PRÉFACE
Catherine II pour étudier les différentes parties de son empire, se chargèrent de
l'exploration du Caucase. Ils ne tardèrent pas à être suivis par Engelmann, chef de
l'escorte d’une mission russe qui se rendit en Perse en 1785, puis par l'Allemand
Jacob Reineges (1790)', dont les notes réunies en désordre représentent bien
OÙ |
incomplètement les recherches auxquelles s’est livré leur auteur. Pallas*, qui avait
appartenu, comme Guldenstædt à la grande expédition de 1768, visita à son tour
les steppes de la Russie méridionale ainsi que les hautes vallées du bassin du
Kouban (1793). L’antiquaire Jean Potocki* parcourut peu de temps après les
mêmes contrées. Sa relation, écrite en français, fut éditée trente ans plus tard par
Klaproth", qui lui-même avait fait, en 1807-1808, un très important voyage dans
la partie centrale du Caucase. Steven en 1810, Engelhard et Parrot” en 1811,
le D' Kupfer° et s
s compaenons Lenz, Meyer et Menestriès en 1829, ajoutèrent
de nouveaux matériaux à la géographie de cette région. Taitbout de Marigny’ et
Tauüsch faisaient connaître vers le même temps (1818) quelques parties de la
Cire
sie; Gambaf (1822) ajoutait de nouvelles observations à celles déjà recueil-
lies sur la Colchide et la Géorgie et sur leurs habitants; Eichwald° étudiait
en naturaliste et en géographe les bords de la mer Caspienne que devait
parcourir, quelques années plus tard, ainsi que les plaines du bas Volga, de
1 Dr ac. Rengaüs. Al/gemeine Historisch-topographische Beschreibung des Kuuhasus, aus dessen nach-
CHRŒDER. 2 vol. in-8°, Gotha und Samt-
gelassenen papieren gesamelt und herausgegeben von Frimo. E
Petersburg, 1796-17(
? Profe
Voyages entrepris dans les gouvernements méridionaux de l'empire de Russie, traduc-
tion de MM. DELABour.A
t ToxveLier. 2 vol. in-4° et atlas, Paris, 1805.
trakhan et du Caucase, accompagné de plusieurs autres
1829.
avec une carie de la Géorgie. 2 vol. in-8s, Paris, 1823.
3 Comte Jean Porocxt. Voyage dans les steppes d’:
Kraproru. 2 vol. in-80, P
mémoires, public
# J. KLAproTH. yage au mont Caucase eten Géor
purs. In-4° avec atlas in-fol.,
— Tableaux historiqu de Cyrus jusqu'à nos,
Schubart, 1826
provinces Limitr
s de l'Asie, depuis la monarchi
. — Tableuw historique, géographique, ethnographique et politique du Caucase et des
, entre la Russie et la Perse. { vol. in-8o, Paris, 18
Paris, Dondey-Dupré, 1827
uhasus. 2 vol. in-89, Berlin, 1815,
Par
— Vocabulaire de la langue géor-
la Société asiatique
gienne, publié pe
Ë :LHARD et ParRoT. Reise in die Krym und in dem
6 Dr Kurrrer. Rapport fait à l'Acad. imp. des sciences de Suint-Pétersbourg sur le voyage dans les environs
du mont Elbrous, dans le Caucase, entrepris par ordre de S. M. l'Empereur. In-i°, Saint-Pétersbourg, 1830
7 Tarrs Bruxelles, 1821.
$ Cheval
del du Caucase, fait de 1820
Voyage en Circassie, fait en 1818. In-8.
dans la Russie mér culièrement dans les provinces siluées au
à 1824. 2 vol. in-8o et atlas, Paris, 1826.
Hcuwarn. Reise auf dem Kaspischen Mere und in den Kaukasus; Periplus des Kaspischen Meeres.
dionale et pc
3 vol. in-80, Stuttardt, 1834. — Alte geographie des Kaspischen Mecres, des Kauhasus, und des sudlischen
, Berlin, {
Russ'and. li
PRÉFACE xx
la Kama et du Kouban, le célèbre Hommaire de Hell !. La campagne du maréchal
Paskewitch au sud du Caucase, en 1828 et 1829, contribua à l'avancement de
nos connaissances positives sur l’ensemble de ce pays. Les observations qu’elle
suseita furent réunies par M. Fonton°, dans un livre qui donne de plus la substance
d’un certain nombre d'ouvrages russes publiés antérieurement sur les mêmes
régions. Enfin Dubois de Montpéreux exécuta, en 1833, son Voyage aulour du
Caucase, chez les Tcherkesses et les Abkhases, en Uolchide, en Géorgie, en
Arménie et en Crimée®. Tel est le titre sous lequel il publia le plus beau livre
qui ait été écrit sur le Caucase. Bien qu'il soit dépassé aujourd’hui sur quelques
points, il est impossible de ne pas rendre hommage à la persévérance, à
’opiniâtreté qu'il a fallu pour mener à bien une pareille tâche. Historien, archéo-
ogue, géologue, artiste, Dubois de Montpéreux a su fondre ensemble avec un
admirable talent, tout ce qui avait été publié avant lui sur ces contrées encore
peu connues. Presque toutes les idées qui ont été émises depuis sur l’ethnologie et
‘histoire ancienne du Caucase trouvent leur source dans son ouvrage. Il est vrai qu'il
a abordé à peu près tous les sujets et toujours avec la même clarté, le même style
«2
naturel et égal rehaussé parfois par des pages empreintes d’un enthousiasme véri-
able. Mais ce qui fait le principal mérite de ce travail, c’est la place que l’auteur
r a faite à l'observation, place vraiment importante si l’on considère la pénurie des
moyens que la science avait alors à son service. Quoiqu'il se soït laissé entrainer
souvent par des identifications hasardeuses il faut avouer qu'il a produit, à l'appui
de ses hypothèses, un bien plus grand nombre de faits que n’en exigeait son époque.
1 Hommaire De Heu. Les Steppes de la mer Caspienne, le Caucase et la Russie Méridionale.3 vol. in-8° avec
atlas, Paris, 1845.
? Fonron. La Russie dans l'Asie Mineure (campagne du maréchal Paskhéwitch en 1828 et en 1829). précédé
d'un Tableau du Caucas ï
Gr. in-8° avec atlas in-fol.,
1839 à 18
Môtiers, près Neuchâtel (Suiss
iques et géologiques en Suisse, en Courlande, en Lithuanie et en Polog
et enfin par une conne
Leneveu, 1840,
3 6 vol. in-8° avec atlas in-fo
Paris. Gide
Dubois de Montpéreux est né
. Préparé par sa laborieuse jeunesse, par ses
excursions archéolog:
, par de fortes études
universita ssance approfondie des antiquités scandinaves, il commença par l'Ukraine
l'exploration de la Russie mé
idionale, passa de là en Crimée
uivit de Sébastopol à Redout-Kaleh la côte orientale de la
mer Noire, puis se rendit successivement à Kouta!
Akhaltzikh, dans la vallée de Bordjom, dans le Letchkhoum,
lé
Tiflis par Gori et Ouplis-Tzikhe. De Tiflis il alla à Éri
l’Akstafe
dans le Ratcha, revint sur ses pas pour visiter le
du Rion, Poti, le Gouriel, puis à Koutaïs d'où il se rendit à
an et visita chemin faisant les ées de la Débéda et de
ainsi que les hauteurs qui dominent la côte occidentale du lac Gok-tchaï; puis, après une série d’excursions
dans toutes les parties remarquables de la région qui s'étend entre Erivan et l’Araxe, il contourna au sud le lac
xx PRÉFACE
Dubois de Montpéreux n’a parcouru ni le Daghestan ni les basses vallées de
la Koura et du Térek. Foutefois, il peut être considéré comme le dernier des explo-
rateurs généraux du Caucase. Après lui les voyages se restreignent dans cette
contrée soit à une région déterminée, soit à une branche spéciale de la science.
Déjà Sjœægren‘ avait enrichi la philologie de notes nombreuses sur les dialectes
de la partie centrale de la chaîne. Brosset” jeune, par ses travaux considérables
touchant le géorgien et sa littérature avait préparé les matériaux des discussions
ui ne pouvaient tarder à surgir à propos de la généalogie de cet idiome.
8 g Ê
arménien, vit Naïkchitchevan, Choucha, Elisavetpol et Tifi , qu'il quitta de nouveau pour faire une tournée rapide
en Kakhétie; puis il traversa le Caucase par le Darial, visita Vladikavkaz, Ekaterimograd, Georgiewsk, Piatigorsk et
Kislovodsk et revint à son point de départ, la Crimée.
inactif; stimulé par les récompenses
De retour en Suisse, et après la publication de son voyage, Dubois ne resta pas
et les éloges qui lui arrivaient de tontes parts, il commença, avec l'appui généreux du gouvernement helvétique, la
publication de ses Antiquités neuchâteloises, dont il ne put aborder le texte. Il avait rapporté de ses pérégrinations
les germes de cette fièvre intermittente dont le Caucase est si prodigue. La mort vint mettre un terme à ses lor
travaux, seize ans après son retour, le 7 mai 1850, Un ami, cueillit, dans les innombrables documents réunis par le
7
défunt, vingt pages qu'il plaça à la tête des Antiquités neuchâteloises, et l'album parut. Ce fut un dernier fleuron
à sa couronne de savant; mais quelle que soit l'importance de cet ouvrage posthume, il reste pour nous bien loin
du Voyage autour du Caucase, auquel Dubois de Montpéreux a dû sa gloire la plus durable et la reconnais-
sance de tous ceux qui se sont occupés après lui de l’Isthme ponto-caspien.
li
1 Siügren. Ossetiche Stu
en mit besonderer Rücksicht auf die Indo-Europäischen Sprachen, Erste Lieferung.
l E ÿ
Die Selbstlaute. Mém. Acad. Saint-Pétersbourg, NI, série polit. hist. phil. T. VIL, p. 571 et sq., 1847. — Jron
etisc.en Würter-
Jevs ist 05
qukhour das sche Sprachlehre, nebst Kurzem ossctisch-deutschen und deutsch 0
buche. In-%9 de 543 p., Saint-Pétersbourg, 1844.
2 Brosser Chronique géorgienne, taduction, notes et texte géorgien, publiés par la Société asiatique de
anne. Paris, 183%. — Description de la
France. In-89, Paris, Imprimerie royale, 1831. — Grammaire géorg
int-Pétersbourg, 1842.— Histoire de lu Géorgie. In-4o, Saint-Péters-
Géorgie, par le tzarewitch Wackhoucht. S:
bour& 1849 -1850 et 1854 1857. — Addition et éclaircissements relatifs à l'Histoire de la Géorgie. In-4°, 1851.
— Rapport sur un voyage archéologique dans la Géorgie. In-8, avec atlas in-40, 1849-1851.— Ruines d'Ani,
et XIe sù 2 vol. avec pl. et atlas, 1860-1861. —
Histoire chronologique, traduite de l'arménien, In-4o, 1869.
capitale de l'Arménie sous les rois Bagratides aux
Le rôle de Brosset dans la reconstitution de l'histoire du Caucase et dans l'étude des dialectes Kartvéliens offre une
telle importance que nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser d’accompasuer son nom d’une courte notice.
Né en 1802, à Paris, Brosset, destiné d’abord à l’état ecclésiastique, fut pendant trois ans professeur d'humanités
au Petit-Montrouge et à un autre collège de jésuites. Il abandonna bientôt la théologie pour se vouer à l'étude des
langues orientales et principalement à celle de l'arménien et du géorgien. Ses premiers travaux, encouragés par
Saint-Martin, allaient lui valoir une mission en Géorgie, lorsque survint la révolution de 1830.
N'’attendant plus aucune ressource de «
r de cette sit
études spéciales, il se fit compositeur, puis correcteur dans une impri-
merie. Mais il ne tarda pas à se la
ion précaire, sollicita et obtint une chaire d'adjoint pour les
littératures géorgienne et arménienne à l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, où il se rendit.
Une vie nouvelle l'attendait dans cette seconde patrie. Nommé successivement académicien ordinaire, inspecteur des
écoles primaires de Saint-Pétersbourg, bibliothécaire à la grande bibliothèque publique, conservateur de la collection
des monnaies orientales du palais de l’Ermitage, il continua ses belles publications, puisant à pleines mains aux
sources déjà abondantes de la science russe. Telle est en quelques mois, cette existence curieuse, l’une des plus
remarquables qui se soient consacrées au Caucase.
PRÉFACE xxY
Le classement des races de l’isthme ponto-caspien d’après leurs coutumes
respectives et leurs langues, déjà esquissé par Klaproth et Dubois, allait préndre
un certain degré de précision sous l'influence des observations de Bell! ét
Longworth? (1837-1839) sur les mœurs et le pays des Tcherkesses; de Koch °
$
et surtout de Rosen” sur la Lazie, la Colchide et lOsséthie, ainsi que sur les
différents dialecies qui y sont parlés; M. Vivien de Saint-Martin ® publiait à
cette époque ses belles recherches d’érudition touchant l’histoire géographique, les
populations primitives et les plus anciennes traditions du Caucase. Bergéf donnait
Le] ;
en 1861, une remarquable étude sur les Tchetchènes el ne tardait pas à être suivi
par le général Uslar”, qui complétait fort heureusement l'édifice ébauché par ses
devanciers du commencement du siècle en faisant connaître successivement les
dialectes Tchetchène, Avare, Lèke et Abkhaze. Un linguiste de mérite, M. Miller,
a commencé enfin, il y a peu de temps, une nouvelle étude de la langue ossèthe,
Dès 1870. une publication qui devait exercer une influence décisive sur
les investigations dont le Caucase était l’objet, fut entreprise par l’éminent ethno-
1 J.-S. BELL. Journal d'une résidence en Cireassie, traduit de l'anglais par Louis Vi
2 vol, in-8°, Paris, Arthus Bertrand, 1841,
2 J.-A, LoxcwortTa. À year among the Circassiuns. 2 vol. in-12. London, 1840.
DE SAINT-MARTIN.
A ces deux importants ouvrages il convient d'ajouter celui d’Enmuno Spencer: Travels in tle Western Cau-
casus. 2 vol. in-8°, London, 1838, ainsi qu’un autre livr Ti
2 vol. in 8°, London, 1837. On y peut joindre aussi les Observations historiques et géographiques s:
du même auteur :
ls in Circassia, Krim, Tar-
tary,e
les peuples barbares qui ont habité les bords du Danube et du Pont-Euxrin, faisant suite au Voyage à Magnésie,
à T'yatire el à Sardes exécuté, près d'un e auparavant, par de Peys
NNEL et publié à Paris, en 1
3 Kanz Kocu. Reise nach dem Kaukasischen Isthmus. 2 vol. in-8°, Berlin, 1846.
1 Rosex. Sprâche der La:
e. Lemgo, 1846
C4
n, abhandlungen ueber dus Mingrelische. In-4°, Berlin, 1840, — Ossetisch
grammati
5 L. Vivien L
Marrix, Recherches sur les populations primitives et les plus anciennes traditions
du Caucus
avis, Arthus Bertrand, 1847, — Etude de géographie ancienne et a‘ethnographie asiatique.
2 vol. in-8°, Paris, Arthus Bertrand, 1850:
6 BERGÉ
de la Soci
7 Prerre Uscar. Ueber die geog
Sprache aus einem Briefe an Akademike
tourg. T. N, p. 109 etsq. — Ts
Même recueil, t. V, p. 175 ets
La Tchetchenya et les Tchetchenzes. Le Globe. Genève, 1861. — Bencé er BAkRarzé. Mémoires
é archéologique du Caucase. In fol. Tifiis, 1875.
aphische Verbreitung der awa
iefner. Mél, asiat. de l'Acad. imp. des Sciences de
hetscher hes und Avarisches Auszüge aus Briefen an Akademiker Schiefner,
— ScmiErNER. Ausführlicher Bericht über des Generals Baron Peter von Uslar.
sche Studien. Mém. de l'Acud. d t. VI; n° 12 eb Et. VIII, p.61, 1863, —
rlicher Bericht über Baron P. v, Uslar ? Studien. Même récueil, t. X, no 12, et VIN,
p. 125, 1866. L'académicien Schiefner a publié, en outre, sous son propre nom, un certain nombre d'études sur la
Abchas
Saint-Pétérsbourg, vue sé
? Kasikumukhis
langue ossèthe.
$ Mirrer. Études Ossèthes, en 2 parties. In-80, Moscou, 1882 (en ruse).
|
Il
|
XxVI >RÉFACE
logue Seidlitz'. Entouré de tout ce que Tiflis compte de savants et d’intelligents
chercheurs, M. Seidlitz a su réunir dans ce recueil une foule d'articles très divers,
histoire et légendes, statistique et ethnographie, archéologie même, n'ayant d'autre
lien commun que leur objet ou plutôt leur but, la connaissance de la grande chaîne
à tous ses points de vue. C’est ce qui assure à l'Annuaire statistique du Caucase
un caractère nettement scientifique et un durable succès. Depuis, son directeur a
donné une magnifique carte ethnologique, la seule qui embrasse la totalité de
l'isthme. La classification adoptée pour l'exécution de cette caïte est basée
essentiellement sur les données de la linguistique et de l’ethnographie.
D’autres travaux anthropologiques, d’une moindre étendue mais non moins
sérieux, ont suivi l’éclosion de la Statistique. Le zoologiste Radde *, en même temps
qu’il organisait au Musée caucasien de Tiflis une remarquable galerie ethnogra-
phique, relevait des notes intéressantes sur les Khevsours et leurs montagnes. Le
oénéral Komaroff* consacrait aux tribus plus dispersées et plus nombreuses du
8
Daghestan un travail et une carte justement estimés.
Les problèmes soulevés par l’étude encore incomplète des langues du Caucase
et'leur place dans les familles aujourd’hui acceptées le plus généralement conti-
ssions et d’utiles recherches. M. Zagarelli‘ exposait
nuaient à susciter des disc
ses idées relatives au géorgien, en examinait à grands traits la littérature et
concluait à l'indépendance des idiomes Kartveliens. M. Zagoursky”, enfin, recueille
aujourd’hui encore parmi les populations du massif oriental, des documents phi-
lologiques nouveaux et positifs.
hie, dont M. Zagoursky est l’âme, a donné depuis son
origine une impulsion énergique à l'exploration des diverses parties de la chaîne.
1 Smipurz, avec la collaboration de MM. Amic, Bay FeruiTzine, KER-
MARGRAFF,
CHAVROFF,
AKALOFF. AL, ZELITZKI,
orr, KOULICHABAROrr, KONDAREN
Sraunskr, Vorrokouk, ete, ete. Statistique du Cauca
1880.
12 vol. in-4o, Tiflis, depuis 1870 (en russe). — Seinrrz.
Carte ethnologique du Caucase. Saint-Pétersbours
1, 1878.
3 Général Komarorr. Populutions du district du Daghestan, avec une carte ethnographique. In-8°, Tiflis, 1880
2 Ranne. Die Chewsuren und ihr Land. In-8. G
(en russe).
AGARELLI. Éwamen de la littérature relative à la grammaire géorgienne.
5 Zacoursky. Recherches sur les langues du Caucase. In-4°, Tiflis, 1880 (en russe).
PRÉFACE XVII
Aux ascensions des Parrot et des Kupffer, aux études des naturalistes Eichwald,
Brandt’, Nordman*, Baer* et Kolenati ont succédé les excursions des membres
de cette Société, les pérégrinations isolées de Douglas et Freshfeld”, de B. Veres-
chaguine®, cet artiste si observateur et si fin, de Munsay”, Cunynghame*, de
Kæchlin-Schwartz®, de Grove”, de M Carla Serena‘! et les observations
scientifiques des zoologistes Kesler® et Radde‘, celles du botaniste Smirnoff
et de quelques autres naturalistes.
Les linéaments principaux de la géologie du Caucase, sur laquelle on n'avait
encore que les aperçus jetés à longs intervalles dans les relations d’Engelhardt,
d’Hommaire de Hell, de Dubois et de Koch se sont fixés peu à peu grâce aux
41 Brant. Voyage dans une partie de l'Arménie et de l'Asie Mineure. Dans les Nouvelles annales des voyages,
t. 1, 1838. — Notc sur quatre nouvelles espèces de Serpents de la côte occidentale de la mer Caspienne et de la
de Suint-Pétersbourg, t. I, p. 241 et sq.,
n-80, Paris, 1840-1843.
issenschaftlichen Reise im westli-
Perse septentrionale, découvertes par M. Kareline, Bull. acad. à
183
? Norpma
4 vo
— Voyage dans la Russie méridionale et la mée.
ner naturw
Diagnosen einiger während
(Alexandre). Voli
en entdeckten und als neu erkannten Pflanzenspecies. Bulletin de l'Académie
chen Theiïle der Kaukasischen Provir
impériale des sciences de Saint- létersbourg, t. II, p. 311 et sq. 1837. — Ueber das Vorkommen des Auerochsen
im Kaukasus. Bull. Acad. se. Saint-Pétersbourg, t. II, p. 305 et sq., 1838.
iche Academie der Wissenschaften. Berichtüber die kapische Fischerei. Bull. phys. et
1e Häring oder die Alse (franz. «lo
3 Bar. An die Kaisc
chim. Acad. Saint-Pét
des Kaspischen Mecres. Butl. phys. et chim. Acad. Suint-Péters
Fauna der Krym, ein Beitrag von Dr H. Rathke. Bull. acad. Saint-Pétersbourg, t. I, p. 16, 1835.
Korea. Die Gletscherlawine am Kazbek. Bull. class. mathem., t. Il, Saint-Pétersbourg, 1843.
strach
ourg, t. XVI, p. 32
bourg, t. XIV, p. 816 et sq. — Die
et sq., 1
5 DouGr1s et Fresurietp. Travels in the central Caucasus and Bashan. À vol. in-8°, London, Longmans,
Green and Co, 1869.
5 B. VERESCHAGUINE. Voyage ans les provinces du Caucase. Tour du inonde, 1868 et 1869.
x. Journ2y through the Caucasus and the interior of Persia. À vol. in-8°, London, 1872.
te au Caucuse. In-18, Paris, Hetzel, 1880.
HWARTZ. Un tour
. In-18, Paris, Quantin, 1881.
10 Grove. Le Causase glu
E e, 1581. — Abkhasie, 1882 (Ler semestre). — Kakhétie, 1882
11 Carra S A. Le Cau
: semestre) us successivement dans le Tour du Monde.
(0)
sultats scientifiques de son voyage sont consignés dans les Mémoires de la Société des natura-
listes de Saint-Pétersbou (AVIS
schen Untersuchungen in den Kaukasus-Lündern.Gr. in-4°,
. Mittheil. de Petermann, 1867, p. 12 et 92;
Tifiis, 48
1868, p.
— Reïisen und Forschungen im Kaukasus im Jahr 186
azungsheft, n° 36. In-4°,
et 129. ge über den Kaukasus. Mittheil. de Petermann. E
ue de Lyon, t. X, n° ?, — On trouvera, de plus, de très
bleau général méthodique et alphabétique des mat
ndications bibliographiques dans le
ule des sciences de Suint-Pétersbourg, depuis sa fondation.
nues dans les publications de l’Académie impr
In-8°, Saint-Pétersbourg, 1872.
EE _ = —
XXVIIT PRÉFACE
persévérantes recherches de MM. Abich', Fréd, Bayern ?, Eirnest Favre * et
Stebnitzky *.
L’archéologie et l'anthropologie, malgré les ingénieuses dissertations de Dubois
de Montpéreux et quelques travaux essayés çà et là sur les ruines les plus remar-
quables de certaines régions de l’isthme, étaient restées au Caucase en arrière des
autres sciences. Mais elles ne pouvaient tarder d’atteindre un niveau plus élevé,
Le mouvement initial imprimé depuis quelque temps déjà par les premières fouilles
de Bayern ainsi que par les travaux craniographiques de MM. Smirnoff® et
Csepura fut accentué fortement en 1879 par le congrès et l’exposition anthro-
ologiques de Moscou’. Comme au temps de la grande Catherine, la Russie
fut alors parcourue par une pléiade de savants qui, sous la haute direction
du professeur Bogdanofff, l’initiateur de cette œuvre scientifique et nationale,
en étudièrent les populations et exhumèrent les vestiges de son passé le plus
ointain. Le Caucase, dont les chants de Pouchkine, de Lermontoff avaient
depuis longtemps popularisé en Russie les légendes étranges, les belles et libres
peuplades, les sites pleins de grandeur, ne resta pas en dehors des préoccu-
? Le] ?
ations du savant professeur de Moscou. Tandis que M. Filimonoff”, conserva-
£ Avicu. Erlüuterungen zu einem Profile durch den nürdlichen Abhang des Kaukasus vom Elbrus bis
zum Beschtau. Zeistchr. für allgemeine Erdkunde, 1853. — Das Meschische oder Karthli-Imerethinische
‘ge in geologischer und climatologischer
siehung. Bull. class. math. et phys. IX. Saint-Péters-
1857. — Ueber Manganese in Transcaucasien. Mel. phys. et chim. du Bull. Acad. Saint-Pétersbourg.
leichende Grundsüge der Geologie des Kaukasus wi: der armenischen und nordpersischen
Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, IX, 1859. — Sur la structure et la
Daghestan. Mémoires de l'Académie impériale, 7€ série, no 4, Saint-Pétersbourg, 4862. — Beitrâge zur geo-
logischen Kenntni
gcologie du
er Thermalquellen in den Kaukasischen Ländern, 1865.— Aperçu de mes voyages en Trans-
— Elu
kungen die über die Gerëll- und Trümmerabla
sur les glaciers actuels et an
1s du Caucase, 1870. — Bemer-
rungen aus der Gletscherzeit im Kaukasus. Mél. Bull. Acad.
Saint-Pétersbourg, 8. — Uber die Naphtabezirke d
s nordwestlichen Kauka
? Pour le rôle de Bayern dans l’accroissement de n. ssances sur le Cau
FAvRE. Glaciers de la chaîne du Caucase. Archives de
onna
se, voir, ci-après, sa biographie.
iences phys. et nat. Genève, 1869. — Recher-
ches géologiques dans la partie centrale de lu chaine du Caucase. In-4° avec carte, Genève, Georg, 1875.
{ Srenirzky. Iss
estiga kavkaz. Osd' Roussk. geogr. Obchtcheston, 1877-78. — Mittlheilungen von Peter-
_mann, 1875.
5 SMIRNOFF. les fouilles entreprises dans les
gions du Caucase. Bulletin de la Société d'Anthropoloyie de
— Aperçu sur l’ethnographie du Caucase. Revue d'anthropologie. Paris, Masson, 1881.
cours de MM. ANOUTGHINE, TIKHOMIROFF
& Bospanorr, avec le co
ZoGrarr, etc... L'exposition antluropolo-
ouveaux mémoires de la Société des Amis de l'histoire naturelle, de l'anthroro-
oscou, 1878 et 1879 (en russe).
gique de Moscou de 1879.
logie et de l'ethnographie. In-
* Frmonorr. Culture préhistorique en Osséthie, Trataux de l'Expos.de Moscow. In-4°. Moscou, 1878 (en russe).
PRÉFACE xxx
teur du Musée archéologique de cette ville, fouillait les mégalithes de la Crimée,
les nécropoles préhistoriques de Koban et de Kazbek, où il fut bientôt suivi
par le colonel Olche *, à qui l’on doit également l'exploration des cimetières
plus récents de la haute vallée de lOuroukh, M. Felitzine* ébauchait ses investiga-
tions sur les dolmens du Kouban; M. Bogdanoff entreprenait, avec M. Tikhomiroff *
une étude délaillée des crânes modernes de Chapsoughs et de son côté, M. Tcher-
mienski* faisait connaître les crânes qu'il a extraits des tombeaux de l’'Abkhasie
et de la Tcherkeska.
A ces recherches se borne le premier emploi, au Caucase, des méthodes anthro-
pologiques. Deux ans plus tard seulement, les mensurations sur l’homme vivant
devaient être inaugurées dans ces montagnes.
Nous ne saurions clore cette revue sans insister sur le rôle de l’infatigable Bayern *.
1 Orcuewsrt Cet archéologue a publié en russe un travail autographié avec planches sur les nécropoles de la
Digourie et de l'Ossethie. Cet ouvr
: a été tiré à un très petit nombre d'exemplaires.
2? FeuTzn
Rapport sur les crânes et les objets ethnographiques découverts dans le district d'Ekaterinodar.
Travaux de l'Exposition anthropologique de Moscou, 1879 (en russe) — Carte archéologique du district d'Eka-
terinodar (en russe), inédite.
3 Bogpanorr et Tikmomirorr. Crânes des Chapsoughs. Dans les Mémoires de la Société des Amis de l'Histoire
naturelle et de l'Anthropologie de Moscou, 1881 (en ru
# ToHERMIR . Travaux de l'Exposition anthropolo:
ique. Moscou, 1879 (en russe).
ption géologique et minéralogique et catalogue de la collection réunie par Bayern à l'établisse
ment de Piatigorsk. Bulletin de la Société balnéaire, 1866 (en rus
— Les tombeaux de Mtzkhet. — Les anti-
quités caucasiennc
— Dolmens. Bulletin statistique du Cauca-e
Caucase. Bulletin de la Société technique du Caucase,
en russe). — Matériaux de construction du
. — Découverte d'une pierre à inscription
hébraïque. Annaïes de la Société archéologique du Cauc
En outre de ces publications, Bayern a dans les mains prêts à être publiés un grand nombre de mémoires tou-
chant la géographie mythique, l’histoire, la géolo:
Bayern est né en 1817. Il est origi
e, l'entomologie et la botanique du Caucase.
ire de la Transylvanie et fit ses premières études à l’école de Cronstadt. Il
en sortit en 1830, déjà naturaliste, et, dix ans plus tard, devenu homme, il se rendit à Odessa, comme prol
de langues. En 18
eur
; une découverte d’ossements fossiles que publia son maître et ami, le célèbre anatomiste
Alexandre Nordmann, vint rellumer
chez Bayern, le feu à demi éteint des, sciences naturelles, auxquelles il se
voua entièrement. Trois ans , il fit son premier voy
ze au Caucase, d’où il rapporta vingt-quatre mille
insectes et de nombreuses observations de tout
En 1850, il revint au Caucase, vis
genre. De là datent véritablement les premiers pas de sa carrière.
ivante l’Osséthie et l’Iméreth, et fonc
belles coïlections qu'il avait su réunir, le Musée de la Société de Géographie; ce fut l'or
dont la dirction appartient aujourd’hui au D' Radde.
à l’année
e aux nombreuses et
1e du musée éaucasien
Notre but n’est pas de suivre l’infatigable explorateur dans ses pérégrinations incessantes à travers l’isthme ponto-
caspien. Chaque année amenait de nouvelles excursions, de nouvelles recherches et de nouvell
découvertes. Il
nous suffira de rappeler les principaux événements d’une vie qui peut se résumer en deux mots :
vail et persévé-
En 1860, il
ions qui furent
rance! En 1859, il fut nommé conservateur du Musée de la Socié
phie, qu'il avait
accompagna M. Abich dans ses
reprises en {861 et 1862, dans
géol
exploration ques en Daghestan et en Tchetchèna, explora
é ra. En 1864, il fut dép
CGauc. fl, d
ons d'Akhaltzikhe et de l'Adj dé des collections
|
|
TZ]
EE —— PARTS ;
x PRÉFACE
Depuis près de quarante ans qu'il est fixé au Caucase, il n’a cessé de l’explorer
en tous sens recueillant sur sa constitution géologique, sa flore, sa faune, sa
topographie, sur son histoire, enfin, des volumes de notes et de matériaux de
toutes sortes, accumulant les collections, et mettant au service de ses recherches les
ressources d’une érudition immense et prodigieusement variée.
Ce sont les fouilles de ce savant dans Ia vallée de l’Aragva et à Mizkhet, ainsi
ue celles pratiquées dans les nécropoles de Marienfeld, de Sartatchalo et de Redkine-
=
Lager qui attirèrent de nouveau l'attention sur l'anthropologie caucasienne, et c’est
en partie l'intérêt de ses découvertes qui décida mon premier voyage, en 1879: La
question de l’origine du bronze fut remise à l’ordre du jour. Tranchée successive-
ment en faveur de la Phénicie, de l’Etrurie, de la Grèce; de la Scandinavie même,
elle m'avait amené à visiter à différentes époques ces régions privilégiées, à étu-
ier leurs collections et les gisements des trouvailles qui y avaient été faites.
Ces théories ébranlées, on avait jeté les yeux sur la Transcaucasie et sur les
régions qui la rellent à la Méditerranée. Mes travaux personnels sur la première
étape de la métallurgie? m'avaient conduit aussi à tourner mes regards vers l’Orient,
hagrin le fit tomber malade; il ne fallut rien moins pour le rappeler à
qu'il avait eu tant de peine à former
Ja santé et à la vie active que l'intervention bienveïllante du D' Smirnof.
orsk, l’invita à venir 0: dans l'établissement thermal.
Ce dernier, inspecteur des eaux de Pi
Bayern s'y rendit et ce fut le point de départ d’une série de promenades
îne. Il découvrit, de plus, dans la région de E
logiques et d'observations sur les volcans
et Djouba une s
rie
chad, Beregoy
de la partie occidentale de la ch:
e résultat
1 y fonda un petit musée géologique. 1
ctivité fut de jeter Bayern dans l'étude des légen-
erinodar, sur le Kouban,
de dolmens. Enfin, se trouvant à Ek:
ériode d
le plus important et aussi le plus inattendu de cette F
recherches d'archéologie positive.
s de Bordjom, l'Iméreth, le Ratcha, le Ka
des caucasiennes et de le détourner quelque peu d
;h furent, de
ologie. Le
atio 1
Néanmoins il n’abandonna pas la
1867 à 1870, l'objet de ses in
lques découvertes — dolmens et tombes en dalles brutes —
le rejetèrent de nouveau dans
souterraines du globe avait failli l'entrainer quatre ans aupa
son ardeur habituelle et les trouvailles de l’Arag
ant.
Mtzkhet, de Marienfeld, de Sartat-
des amis del’ Archéologie du
de
Il se mit au travail avec
chalo marquèren premiers pas dans la voie nouvelle. La fondation de
sivement de ses collections
ateur d’un musée composé presque excel
s, La découverte de la nécropole de Redkine-
1879 et 1880, ce repos
re Société désorganisée,
Caucase, la nomination de Bayen comme conse
vinrent mettre, vers 1874, un terme à ses exc ns les plus lointain
tehetchène ont interrompu cependant,
ant ami.une déception cruelle :
ien. Tels étaient les fruits de quarante années de
annexées au
t de luttes
ses collections ont é
caire, Son dévoûment à la
travaux, de voy endus plus difficiles encore par sa situation souvent pré
é se sont fait entendre et nous sommes heureux de
ude, aumilieu des innombrables collections qu'il a réunies.
des voi
science n’a pourtant pas été tou
penser que désorme
1 du Rhône. I. Age du bronse ou Origines de lu
olio. Paris, Baudry, 1895-76. II. Premier âge du fer.
3 Ennesr Carre. Etudes paléoethnologiques da:
Métallurgie en France. 3 vol. in-4e avec cartes et atlas in-
ais, Baudry, 1879,
1 vol. in-49.
PRÉFACE xxx1
mais bien au delà du Caucase, pour y chercher le point de départ de ces manifesta-
tions d’une industrie nouvelle.
Les régions orientales de la Méditerranée, que de nombreuses découvertes avaient
fait considérer par quelques auteurs comme un centre de dispersion des instru-
ments de bronze, ne me semblaient qu'une étape de la marche que ce métal
avait suivie des confins méridionaux de l’Asie jusqu’en Europe.
Il devenait nécessaire, pour conclure avec quelque certitude, de se rendre maître de
toutes les données du problème, et pour cela, de visiter d’abord l’Asie occidentale. Les
trouvailles archéologiques de la région de Tifis indiquaient naturellement la région
ponto-caspienne comme point de départ de ce voyage d'exploration si longuement
médité, caressé comme un rêve, et que des circonstances heureuses me permirent de
réaliser plus tôt que je ne l’avais espéré.
Invité à prendre part au Congrès et à visiter l'exposition anthropologique de
Moscou avec quelques-uns de mes collègues et maîtres’, je profitai de cette excel-
lente occasion pour étudier quelques collections recueillies au Caucase et augmenter
la somme de renseignements que je possédais.
Enfin, en 1879, chargé par M. le Ministre de l’Instruction publique de France d’une
mission scientifique dans la Russie méridionale, je reçus du gouvernement de Saint-
Pétersbourg les recommandations nécessaires pour faciliter mon voyage et les recher-
ches que j'allais entreprendre. Le 6 septembre, je quittais la capitale de toutes les
Russ
qualité d’interprète. Ce jeune naturaliste avait fait partie de l'expédition scientifique
es, accompagné de M. Jean de Poustchine, qui avait bien voulu me suivre en
envoyée sur les rivages de la mer Caspienne et dirigée par Kesler ; il avait déjà
l'expérience du climat et des choses du pays que nous allions parcourir.
Nos préparatifs terminés à Nijni-Nowoorod, nous descendimes le majestueux
Volga jusqu’à Tzaritzine, où nous primes la direction des montagnes en passant par
Rostov et Vladikavkaz.
Quelques promenades dans la vallée du Terek me permettaient de faire une série
50
d'observations anthropologiques et, pendant un séjour de six semaines à Tiflis, j’ai
pu, grâce à l'obligeance de Bayern, pratiquer des fouilles en Géorgie et étudier les
# MM. pe Quarreraces, Broca, De Morriccer, ToprwaRD. Hamy, MaGrror pt Leox.
|
|
Â
|
xxx PRÉFACE
collections de ce vénérable savant ainsi que celles de quelques autres archéologues
et naturalistes.
Mon retour s’effectua par la mer Noire et la Crimée, ce qui me permit de visiter
les dolmens et les antiquités grecques de cette belle région.
Les renseignements que j'ai recueillis dans ce premier voyage sont consignés dans
un rapport que j’adressai à M. le Ministre de l’Instruction publique ‘.
Mais, tandis que je rapportais des documents tout à fait nouveaux et fort curieux
sur les nécropoles hallstattiennes du Caucase, je ne possédais, malgré les recherches
les plus minutieuses, qu'un petit nombre de faits relatifs aux âges de la pierre et du
bronze. Ces résultats, loin de me décourager, me firent désirer davantage de
retourner dans cet admirable pays.
En 1881, chargé d’une nouvelle mission afin de poursuivre mes recherches de 1879,
je résolus d'étendre mes investigations à l'Arménie méridionale, avant de revenir au
Caucase. Dans ce long et pénible voyage, j'étais accompagné par M. le commandant
Barry et par M. Donnat-Motte, naturaliste préparateur du Museum de Lyon ?.
Espérant découvrir quelques traces du passage des populations primitives à qui
l'on attribue l'importation du bronze, je suivis, pendant les mois de mars, avril,
maiet juin, à travers la Syrie septentrionale et la Haute-Mésopotamie, Pune des
plus anciennes routes de lOrient, et j'atteignis l'Arménie russe par les hauts pla-
teaux du Kurdistan, les régions du lac Van et de l’Ararat.
recueilli
Durant cet intéressant voyage dont le récit sera publié ailleurs
d'importantes collections relatives à la faune et à la flore des pays que j'ai traversés:
J’ai relevé près de deux mille mensurations céphalométriques sur les populations
arabes, ansariées, kurdes et arméniennes. Enfin j'ai rapporté plus de cinq cents
photographies de types, de monuments et de paysages.
Quelques observations ont été déjà publiées sur les principaux résultats de cette
partie de ma mission
! ERNEST CxanTRe. Recherches palé
1881.
nile Bruyas, de Lyon, qui s'étai
oethnologiques dans la Russie méridionale et spécialement au Caucase
et en Crimée, In-8. Lyon, Georg
2M.É
à Bir
joint d'abord à ma caravane, forcé de rentrer en France, nous a quittés
ariés et des Kurdes. — L'âge de la pierre et
ec. IT, 1882.
sur les caractères ethniques des Ar
identale. Dans le Bulletin de la Société d'Anthropologie de Lyon, t. W, fa
PRÉFACE XXXIII
J’arrivai au Caucase en juin, et jy séjournai jusqu'à fin de l'été. C’est alors qu'il
me fut donné de reprendre mes travaux sur les nécropoles préhistoriques et les
premières mensurations qui aient été relevées dans ces montagnes! sur les popu-
lations actuelles — Ossèthes, Géorgiens, Imères et Laz
Je retrouvai avec plaisir, à Tiflis, la civilisation européenne dont j'étais privé
depuis plusieurs mois, ainsi que la plupart des personnes avec lesquelles j'avais
noué des relations lors de mon premier voyage. Toutes m'ont été de nouveau très
utiles et se sont efforcées de n'être agréables.
Bayern m'avait proposé, en 1879, de m’accompagner quand je viendrais con-
inuer mes recherches. Il voulut bien donner suite à son projet, et c’est grâce
à sa bienveillante intervention que je suis parvenu à réunir en un temps aussi court
es nombreux documents que j'ai rapportés de cette mission. Durant nos excursions,
j'ai appris à connaître, à apprécier ce savant si modeste et cependant si supérieur à
sa réputation. Quelque soit le sort réservé à ses idées, dont j’ai exposé les grands
raits dans un précédent opuscule*, je garde mon admiration et ma plus vive
sympathie à l’homme qui, seul, sans ressources personnelles, presque sans rela-
ions scientifiques, a lutté contre toutes les difficultés, surmonté tous les obstacles
et tenu si ferme, au Caucase, le drapeau de la science indépendante.
Peu de temps après mon départ se tenait, à Tiflis, sous la présidence du général
<omaroff, la cinquième réunion du Congrès archéologique russe, institué par le
comte Ouvaroff dont nous déplorons la perte récente. À l'occasion de ce congrès,
des fouilles importantes ont été entreprises sur plusieurs points de la chaîne
ré
ainsi qu'en Arménie; ultats de ces recherches seront consignés dans le
compte rendu du Congrès, et les objets qui en proviennent ont été déposés au musée
— Rapport sur une Mission scientifique en Asie occidentale et spécialement dans lés régions de l'Ararat et du
e e. t. X. In-80, Pa
hantre pendant son
Cauca
1883. —
Mésopotamie, Kurdistan et Caucase. Bulletin de la Société phi'omathique de Pari
Missions scientifiques et littéraires
imprimerie nationale,
AUVAG rnest
ogue des poissons recueillis par M. age en Syrie, Hante-
— Notice
sur la faune ichthyologique de l'Asie et plus particulièrement sur les poissons recueillis par M. Chantre pendant son
voyage dans cette on. Nouvelles archives du Mus. d'Hist. nat. de Paris, 2 série, t. VII, Paris, 1884.
mice et naturelle de l'Homme, 2e série, t. XIII, Toulouse, Aperçu sur les caractèr
thes. Bulletin de la Socièté d'Anthropologie de Lyon, t. II, fas
s céphalométriques
I 1883, et Rapport, p. 43 et sq.
Baxenx. Contribution à l'archéologie du Caucase, avec une biographie de l’auteur par Ernesr
E. In 8". Lyon, Georz. 1882.
|
|
|
l
LE
XXI PRÉFACE
de Tiflis. Vers le même temps, le bruit des découvertes archéologiques faites au
Caucase amenait dans ces montagnes le savant anthropologiste Virchow qui profitant
de la réunion de Tiflis, se livra à de nouvelles explorations dans la nécropole de
Koban. Enfin, M. Erkert opéra, en 1883, plusieurs séries de mensurations
anthropométriques sur quelques peuples de l’Isthme‘.
Tel est dans ses linéaments les plus généraux l’état actuel des travaux auxquels
cette intéressante contrée a donné lieu.
Dans le corps du présent ouvrage dont l'apparition a été retardée de plusieurs
années par suite du mauvais état de ma santé fortement ébranlée par le climat
caucasien, on ne trouvera pas ce que beaucoup de gens éherchent dans les récits
d’expéditions lointaines. Ce ne sont point des émotions étranges et nouvelles,
des aventures plus ou moins romanesques que j'allais chercher dans cet Orient
dont l’éclatant soleil et les merveilles incomparables ont inspiré tant de récits
poétiques. Perdus dans les flots de cette lumière éblouissante, une foule de pro-
blèmes se présentent à l'esprit. J'ai tenté la solution de plusieurs d’entre eux et j’ai
constaté sans surprise que ceux-là mêmes qui paraissaient avoir été le plus éclairés
par les traditions et les légendes qui étreignent l’histoire des civilisations primitives
sont encore plongés dans une profonde obscurité. Mon plus grand désir est de
poursuivre dans les autres parties de lAsie occidentale ces attrayantes recher-
ches que je n’aï pu qu’ébaucher en Syrie, en Arménie et même au Caucase.
Le nombre des explorateurs de ces vastes contrées est déjà grand, on l’a vu.
mais ils sont rares ceux qui, pouvant consacrer beaucoup de temps à des recher-
ches scientifiques, se résignent à abandonner les chemins battus et s’avancent dans
des résions vierces de toute étude.
Les difficultés jadis considérables d’un voyage en Orient, en dehors des grandes
lignes commerciales, ont actuellement disparu. Les attaques des hordes errantes
de Bédouins, de Kurdes ou de Tcherkesses ne se rencontrent plus que dans les récits
des touristes. Toutefois, ce n’est pas sans courir quelques dangers que lanthropolo-
giste parvient à entreprendre des fouilles dans les nécropoles de ces contrées où le
4 Erkerr. Mensuration anthropométrique de quelques peuples du Caucase et des Petits-Russiens du gouverne
géographique de Tiflis. T. VI, in-8°, Tiflis, 1882-1883 (en russe).
ment de Kharkov.Dans Soc
PRÉFACE xXxV
fanatisme musulman règne encore en maître. Extraire de leurs tombeaux des crânes
appartenant même aux temps préhistoriques est une témérité qui expose incontesta-
blement l’imprudent voyageur à la vengeance des populations. Si l'étude des anciens
habitants de l'Asie occidentale présente quelques difficultés, celle des populations
actuelles n’en est pas exempte. Beaucoup d'individus se refusent à toute mensuration
anthropométrique ou n’acceptent pas d’être photographiés ; chez la plupart enfin
ces manœuvres, étranges assurément pour eux, excitent leur méfiance et peuvent
avoir des conséquences assez graves pour compromettre la sécurité de l'opérateur.
La cupidité des agents subalternes des douanes et des postes est toujours à la
hauteur de son ancienne réputation et cause encore de sérieuses anxiétés aux
voyageurs naturalistés et photographes; mais avec un peu de patience et d'énergie
on parvient le plus souvent à obtenir gain de cause, à la satisfaction de tous.
En somme, grâce aux excellentes mesures d'ordre prises depuis ses dernières
acquisitions par le gouvernement russe, grâce surtout au naturel hospitalier des
populations de PAsie occidentale, tout Européen, tout Français surtout qui sait
respecter les devoirs qu'impose l’hospitalité, et ne se mêle ni aux dissensionsreli-
gieuses, ni aux luttes politiques, est sûr de trouver partout un accueil amical et
autant de sécurité sinon plus que dans la plupart de nos grandes villes d'Europe.
, d'offrir mes remerciements à
Qu'il me soit permis, avant de clore cette préfac
toutes les personnes qui m'ont aidé dans l’accomplissement de mon voyage, dans mes
recherçhes scientifiques et dans Pexécution de cet ouvrage ; qu’elles veuillent bien
agréer ici l’expression de ma profonde gratitude.
LL. EE. M. le professeur Anatole Bogdanofï, de Moscou, fondateur de l’anthro-
pologie en Russie; le prince Mirsky, le prince Melikoff, le prince Gagarine,
8 I Y» { 8
le prince Troubetzkoï, m'ont accordé leur haute et indispensable protection.
M. le général Komaroff, archéologue distingué, a mis à ma disposition, avec la
plus grande obligeance, les intéressantes collections qu'il a réunies à Tiflis.
M. le colonel Olchewski, de Vladikavkaz, dont l’accueil sympathique m’a laissé
le plus agréable souvenir, m'a ouvert généreusement ses riches collections, ses
albums,me prodiguant tous les rense
onements désirables sur l’Ossethie et la Digourie.
Ce savant est resté pour moiun aimable correspondant, un précieux collaborateur.
|
XXXVI PRÉFACE
M. le D' G. Radde, n’a permis de visiter librement le musée caucasien de Tiflis
où il a su grouper une série de collections dont l'étude est indispensable à quiconque
veut avoir une idée du pays, de sa faune et de ses populations.
La cordiale hospitalité de M. le commandant Camsaragan, consul de Russie à
Van, sera longtemps présente à ma mémoire. C’est grâce à la haute influence de ce
savant officier que j'ai pu traverser sans aucun accident les vallées sauvages qui
séparent Van du massif de l’Ararat et visiter certaines tribus kurdes, des plus
redoutées et qui passent pour inabordables aux Européens.
M. Seidlitz, dont les belles publications m'ont été d’un grand secours, n’a pas
cessé de m'aider de ses vastes connaissances ethnologiques.
M. Felitzine s’est
ment communiqué sa magnifique carte archéologique, encore inédite, du district
empressé de répondre à mon appel et m'a très obligeam-
d'Ekaterinodar, ainsi qu’une série de très intéressantes photographies de dolmens.
Ma gratitude est également acquise aux artistes qui m'ont prêté le concours
de leur talent et se sont attachés à mes recherches. J'ai eu le reoret de perdre
deux d’entre eux, MM. Blériot et Brossette, à qui je dois une partie des planches de
mon deuxième volume. MM. Lunel et Gauthier continuent honorablement l’œuvre
commencée, à laquelle M. Pilloy a bien voulu s'associer.
Je dois enfin à mon ami Adrien de Mortillet la plupart des vignettes intercalées
dans cet ouvrage. Il m’a accompagné dans un récent voyage à travers l'Italie,
l'Autriche et la Russie, dont je voulais visiter les collections. Grâce à lui, j’ai pu
rapporter un grand nombre de croquis, très utiles pour l'étude comparée des: civili-
sations dont les nécropoles du Caucase nous ont conservé les trésors.
Je n’oublierai pas non plus M. Louis Petit, mon jeune et zélé collaborateur,
dont l'activité intelligente ne s’est jamais ralentie. L’exactitude rigoureuse qu'il a
toujours apportée dans l'exécution de mes cartes et de mes calculs anthropo-
métriques sont au-dessus de tous éloges.
1
DUBOIS DE MONTPÉREUX
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INTRODUCTION
Depuis la conquête définitive du Caucase par la Russi
, on a étendu son nom
à toute la région comprise entre la mer Noire, la mer d’Azof, la Jega, les lacs
Manitch, la mer Caspienne, l’Araxe, l’Ararat, et cette ligne conventionnelle qui,
tracée arbitrairement à travers l'Arménie et le Lazistan, sépare aujourd’hui les
possessions russes de la Turquie asiatique.
Géographiquement, on peut diviser cette contrée en trois zones bien distinctes :
L'une, au nord, basse et entrecoupée de steppes, forme la Ciscaucasie, terre
européenne en quelque sorte, qui ne fait guère pressentir la puissante barrière
qui la termine au sud.
Au delà de cette limite, une région bien asiatique, faite de vallées et de pla-
teaux, la Transcaucasie.
Entre les deux, une chaine aux pics en dents de scie, à cols élevés, presque
CHATONS
Il
> INTRODUCTION
partout à double ou triple arête, rappelant en plus d’un point les Andes et les
Pyrénées ‘, c’est le Caucase proprement dit, le mont Caucase des poètes.
Cette dernière appellation n’est point aussi erronée qu'on pourrait le croire. De
loin, la chaîne ponto-caspienne apparaît en effet comme un seul et énorme massif
étendant sa crête neisgeuse d’un bout à l’autre de l'horizon. Ce « rempart aux mille
créneaux », qui s'élève entre l’Asie et l’Europe et les sépare sur une longueur
d'environ 1200 kilomètres, présente au voyageur qui vient de parcourir les mornes
steppes de la Russie méridionale un aspect saisissant de orandeur et de majesté.
Orographiquement, et d’une façon générale, le Caucase peut être divisé en deux
parties, l’une occidentale, l’autre orientale. Les vallées du Terek et de l’Aragva,
suivies par la route dite de Géorgie, qui conduit de Vladikavkas à Tiflis marquent
avec une précision remarquable la délimitation de ces deux branches principales.
La partie occidentale prend naissance au nord de la mer Noire, à la presqu'île
de Taman, s'élève et s'étend assez rapidement dans la direction E.-S.-E. pour
atteindre son maximum de largeur et d'altitude au mont Elbrous (5646 m.)
et se rétrécir et s’abaisser ensuite, fort inégalement, jusqu'au mont Kazbek, son
pic le plus occidental (5043 m.).
C'est entre ces deux massifs que se trouvent les sommités les plus élevées du
Caucase, Kochtan-taou (5211 m.), Dikh-taou (158 m.), Adaï-Khokh (4646 m.),
Guimarai-Khokh (4785 m.) *, etc., pour ne citer que les plus connus.
Si la hauteur de la chaîne se maintient en moyenne à près de 4000 mètres de
l’Elbrous au Kazbek, la largeur, par contre, décroît assez rapidement, et, sur le
méridien du haut Terek, elle n’est pas même de 100 kilomètres.
La zone orientale, plus large que l’autre et d’une hauteur moyenne un peu
moindre, forme le massif du Daghestan, aux vallées enchevêtrées, tortueuses.
disposées sans ordre apparent au nord de l’arête principale et parsemées de sommets
S, Géographie universelle, &. NI, p.63 et 64.
AVRE, Chaine du Caucase, aperçu orographique, p 1.
INTRODUCTION 3
dont quelques-uns atteignent plus de 4000 mètres d'altitude (Teboulos-mta,
Diklos-mta, Chah-dagh, etc...)
La disposition orographique des deux versants du Caucase est très différente et
dépend surtout de leur structure géologique. La pente qui regarde le sud est plus
brusque que celle qui s'étend au nord, vers les steppes. Du faïîte de la chaîne à
la plaine de la Koura, la distance est moitié moindre que de ce même faîte au
Terek ou au Soulak”. Cette disposition est très sensible aussi à l’ouest, où les
montagnes s’abaissent vers la Russie en pentes douces contre lesquelles s’appuient
des plateaux inclinés couverts de magnifiques pâturages et s’élevant par intervalles
en faîtes secondaires et parallèles à la crête centrale. Le plus important de ces contre-
forts est le Kara-Jaïla, où Montagne-Noire qui court le long du Caucase entre le
Fish-dagh et l’Elbrous, et qui laisse passer, à travers les dentelures de sa crête,
le Kouban et ses principaux affluents de la rive gauche.
A l’est de la Montaone-Noire et toujours sur le versant septentrional, se
trouvent successivement les massifs de l’Elbrous, du Kochtan-taou, du Dikh-taou,
du Kion-Chokh, ete., tous situés en dehors de l’arête maitre
Des gorges étroites et sauvages, d’où s’échappent d’impétueux torrents, coupent
ces contreforts eu plusieurs points. Celles du Tcherek et du Tcheghem sont les plus
remarquables.
Le massif de l’Elbrous projette vers le nord de nombreuses ramifications qui
séparent les bassins septentrionaux du Caucase, caspien et pontique, représentés
le premier par le Terek et la Kouma, le second par le Kouban.
Toute cette partie centrale de la grande chaîne présente, du moins sur le versant
septentrional, une grande unité de structure géologique.
De l’Elbrous à l’Adaï-Khokh, les cimes sont formées de roches crislallines, occupant
vers le premier sommet, leur noyau principal, une large zone qui va, en se rétré-
cissant, se perdre, vers l’ouest, dans le massif du Daghestan. Cette région, coupée
RecLus, loc. cit ,t. VI, p. G5.
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INTRODUCTION
au nord et au sud de profondes vallées transversales, est surtout favorable au
développement des glaciers.
À partir de l'Adaïi-Khokh, la ligne de partage des eaux est reportée dans un
tronçon secondaire formé de schistes argileux qui décrit, au sud, une courbe
très allongée, et vient rejoindre, au mont Borbalo, l’arête principale de la chaîne
dominée dans cette partie par la cime trachytique du Kazbek.
Les contreforts septentrionaux du Caucase central, sous-jurassiques ou crétacés,
sont coupés de vallées profondes. L’uniformité de leur structure géologique les rend
à peu près semblables ; depuis l'Ar-don jusqu'au Kouban on retrouve presque partout
les mêmes sites, les mêmes rameaux perpendiculaires à la chaîne, s’infléchissant
? [ ?
un peu vers l'est et allant se perdre dans le steppe.
La configuration du versant méridional est plus variée, et nous retrouvons, bien
plus encore que du côté opposé, un certain contraste entre les deux branches
orientale et occidentale de la chaîne.
Dans la première la déclivité est brusque et plonge sans ressauts ni contreforts
dans le large steppe où coule la Koura, à 60 kilomètres à peu près du pied des
montagnes.
Dans la seconde la pente, moins accentuée, est hérissée de chaînons secondaires
M k _ ET <
s’abaissant graduellement vers la mer Noire, et disposés à peu près comme sur
le versant septentrional de la même région : d’abord, des collines escarnées.
(e ; pees,
parallèles à la chaîne basse encore, formant avec elle d’étroits bassins et coupées
de cols laissant passer des torrents côtiers insignifiants. Puis, à mesure que la
crête s'élève, les contreforts deviennent plus importants, leurs contours plus
tourmentés, les torrents qui s’en échappent plus considérables. Tels sont les monts
d’Abkhasie, circonscrivant les bassins du Bzib, du Kodor et de l’'Ingour.
Enfin, près de la source de ce dernier fleuve, un rameau élevé se détache et court
entre son lit et celui de la Tskenis-Tskali, séparé à son tour du Rion par un autre
rameau, très important aussi, qui prend naissance au mont Passis-mta. La séparation
des bassins du Rion et de la Koura est constituée par une série de hauteurs issues
INTRODUCTION D
du massif de Zikari et rejoignant, au sud de la Gourie, les monts du Lazistan et,
par le Souram, ceux de l'Arménie centrale.
La structure géologique présente, sur ce versant, la mème variété que le système
orographique.
Au sud des roches cristallines du faite court, de la Mingrélie au Daghestan, une
zone de schistes argileux, qui s’élargit en sens inverse de la zone cristalline, c’est-
à-dire de l’ouest à l’est.
Ces schistes paléozoïques sont représentés, sur le versant nord, par une bande
très étroite, qui prend naissance vers la source de l'Ouroukh et se continue,
comme son homogène du sud, dans le Daghestan occidental.
La région des schistes argileux s'appuie, au sud, sur de larges as jurassiques
recouvertes par parties de terrains crétacés ou tertiaires et limitées par des
dépôts quaternaires composant les bassins du bas Rion et de la Koura.
La région sud orientale se caractérise surtout par l'absence de roches calcaires.
Elle est découpée de nombreuses vallées, que les eaux n’ont pas eu de peine à
creuser dans un sol souvent peu solide, à base de schistes argileux ou de grès. La
Koura, son principal fleuve, sort des org
es de Bordjom, coule au pied des derniers
contreforts des monts Arméniens, traverse toute la Géorgie et va se jeter dans la
mer Caspienne après son confluent avec l’Araxe. Elle reçoit sur sa rive gauche
un grand nombre d’affluents dont deux seulement, la Leakhva et l’Araova, descen-
dent du Caucase central.
Beaucoup moins large
et étendu est le bassin du Rion (l’ancien Phase), dans la
partie sud occidentale du Caucase, bassin essentiellement calcaire, qui peut être
considéré comme un ancien golfe de la mer Noire, comblé peu à peu par les apports
du fleuve et de ses affluents, la Kvirila, la Tskenis-Tskali, ete...
Le Rion, avant de se jeter dans la mer Noire, forme, probablement à cause de
sa barre, et aussi du peu d’inclinaison de sa basse vallée, des marécages pesti-
lentiels, qui rendent toute cette région excessivement malsaine.
? t
En somme, le Caucase est formé dans sa partie la plus élevée de schistes,
|
6 INTRODUCTION
ï i û SN D at II VS axe a
cristallins au nord, argileux au sud, courant de l’est à l’ouest suivant l'axe de la
chaîne, et limités de part et d’autre par des assises jurassiques recouvertes, dans
es contrées plus basses, de dépôts crétacés, miocènes et quaternaires. Sur tout le
parcours de la chaîne, mais principalement dans sa partie centrale et méridionale,
des jets de porphyre affleurent le sol et s'élèvent jusqu'aux plus hauts sommets.
artout on retrouve les traces d’une action volcanique indiscutable et puissante.
La presqu'ile de Taman est semée de volcans boueux; l’Elbrous, le Kazbek sont
des cônes de trachyte et sont considérés comme des volcans éteints depuis
a période miocène. Des sources thermales nombreuses, des puits de naphte,
disposés symétriquement de part et d'autre de la chaîne, des colonnades de basalte
rouvées sur plusieurs de ses points, attestent surabondamment cette action sou
erraine, qui n'est point encore complètement calmée.
Au sud du Caucase, entre les vallées de l’Araxe et de la Koura, s’élève un
vaste plateau hérissé et bordé de sommets escarpés qui projettent leurs ramifications
en tous sens, mais dont l’axe général est dirigé de l’ouest à l’est parallèlement
au rempart gigantesque du nord.
Au centre de ce plateau, un lac dont la surface est double de celle du Léman,
s'étend à près de 1950 mètres d'altitude. Cest le Gok-tchaï, le lac aux eaux bleues.
aux bords dénudés et tristes qui déverse, au moment des crues. le trop plein de
ses eaux dans l’Araxe par la rivière Zanga.
Le plateau du Gok-tchaï est relié, à l’est, par une série de hauteurs et de plaines
élevées, aux monts du Lazistan, au Caucase, et enfin, au sud, aux massifs volca-
niques de l’Alagüz et de l’Ararat qui élèvent leurs cimes géantes au-dessus
des sommets environnants et dominent de chaque côté la haute vallée de
l’Araxe.
Plus encore peut-être que la grande chaîne, le plateau arménien, l’Anti-
Caucase, présente des vestiges d’une effervescence souterraine récente, témoin le
tremblement de terre qui eut lieu en 1840 à la suite d’une éruption d’un ancien
INTRODUCTION ü
cratère de l’Ararat, situé au-dessous du couvent de Saint-Jacques, et qui se fit sentir
dans toute la contrée, à Erivan, à Bayazid, à Nakhitchevan, où il fit des milliers
de victimes.
Le climat du Caucase est généralement chaud, notamment sur les côtes et
dans les plaines basses. Sur le versant méridional, à Bakou, la moyenne annuelle
est de 15°, à Tiflis de 13° environ, tandis que sur le versant nord, à Stavropol,
elle n’est que de 8’.
Grâce à cette température relativement élevée, la végétation caucasienne atteint
une altitude inconnue dans nos montagnes de l’Europe occidentale. Cette parti-
cularité ne contribue pas peu à établir une différence de physionomie assez con-
sidérable entre le Caucase et les Pyrénées auxquelles on l’a comparé quelquefois.
Il n’a point non plus de nos montagnes françaises les cascades écumantes et les
lacs innombrables. Mais il s'élève, comme les Pyrénées, entre un pays de sables
et de plaines et une contrée faite de plateaux arides et brûlés, de vallées fertiles et
de chaînes montagneuses qui lui sont à peu près parallèles. semble encore aux
Pyrénées par ses pics dentelés, par ses glaciers moins étendus, moins beaux que
ceux des Alpes, par ses nombreuses sources minérales, par létroitesse et l'aspect
sauvage de ses gorges, par l’impétuosité de ses torrents.
celle des
D'une facon générale, la flore du Caucase se rapproche plutôt de
provinces atlantiques de la France et des régions danubiennes que de la flore plus
luxuriante et plus variée du littoral méditerranéen.
Cependant, certaines parties de la chaîne, comme le bassin du Rion, unissent
les productions de ces deux zones climatériques et lon y voit, à l'ombre des
noyers, que l'on rencontre encore à 1.650 mètres d'altitude, croître, à plus de
1.100 mêtres, la vigne et le mûrier blane, et à 630 mètres le cotonnier.
Malgré d’incessantes dévastations et un déboisement conduit d’une façon déplo
rable, les pentes du Caucase, surtout celles qui avoisinent la mer Noire, sont
8 INTRODU
NON
encore couvertes d’admirables forêts. Conifères, tilleuls, chênes, frênes, érables,
hètres et bouleaux, alternent et se succèdent suivant leurs diverses conditions
d'existence, et y disputent le terrain aux arbres fruitiers, aux fougères serrées et
impénétrables, pourrissant sur place et emplissant l’air de leurs exhalaisons,
aux masses verdoyantes du buis, aux bouquets superbes d’asalea pon-
tica, jetant vers l’automne la note gaie de leur feuillage rouge de sang au
milieu des sapins monotones et toujours verts.
Le marronnier, le châtaignier, le cèdre et, dans quelques endroits les rhododen-
drons sont nombreux au Caucase, ainsi que le noyer qui passe pour originaire de
lImérie.
Aux branches de ces arbres si variés s’enroulent et festonnent, mélés à
diverses lianes, les pampres arimpants de la vigne dont les grappes pesantes
suspendues aux rameaux sont, pour la plus grande part, abandonnées aux
oiseaux. Peut-être est-ce dans ces montagnes qu’il faut chercher la patrie orig
nelle de cette plante si utile. Peut-être la légende biblique qui la fait naître
vers l’Ararat et fait s’enivrer là le premier patriarche at-elle un certain fond de
vérité. Quoi qu'il en soit, le corbeau de Noé ne trouverait pas facilement en Trans-
caucasie la branche d’olivier, symbole de la paix’ du Seigneur. Cet arbre, floris-
sant sur les côtes méridionales de la Tauride, n'a pu être implanté définiti-
vement en Mingrélie.
Le citronnier a disparu de cette région vers le milieu du siècle et toutes les
tentatives de réacclimatation ont également échoué. En revanche, l’indigotier,
le cotonnier, le grenadier, le camphrier même y prospèrent à merveille.
Parmi les céréales, l’orge occupe, surtout dans la partie centrale du Caucase,
une zone très étendue, s’élevant, en Ossèthie, jusqu'à près de 2500 mètres d’al-
titude. Dans les régions plus basses ce froment, sont aussi cultivés avec
beaucoup de succès.
La faune du Caucase, moins variée que la flore, est à peu près toute euro-
INTRODUGTION 9
péenne. L’ours, le renard, le loup, le Iynx, le sanglier, le cerf, le chamois, le mou-
fon, le bouquetin et l'aurochs en sont les représentants les plus remarquables.
A peine rencontre-t-on, dans les provinces méridionales de la Transcaucasie et
sur les bords desséchés de la mer Caspienne, quelques animaux plus asiatiques,
tigres, chacals, gazelles et quelques autres ruminants.
Il en est de même des oiseaux parmi lesquels on peut voir nombre d’individus
non seulementeuropéens, mais français, tels que le srand-due, la cresserine, le
vautour percnoptère, la pie-grièche écorcheur, l’hirondelle de cheminées, l’en-
goulevent, le merle noir, etc..., accompagnés de quelques espèces appartenant
à des contrées plus chaudes, comme le traquet noir et blanc, le traquet isabelle,
le bruant à tête noire, ete...
Il faut noter enfin comme types spéciaux au Caucase le Tetragalus caucasicus
et le T'etras mlohosiewiksu.
Nous citerons aussi, parmi les animaux les plus nombreux du Caucase, sur-
tout du Caucase méridional (lac Gok-tchaï, environs de Tiflis), les tortues et les
serpents qui sont, comme les mammifères et les oiseaux, semblables pour la
plupart à ceux des climats tempérés.
Il faut remarquer enfin que les lacs et les cours d’eaux du Caucase fort riches en
poissons variés ne renferment que peu d'espèces très intéressantes. On peut citer
cependant le Siurus chantrei, Cyprinus carpio, Barbus myrtaceus, Barbus
lacerta, etc. Toutes ces formes sont communes aux eaux de presque toute PAsie
occidentale. Ce fait montre une fois de plus que la faune du Caucase appartient plutôt
aux climats européens qu'aux climats asiatiques.
Gaue. [. 2
Lorsque l’on se propose d'exposer les grands traits de l’ethnologie du Caucase, il
convient de se reporter au moins un demi-siècle en arrière, vers l’époque où
l’œuvre de pacification accomplie par les armées russes n’avait pas encore cha
de ces belles montagnes les libres peuplades qui en parcouraïient autrefois les vallées.
En effet, la plupart des tribus Caucasiennes du versant septentrional, c’est-à-
dire les moins connues et les plus intéressantes, ont quitté leur patrie ; le mo-
ment n’est pas éloigné où dans les gorges du Caucase, dans les aouls perchés sur
ses pentes abruptes, on ne trouvera plus ni Tcherkesses, ni Lesghiens, ni Tchet-
chènes. On ira les étudier en Arménie et en Asie-Mineure, où ils joignent leurs
bandes aux tribus pillardes des Kurdes.
Nous nous bornerons ici à énumérer brièvement les populations qui habitaient le
Caucase avant l'invasion slave et à indiquer, d’une facon sommaire, les limites de
leur ancien habitat.
Il est à remarquer que ces limites ethnographiques correspondent à peu près aux
diverses régions naturelles qui partagent l’isthme ponto-caspien. Les différences que
INTRODUCTION 11
nous avons sionalées précédemment entre les deux versants de la chaîne se retrou-
vent entre leurs habitants. L'influence de la disposition orographique de ces deux
grandes divisions sur les destinées des Circassiens et des Géorciens est évidente.
Nous espérons la faire ressortir dans l’exposé rapide que nous donnerons, plus loin,
de l'histoire de ces différents peuples.
Le versant septentrional du Caucase est occupé par trois groupes principaux :
A l’ouest, entre la presqu'île de Taman et le Terek, sur les pentes qui dominent
la mer Noire et le Kouban, sont établis les Tcnerx
?
, plus connus dans le monde
occidental sous le nom ture de Cire
s, et qui se subdivisent en trois branches
principales, assez nettement délimitées :
Les Anrqnës, sur les parties les plus élevées de la chaîne entre la mer Noire et
VElbrous.
Les AgkHasss, sur le versant opposé, le long du littoral, jusqu'au Bzib.
Les KABARDIENS, dans une région plus accessible, plus ouverte, entre les rameaux
que projette au nord le massif de l’'Elbrous et les derniers contreforts septentrionaux
du mont Kazbek.
Au centre les TcoxercnÈnxs, ou Kistes, dont une des principales tribus, celle des
INcoucues, occupant le défilé du Darial, a depuis longtemps accepté un rôle neutre
entre la Russie et la tribu mère. Celle-ci habite la zone comprise entre le Térek et
le Koï-Sou et comptait encore, en 1815, plus de 20.000 membres.
A l’est des Tchetchènes,un grand nombre de tribus, vingt-sept d’après Komarof,
différentes par le langage et les habitudes, presque toujours en guerre mutuelle, sont
réunies sous le nom de LEsGHIENS et éparses dans tout le massif du Daghestan.
La plus importante de ces tribus est celle des Avars, qui comprend plus du cin-
quième de tous les Lesghiens. Elle habite, à l’est du massif du Borbalo, tout le territoire
compris entre les trois affluents du Soulak qui portent le nom de Koï-Sou. Ces
Avars sont considérés comme une fraction de la population hunnique de ce nom
qui s’avança, vers le septième siècle, jusqu’au Bas-Danube.
Le versant méridional du Caucase, plus accessible et beaucoup plus connu, est
42 INTRODUGION
habité par la grande race Karrvertene dont l’origine est très discutée, et dont la
pureté originelle (si toutefois les peuples si différents qu’elle renferme ont une com-
mune origine), a été certainement fort altérée par les mélanges que lui ont fait subir
toutes les nations qui l’ont asservie tour à tour.
Cette race peut se subdiviser en cinq grands rameaux :
Les GROUZIENS où GuorGIENS, dont on étend souvent le nom à toute l’ancienne
nation géorgienue et qui habitent, entre le faîte du Caucase et la Koura, la région
comprise depuis Gori jusqu’à Signakh.
Les Iuères, Imérëres ou IMÉREHENS, occupant, à l’est de la Géorgie proprement
dite, le haut bassin du Rion.
Les MincriLrens, entre la basse vallée de ce fleuve et le Kodor:.
Les GouriEns, habitant le versant septentrional du plateau d’Adjara,
Les Lazes,
disséminés le long du littoral de la mer Noire depuis Trébizonde jus-
qu’à Poti. Ce sont les seuls Caucasiens dont le territoire soit encore en partie turc.
Outre ces branches, d’autres tribus de race Kartvelienne habitent les gorges
les plus élevées, les défilés les plus sauvages du Caucase. Ce sont probablement en
grande partie des bannis ou des réfugiés, chassés des plaines de la Mingrélie et de
la Géorgie par les guerres ou par l'oppression des grands seigneurs, et qui sont
venus chercher un asile dans ces hautes régions.
La principale de ces populations, confinée dans les vallées supérieures de l'Ingour
et de la Tskenis-Tskali, est celle des SvaNEs ; plusieurs de ces tribus, organisées en
petites républiques où communes, ont vu leur liberté reconnue par les Russes et
sont appelées Lisres-Svaxes.
Sur le versant méridional du mont Borbalo et vers la source de l’Aragva, habitent
trois tribus importantes et surtout fort curieuses. Ce sontles Pcxaves. les Toucnes
et les Kxevsours.
Entin, à l’ouest de Derbent, près des bords du fleuve côtier Bougan, vivent, au
milieu des Lesghiens, les Kougrrer, métallurgistes habiles qui se disent eux-mêmes
Européens, mais qu’il faudra peut-être rattacher au groupe Kartvelien.
INTRODUCTION 13
Ce groupe indépendant n’habite pas seul le Caucase méridional. Des colonie
différant beaucoup par leurs usages, leurs mœurs et leur langage de la population
principale, sont cantonnées çà et là, comme ces poussées de porphyre qui émergent,
dans les mêmes régions, des schistes et des assises jurassiques de la grande chaîne.
Une des plus intéressantes de ces peuplades isolées, perdues en quelque sorte au
milieu de la grande mosaïque ethnographique qui nous occupe, est la tribu des
Ossèraes. Nous y reviendrons longuement dans lune des parties de cet ouvrage,
où nous exposerons les diverses spéculations qui ont cours sur l’origine et la langue
de ce petit peuple, ainsi que nos travaux particuliers sur ses caractères anthro-
pométriques, qui semblent, d'accord avec la linguistique, le rattacher au groupe
iranien.
Les Ossèthes habitent le cirque de montagnes que domine, à l’ouest du Darial, la
crête glacée du mont Kazhek, ainsi que les hautes parties du versant septentrional
de ce massif et les vallées supérieures de l’Aragva, du Ksan et de la Liakhva. Is
sont donc enclavés entre les Kabardiens au nord et au couchant, les Tchetchènes à
l’est, les Khevsours et les Géorgiens proprement dits au sud.
Au nord et au sud de la chaîne, des tribus Tarares, de langue turque, restes
peut-être de l’ancien empire des Khazars mélés aux descendants des Turks Seldjou-
kides, sont disséminées dans les bassins orientaux de la Kouma, du Terek, de la
Koura et de l’Araxe. Leurs principaux groupes sont les Nocaïs sur la rive droite
de la Kouma et du Terek inférieurs, les Koumxs à l'embouchure du Soulak, les
Kararonaï,au sud-est de l’Elbrous entre les Kabardiens et les Adighès. On trouve
également des Karatchaï en Transcaucasie, dans tout le bassin de la Koura et
de l’Araxe et sur les côtes de la Caspienne,
Dans la Transcaucasie orientale, à côté de ces Turks, vivent des PsrsAns,
connus sous le nom de Tares, Tapxixs, où TaricHEs, ces derniers dans le district
de Lenkoran, (frontière Perse). les autres dans l’arrondissement de Bakou et dans
la partie méridionale du Daghestan caspien.
Tous les grands centres de la Géorgie proprement dite comptent un grand
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ni
14 INTRODUCTION
nombre d'ARMÉNIENS. Ils sont surtout répandus dans les environs et la ville
de Tiflis et sur le plateau qui, entre l’Araxe et la Koura, avoisine le lac
Goktchaï. Instruits, industrieux et dominateurs, ils délaissent de plus en plus les
provinces encore turques pour se masser dans la sphère d’attraction de la Russie.
Nous ne citerons que pour mémoire les restes épars des tribus Kurpes, autrefois
lus nombreuses, qui habitent encore les divers points de la Transcaucasie et
rincipalement le cours inférieur de l’Araxe,où ils se mêlent beaucoupaux Tatares.
’émigration de ces tribus s’accomplit en sens inverse du courant arménien et le
moment n’est pas éloigné où celles qui resteront seront confondues avec les autres
peuplades musulmanes du Caucase méridional.
Nous ne parlerons pas non plus des représentants de la nation slave, qui ne se
sont établis dans ces contrées que depuis le commencement du siècle, mais qui
formeront certainement, dans un avenir prochain, le noyau principal de la
population caucasienne.
Ilnous reste à dire un mot des Jurrs, dont la venue au Caucase est bien antérieure
à notre ère et qui, disséminés parmi les villages arméniens, tatares et géorgiens,
ne semblent nullement sy considérer comme étrangers. Ils sont connus des
Kartveliens sous le nom d’Ourrau.
Nous reviendrons, dans notre partie ethnologique, sur le rôle capital que certains
auteurs attribuent, à tort ou à raison, aux SÉMITES en général et aux Juirs en
particulier, dans la formation des races actuelles du Caucase,
Enfin pour achever notre énumération très succinte de ces races, nous citerons
les rares colons européens qui, en dehors des Slaves, se sont fixés dans l’isthme
ponto-caspien. Ce sont surtout des ALLEMANDS, établis principalement aux environs
de Tiflis et d'Elisavetpol, et vivant complètement à l'écart des autres habitants.
Tel est le tableau, forcément rapide et incomplet, des peuples si divers qui
habitent le Caucase.
Nous allons examiner, non moins sommairement, le rôle de chacun d’eux dans
l’histoire encore si peu connue de cette partie de notre globe.
[II
Nous avons fait remarquer, au début de cette introduction, combien la destinée
des peuples caucasiens a été intimément liée à la confieuration générale de la
grande chaine. Ce rapport est surtout évident lorsque l’on considère la dernière
période de l’histoire du Caucase, celle de la conquête Russe.
Mais on le constate cependant à toutes les époques, depuis les temps mytholo-
l F !
giques jusqu'à nos jours. Comme au géographe et à l’ethnolooue, les deux versants
du Caucase présentent à l’historien un contraste frappant.
Au nord, et aux deux extrémités de la chaîne, des peuples offrant entre eux,
comme mœurs et comme aspect physique, les plus grandes analogies, protégés
tous deux par des forteresses naturelles inexpugnables, s’organisèrent, dès la plus
haute antiquité, en tribus indépendantes et guerrières et surent se garantir toujours
de toute domination étrangère et de tout mélange. On retrouve à travers les âges
chez ces deux peuples, Tcherkesses et Lesghiens, chez le premier surtout, les mêmes
noms, les mêmes coutumes et, à travers leurs nombreuses conversions, la même foi.
le même culte primordial que nous «
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ssaierons de définir dans la suite de cet ouvrage.
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16 INTRODUCTION
Le versant méridional, au contraire, habité par la grande race Kartvelienne,
ouvert, à l’est et à l’ouest, par le Rion et la Koura, à toutes les incursions et à
tous les envahissements fut sans cesse le théâtre de luttes acharnées, et ses
habitants durent subir tour à tour toutes les dominations et, par suite, d’innombra-
bles croisements. En un mot, le côté asiatique du Caucase fut mêlé, dès les temps
les plus reculés, au mouvement général de l'humanité; il eut une histoire. Le
versant opposé n’en eut pas, où la sienne, du moins, ne date que d’hier.
Les premières notions connues sur le Caucase nous sont révélées par les histo-
riens grecs, qui y font voyager leurs héros et aborder, sur les côtes de la Colchide,
les Argonautes et leur chef Jason.
Ils ne connurent, du reste, que quelques parties du littoral oriental de la mer
Noire, où ils fondèrent des colonies bientôt florissantes, Olbia, Tanaïs, à l’embou-
chure du Don, Phanagorie, Panticapée, Dioscourias, Phasis, à l'estuaire du Rion
(Phase), ete.
D’après les renseignements que nous ont laissés ces auteurs, ainsi que leurs
successeurs, Arrien, Strabon, Pline, Procope, etc... il paraît résulter qu'à ces
lointaines époques, la disposition des tribus montagnardes du Caucase occidental
était sensiblement la même qu'aujourd'hui. Nous avons fait remarquer plus haut
que leurs noms ont également fort peu varié; il y a, en effet, peu de distance
entre les Zyghè, Dzighè, Zeckhi, ete... etles Adighès de nos jours.
Nous ne nous attarderons pas sur cette période primitive encore enveloppée de
ténèbres pour ce qui concerne la Grèce elle-même et qui ne saurait être plus claire
pour la région qui nous occupe.
C'est à l'archéologie préhistorique qu'il appartient, aidée de la linguistique et
de l’anthropologie, de résoudre tous les problèmes que soulèvent les origines de
ces peuples que nous trouvons répandus dans l’isthme ponto-caspien dès l’aurore
de la civilisation du fer.
Nos travaux, bien incomplets encore, n’ont pas d’autre but, et nous nous
INTRODUCTION ‘li
estimerons heureux si, à force de recherches et de patientes investigations, nous
parvenons à jeter un seul rayon de lumière dans ce chaos.
L'histoire véritable du Caucase ne commence en réalité qu'aux expéditions des
Romains contre Mithridate, à cette époque de domination et de grandeur où Sylla,
Pompée et Lucullus vinrent tour à tour mesurer leurs légions contre les souverains
de Géorgie et d'Arménie, fidèles alliés du grand roi.
Mais bien avant cette époque, les lévendes de la Transcaucasie nous montrent
le pays de l’Ararat et du Caucase partagé entre deux puissances tantôt alliées,
tantôt ennemies, unies le plus souvent par une certaine communauté de dynastie
et de destinées, en butte constamment aux mêmes invasions, aux mêmes compéti-
tions et disparaissant de l’histoire à peu près dans le même temps.
Ces deux puissances sont la Géorgie et l'Arménie. Les annales de la première
nous sont contées par Vakhtang V, roi du Kartvel de 1703 à 1721, celles de la
seconde par Moyse de Khorène, historien arménien du cinquième siècle.
Leur origine se perd dans la nuit des temps. Les écrivains des deux nations,
recueillant les récits populaires de leur époque, récits tout empreints encore de
l'influence chrétienne, essayèrent de rattacher cette origine aux données bibliques
et faussèrent ainsi complètement le point de départ historique de l'Arménie et du
Caucase.
Quoi qu'il en soit, les deux fondateurs des premières dynasties, Karthlos et Haïk,
qui nous paraissent être la personnification de chacun de ces peuples, et que la
légende fait venir de Babylone, eurent d’abord à défendre leur territoire contre
l’envahissement des As ens. Leurs successeurs durent continuer cette lutte où,
naturellement, on fait intervenir l’inévitable Sémiramis, à laquelle on attribue la
construction de la citadelle de Van, en pleine Arménie. Toute cette période est fort
obscure et ce que l’on en sait de plus certain, c’est que l'Arménie resta, jusqu’à la
chute de sa première dynastie, vassale de l'empire assyrien. Il ne paraît pas
douteux que la Géorgie ait partagé, dans sa partie méridionale du moins, le sort de
sa voisine du sud. Le roi Baroïr, trente-sixième successeur d’Haïk, contribua, en
CGauc. I. 2
MSA ET
PES
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18 INTRODUCTION
565 avant Jésus-Christ, à renverser Sardanapale et réussit à rendre à son pays une
certaine indépendance. Plus tard, Tigrane, un de ses descendants, fit alliance avec
Cyrus pour chasser Astyage du trône d’Assyrie.
Enfin, la dynastie de Haïk, détruite par les généraux d'Alexandre, dut céder le
pouvoir aux Séleucides, rois de Syrie, tandis qu'au nord la Géorgie tombait en
partage au Macédonien Ason, qui exaspéra les Kartveliens par sa tyrannie et fut
détrôné par Pharnavaz, héros national dont la légende fait un descendant collatéral
de Karthlos.
C’est alors seulement que les deux nations transcaucasiennes commencent à
posséder chacune une histoire propre.
Nous les séparerons donc, dès à présent.
En Géorgie, Pharnavaz, par des alliances habiles, sut réunir sous sa direction
suprême la Colchide, l'Ossèthie et le Kartvel proprement dit. La partie occidentale
du bassin du Rion resta seule aux Grecs, qui aeceptèrent cependant sa suzeraineté.
Le royaume de Géorgie était fait; il ne, devait pas durer longtemps. Après avoir
vu à sa tête deux princes persans et le dernier détrôné, il se donna à un Arsacide
d'Arménie, fils d’Ardachès Le", prit, avec l’État du sud, parti pour Mithridate et
se vit confondu dans sa ruine.
Dès lors, la Colchide fut de nouveau séparée de la Géorgie et devint province
romaine sous le nom de « Lazique ». Sa soumission à l'empire, toute nominale,
mentraînait aucun tribut; elle était marquée seulement par la confirmation que
donnèrent, plus tard, les empereurs d'Orient au roi que les Colches et les Lazes
s’étaient choisi.
Pendant les cinq premiers siècles de notre ère la Lazique suivra toutes les
vicissitudes de l'empire et subira sans relâche l'influence romaine, puis grecque,
puis byzantine. Le fait principal de cette époque fat l'introduction précoce du chris-
tianisme, lequel ne pénétrera que deux siècles plus tard dans les États voisins, à
l’est.
INTRODUCTION 19
La Géorgie, au contraire, divisée, humiliée, après le rapide passage au trône
d’une nouvelle branche Arsacide, après une lutte inepte contre l'Arménie, après
avoir vu l’empereur Trajan l’ériger en province romaine, se donnera aux Sas-
sanides de Perse et, par un singulier contraste, au moment de tomber sous le
joug du grand empire mazdéen, la Géorgie se fera chrétienne, comme l'Arménie,
au-troisième siècle.
La domination persane, qu’elle avait appelée de ses vœux, lui fut bientôt
intolérable. Les sectateurs de Zoroastre essayèrent de lui imposer de nouveau leur
culte pur et leur morale. Des persécutions s’ensuivirent, D'autre part, l'ambition des
Sassanides s’accrut avec leur influence, et bientôt les empires rec et persan
se heurtèrent de front.
Le théâtre principal de la lutte fut le bassin du Rion ; mais toute la Transcaucasie
fut ravagée à souhait par les deux adversaires et, les Persans étant battus, les
choses restèrent à peu près en leur état primitif, c’est-à-dire la Colchide, l'Abkhasie,
la Gourie et le Lazistan aux Grecs, et le bassin de la Koura, pour quelque temps
encore, sous le pouvoir indirect des rois perses.
Vers la fin du sixième siècle, alors que l'influence erecque commençait à devenir
prépondérante en Géorgie, se place la scission religieuse des deux Églises armé-
nienne et géorgienne, celle-ci acceptant le rit formulé par le concile de Chalcédoine,
l’autre le rejetant et se rattachant aux sectes monophysistes, dont le philosophe
Eutychès avait été l’inspirateur.
C’est vers le même temps que l’on vit pour la première fois, sur les marches du
trône géorgien, un membre de la famille des Bagratides, qui exerça plus tard son
autorité sur l'Arménie et le Caucase.
Enfin, vers le milieu du septième siècle, les Arabes, vainqueurs des Persans,
commencèrent à prêcher, par le fer et le feu, leur nouvelle doctrine, l'Islam. Deux
cents ans se passèrent, pendant lesquels l’histoire de la Géorgie ne fut qu'un tissu
de calamités et qui furent marqués, vers 743, par l’avènement définitif des
Bagratides.
20) INTRODUCTION
La Colchideetl’Abkhasie avaient continué à vivre sous la domination de l'empire
d'Orient. Au commencement du dixième siècle, elles furent réunies à la Géorgie
sous l'autorité de Bagrat II, souche des souverains du royaume restauré.
L'avènement de cette dynastie fut marqué par des rébellions intérieures, des
dissensions et une révolte ouverte contre l'empire, révolte qui amena plusieurs
expéditions grecques. D'un autre côté, des bandes des Tures Seldjoukides vinrent
joindre leurs déprédations à celles des soldats impériaux, et s’établirent, à l'aurore
du onzième siècle, sur les rives de la Koura, de l'Alazan et de la Yora.
Malgré ces ravages, cette époque vit renaître en Géorgie une certaine prospérité.
La langue nationale se fixa et la littérature prit un brillant essor. C'était l’aurore
de cette période d'indépendance et de grandeur que devaient illustrer les règnes
olorieux de David IT, David I, Georges IT, Tamara, Georges IV et Roussoudan,
et qui fut close d’une façon assez triste par le partage du royaume et les suites
désastreuses qu'il entraina.
Cette phase de l'histoire géorgienne, qui s'étend entre le dixième et le
treizième siècles, est dominée par un grand nom, qui en résume toutes les oloires
et toute l’heureuse fécondité; c’est celui de la reine Tamara.
Héritière du trône vers 1180, elle l'occupa jusqu'en 1206 et sut faire respecter
son autorité par tous les peuples du Caucase dont la plupart, sous son règne,
embrassèrent le christianisme.
Grande, éclairée, courageuse, elle plaça son pays à la tête des nations de l'Asie
occidentale et, par la crainte qu'elle sut inspirer, elle éloïgna constamment les
invasions, et fit goûter à son peuple trente années de bonheur et de sécurité.
Jamais reine n’en fut mieux récompensée et nul peuple ne poussa plus loin le
fanatisme d’un grand nom. Tamara est vénérée au Caucase, autant que la Vierge
Marie. Il n’est pas de monument un peu antique qu'on ne lui attribue, pas de
sage réforme qui n'ait pris date de son rèone, pas de glorieuse expédition qui
n'en ait rehaussé l'éclat,
Cest sur ce nom béni que les Géorgiens aiment à reporter encore leurs pensées
INTRODUGTION 21
et c’est en le prononçant qu'ils évoquent le souvenir de cette grande époque où
tomba de leur front le joug de l'Empire d'Orient, où naquit leur littérature
et dont la fin marqua pour toujours le terme de leur liberté et de leur existence
nationale.
Après cet instant d'activité et de vie exubérante, la Géorgie maintint pendant
deux siècles encore son importance et l’on vit passer sur le trône des souverains non
sans grandeur, Georges IV, la reine Roussoudan, ete.
Mais la vigoureuse impulsion du douzième siècle alla s’affaiblissant de jour en
jour et les peuples divers que Tamara avait su réunir sous sa puissante main cher-
chèrent peu à peu à reprendre chacun leur antique existence, indépendante et sans
lien commun. l'invasion soudaine des hordes de Tamerlan vint mettre le comble
à ces divisions en livrant toute la contrée à une dévastation sans précédent.
Du treizième au quinzième siècle ,deux souverains, Georges VIT et Alexandre I*
tentèrent encore, mais en vain, de relever ce malheureux pays. Le dernier comprit
bien qu'un royaume caucasien était désormais impossible et, après avoir partagé co
qui en restait entre ses héritiers, il se retira dans un monastère et y mourut,
en 1442.
Désorganisée pour toujours par ce démembrement aussi funeste qu’inévitable, la
Géorgie, livrée sans merci aux appétits de ses grands seigneurs, vit renaître chez
elle, plus avilissant que jamais, cet odieux régime féodal qui se chargea de lui imposer
l'apprentissage de la servitude. Elle ne fut plus désormais qu’une pomme de discorde,
un jouet, entre la Perse et la Porte Ottomane. Vassale de cette dernière, elle dut
voir sans rougir ses princes minoréliens, imérétiens et lazes acquitter chaque
année l’infâme tribut d’un «lot » de jeunes filles et de jeunes garcons.
Le sort de l'Arménie fut peu différent, et, à part cette contribution immorale,
presque aussi malheureux que celui de sa sœur caucasienne.
Nous reprenons ici l'histoire de cette nation où nous l’avons quittée, c’est-à-
dire à l'invasion macédonienne et à la ruine de sa première dynastie. La domination
2 INTRODUCTION
des rois de Syrie ne fut pas de longue durée, et Antiochus-le-Grand, vaincu par
les Romains, ne put réduire les Arméniens à l’obéissance. Un certain Artaxias, qui
était l’instigateur de leur révolte, prit la couronne, mais il en fut bientôt dépossédé.
L’an 149 avant Jésus-Christ, les Arsacides conquirent l'Arménie. Après une
ère de prospérité et de conquêtes, après avoir étendu leur domination en Asie-
Mineure, en Lazistan, et, comme nous l'avons vu, jusqu’au Caucase, ils se brisèrent
contre les Romains en soutenant la cause de Mithridate. Sans indépendance et
sans fierté, ils furent trop heureux de tenir le pouvoir des mains de leurs
vainqueurs ou des princes persans, qui ravagèrent tour à tour leur patrie.
Entre les troisième et quatrième siècles se place une lutte mémorable dont
le théâtre principal fut la Perse, mais qui eut son contre-coup en Arménie où
elle eut pour résultats la conversion au christianisme et le démembrement du
royaume.
Pendant la domination arsacide, l'antique culte mazdéen avait été fort altéré au
contact de la mythologie orecque et des doctrines araméennes ; mais le culte bâtard
qu'avaient enfanté ces mélanges, comptait en Perse et en Arménie de nombreux
adversaires. Ceux-ci parlaient sans cesse de revenir à la morale élevée, à la religion
pure de Zoroastre pour résister à l'influence croissante du chris
ianisme.
Une vieille famille parthe, qui prétendait se rattacher aux anciennes dynasties
nationales, se mit à la tête de ce mouvement. C’est du sein de cette famille que
sortirent les Sassanides. Le premier souverain de cette dynastie, Ardachès, trouva
un redoutable compétiteur en Khosrov, roi d'Arménie, qui, aidé des Romains,
lui résista désespérément. Ardachès mit sa tête à prix et le fit assassiner par un de
ses parents, Arnag. Ce forfait accompli, il s'empara du trône de sa victime et
l’occupa vingt-six ans.
Après sa mort, son fils ne put s’y maintenir et en fut chassé par Tiridate,
échappé, ainsi que Grégoire, le futur Z/wminatewr, au massacre de la famille
d'Arnag, ordonné par Khosrov à son dernier soupir.
Ce fut sous le règne de Tiridate, persécuteur acharné des Mazdéens, que le
INTRODUCTION 25
goire, frère du roi. D’abord hostile au
christianisme fut prêché en Arménie par Gré
nouveau culte, celui-ci l’embrassa bientôt et en poursuivit la propagation avec une
sorte de fureur.
Cette période si agitée ne fut pourtant point dénuée de prospérité et de gloire.
Tiridate, énergique et puissant, sut faire respecter l'indépendance de son pays, et son
rèone de cinmquante-six ans, qui prit fin en 314, malgré les troubles et les persécu-
tions qui l’attristèrent, fut une des époques les plus heureuses qu’ait traversées
l'Arménie. Ses successeurs, faibles et incapables, ne purent contenirle flot montant
des colères qu'avait soulevées l'introduction violente d’une nouvelle religion. Les
Sassanides, profitant de ce mouvement, suscitèrent à leurs voisins des embarras
sans nombre et jetèrent sur le territoire arménien, à plusieurs reprises, les
peuplades inoccupées du Caucase septentrional, Massagètes et autres, ainsi que les
rois Arsacides de Géorgie, restés fidèles à l’ancienne foi. Khosrov, fils de Tiridade,
appela les Romains à son secours et soutint avec eux contre ses ennemis une lutte
victorieuse, après laquelle, toutefois, craignant pour son repos, il se reconnut
vassal des Sassanides. Dès lors, l'autorité royale alla s’affaiblissant de plus en plus,
et, peu à peu, les patriarches, profitant de cette décadence, agrandirent leur
pouvoir et leur rôle et devinrent bientôt l’axe naturel du peuple arménien.
Ce sont les patriarches que l’on verrä, sous peu, prendre la direction des affaires,
porter la parole au nom de leurs coreligionnaires, et, plus tard, lorsque leur patrie
morte aura été foulée depuis des siècles par le talon des oppresseurs de toutes
vil:
races, revendiquer encore, à la face des pays s, les droits de leur nation à
l’autonomie !
Cependant, cet ascendant des patriarches, tout spirituel, ne pouvait arracher
l'Arménie au sort qui l’attendait. Balancée entre l'alliance des Grecs et de la
Perse, elle devint en grande partie dépendante de cette dernière et fut gouvernée,
jusqu’à la chute des Sassanides, par des Harzbans, entièrement à la discrétion du
pouvoir qui les nommait. Il y eut des alternatives de tolérance et de persécution,
24 INTRODUCTION
de paix et de guerre, d'intervention brutale et de liberté relative. Mais ce royaume,
tout montagneux qu'il fût, était une trop riche proie pour ne pas exciter toutes les
convoitises, et trop faible, trop divisé pour s’en garantir. Lorsque la lutte qui
s'engagea, pour la possession de l’isthme ponto-caspien, entre les deux empires
byzantin et persan, fut terminée, de nouveaux envahisseurs vinrent achever de
ruiner l'Arménie, mais, en même temps réveiller pour deux ou trois siècles son
ardeur nationale.
C'étaient les Arabes, qui venaient la dévaster, au nom du Koran, comme
l'avaient fait les chrétiens au nom de l'Évangile.
Mais ce peuple, qui avait souffert, presque sans murmurer, la tyrannie des
Sassanides, qui avait vu sans regret les Grecs lui imposer leurs volontés à diffé-
rentes reprises, ce peuple qui avait accepté sans colère la perte de sa liberté se
leva tout entier pour conserver sa foi, désormais le seul lien qui lui assurât une
existence propre.
La famille des Pagratides, que Moyse de Khorène croit d’origine sémitique, prit
alors la direction des affaires et, à force de diplomatie, sut se concilier la faveur
simultanée des Grecs et des Arabes, et parvint à éviter à son pays bien des désastres
et peut-être une imminente destruction. L'un de ses membres obtint même, en 885,
le titre de roi d'Arménie, sous la protection des khalifes et fonda cette dynastie qui,
maloré son or
sine étrangère, fut la plus arménienne qui ait jamais régi la destinée
du peuple d’Haïk .
Elle tomba, en 4079. détruite par les Grecs et par ses dissensions intérieures,
après avoir rendu au royaume un peu de son antique prospérité.
Vers la fin de sa domination, les Turks Seldjoukides avaient envahi son terri-
toire et, après une lutte acharnée contre les Grecs, réussi à s'établir, comme
nous l'avons vu, dans le nord de l'Arménie et sur les rives de la Koura, en Géorgie.
La chute des Bagratides marqua la fin de l'indépendance nationale arménienne.
En vain accepta-t-elle volontairement la suzeraineté des Mongols, qui l’avaient
envahie et horriblement dévastée vers le milieu du treizième sièele; en vain s’allia-
INTRODUCTION 25
t-elle avec les Croisés et put-elle étendre encore, par ce moyen, son influence
sur les côtes de la Cilicie et de la Syrie septentrionale jusqu’à Antioche; en vain le
groupe de familles arméniennes émigrées de la mère patrie dans les montagnes de
la Cilicie parvint-il à se constituer, sous l’autorité d’un parent de la dynastie
morte, en royaume indépendant et à chasser les Grecs de toutes ses possessions ;
le rôle de l'Arménie était terminé. Les coups des Mameluks, des Mongols et des
Perses eurent bientôt raison de cet empire agonisant. Les envahisseurs se le
partagèrent et les Arméniens ne furent plus désormais qu'un grand peuple sans
territoire, dispersé comme la nation juive, et uni seulement, comme elle, par une
même foi, un même langage et les mêmes olorieux souvenirs !
Tandis que ces événements se succédaient sur le versant méridional du Caucase
et en Arménie, grandissait, au nord, par delà les steppes de Mozdok et de
Stavropol, un État qui devait, un jour, balancer toutes les influences et, finalement,
les anéantir.
Établis depuis le dixième siècle dans la presqu'ile de Taman, avec l’aide de
Basile IL, les Russes s’approchaient peu à peu de la grande chaîne et voyaient
grandir rapidement leur empire.
Ils avaient eu à lutter tout d’abord contre les débris des États éphémères que les
envahisseurs asiatiques avaient laissés tour à tour derrière eux. L'immense plaine
qui s'étend, au nord de la dépression du Manych, depuis la Caspienne jusqu’au Pont-
Buxin, a été, en effet, le lieu constant du passage de toutes les hordes qui, sorties
de la grande officine ethnogénique à laquelle on a appliqué le nom fort vague de
Touran, se sont répandues successivement sur l’Europe. Là passèrent et s’établi-
rent, après les innombrables peuplades dites scythiques :
Les ALAINS
avec lesquels Klaproth et quelques autres auteurs ont voulu iden-
tifier les Ossèthes actuels — et que l’on voit s’établir au nord du Caucase vers le
milieu du premier siècle de notre ère, pour être dispersés, presque anéantis, par
Gauc. 4
26 INTRODUCTION
l’avalanche hunnique du quatrième siècle. On les voit cependant reparaître à diverses
reprises sur la scène de l’histoire, notamment lors des invasions arabes au dixième
siècle et de celle de Tchinghiz-khan au treizième.
Les Huxs, rapide et sanglant météore, qui passèrent comme une tempête sur
l’Europe épouvantée, portèrent leurs ravages, à travers le Caucase central, jusqu’en
Arménie, puis disparurent presque tout à coup pour faire place à d’autres peuples
probablement de même origine. C’est ainsi que nous voyons le Volea traversé succes-
sivement par les Burcares, les Sagrrs, les Avans et les Kaazares, tous Huns, tous
finnois sans doute, puis par les Turks qui vinrent, au onzième siècle, s'établir et
régner en maîtres sur les ruines de leur empire.
Les KnazaRes surtout, « par l'étendue et la durée de leur domination, par leurs
rapports avec les États contemporains, par les circonstances mêmes de leur propre
développement historique et les longs souvenirs qu'ils ont laissés après eux, les
Khazares eurent dans l’histoire un rôle beaucoup plus considérable qu'aucune des
hordes qui les avaient précédés dans les steppes sarmatiques ou qui les y ont
suivis antérieurement aux Mongols de Tchinghiz-khan ?. »
Nous ne tenterons pas de retracer ici l’étendue de ce rôle, même sommairement.
Nous nous contenterons, dans cet abrégé rapide de l’histoire de la Russie méridionale,
de jeter un coup d’œil sur les destinées dernières des Khazares et sur la chute de leur
empire. Leur sort fut, en grand, celui qu'ils avaient infligé à leurs prédécesseurs les
Avars. Amollis par une vie sédentaire et un certain degré de civilisation, ils ne purent
résister au flot des populations turques qui les pressait à l'Orient, tandis que la
monarchie russe, fondée parles Varèenes leur enlevait la domination des tribus slaves
du Dnieper et du Don et s’établissait en 965, comme nous l'avons dit, dans la
presqu'île de Taman.
Les Mongols qui vinrent, à la suite de Tchinghiz-khan, achever leur ruine
Le) te ,
SAINT-MARTIN, Étude de géographie ancienne et d'ethnographie asiatique. Paris, Arthus
EU p. 97
4 VIVIEN DE
Bertrand, 18
INTRODUCTION 2
séparèrent en même temps de nouveau les Russes du Caucase ; Ceux-ci n’eurent, du
reste, avant les temps modernes que de rares rapports avec les habitants de la chaîne
soumis nominalement les uns à la Perse (Lesghiens, Avars), les autres à la Turquie
(Tcherkesses, Abkhases) ; ces montagnards ne furent longtemps connus des tribus
de la plaine que par leurs incursions périodiques et leurs déprédations dans les vallées
du Kouban et de la Kouma. Quelques alliances furent bien conclues avec certaines
tribus par le gouvernement russe ; mais elles n’eurent guère d’autres résultats que
les représailles de la Perse pour le Chirvan et le Daghestan, de la Turquie pour
V’Abkhasie et la Tcherkeska.
Il fulait Pierre-le-Grand pour concevoir tout le parti que pouvait tirer la Russie
de la possession du Caucase.
L'homme de génie qui ouvrait à son pays «une fenêtre sur l’Europe » en
lui donnant l’empire de la Baltique, devait fixer ses regards sur le Caucase,
qui devait être pour lui « une porte » ouverte sur l’Asie-Mineure, l'Asie centrale et
l’Indoustan. Ce rêve était fait pour tenter l’activité prodigieuse du réformateur,
et, lorsqu'en 1712 Schah Houssein, l’avant-dernier des sofis, lui demanda l’a )pui
de ses armes contre les Afohans, il eut bientôt pris un parti.
Aiguillonné par la crainte d’une intervention ottomane, il jeta résolûment une
armée de trente mille hommes dans le Daghestan oriental, prit Derbent et Bakou,
les fit occuper, et revint sur ses pas, à Astrakhan. La mort le surprit dans
laccomplissement de cette tâche colossale. Mais le sillon était ouvert et <es
successeurs n'avaient qu'à marcher sur ses traces et à exécuter relicieusement son
fameux testament politique.
Pour réaliser les plans de Pierre-le-Grand, il fallait combattre tour à tour la
Turquie et la Perse, affranchir de la domination de ces deux empires les chefs
transcaucasiens qui, harcelés par leurs anciens maîtres, ne pouvaient tarder à se
jeter, par désespoir, dans les bras de la Russie.
Ce fut la première phase de la conquête, et la moins sanglante
Cependant, l’action vigoureuse du tzar s’éteignit après Ini, et limpératrice Anne
25 INTRODUCTION
Ivanovua abandonna ses acquisitions pour en revenir à l’ancienne ligne de villa
fortifiés peuplés de Cosaques (stanitzas) le long du Térek inférieur. Sous son règne,
pourtant, en 1739, les deux Kabardas étaient déclarées indépendantes, c’était un
premier pas.
Catherine II reprit, dès son avènement, les projets de son illustre prédécesseur.
Tout en prolongeant vers l’ouest la ligne des stanitzas depuis Mozdok, du Térek
à la Malka, elle sut se concilier les deux princes souverains de Plmérie et
de la Géorgie, Salomon Let Héraclius II. Elle les poussa à une révolte
ouverte contre la Porte Ottomane, leur envoya une armée de trente mille
hommes, et bien que cette armée, après avoir pris Koutaïs et échoué devant
Poti, eût été forcée de battre en retraite, cette première campagne n’en eut pas
moins une influence décisive sur les événements qui suivirent, En 1774, un
traité donne à la Russie la souveraineté des deux Kabardas; l'indépendance du
district du Kouban, de la Petite-Tatarie, de l’fmérie et de la Géorgie est
reconnue. Catherine ne demandait pas autre chose. La Crimée, la Petite-Tatarie
et le Kouban devinrent bientôt provinces russes et Héraclius, en 1783, se
reconnut le vassal de sa puissante protectrice.
Ce mépris des traités amena une nouvelle guerre terminée par un nouveau
contrat, qui donnait à la Russie tout ce qu’elle avait pris. Cette guerre fut marquée
par la prise de Soudjouk-Kaleh et d’Anapa, forteresse construite par les Turks,
en 1784, sur le littoral de la mer Noire, dans le but de se garantir des empiètements
moscovites.
La Perse alors entra en lice. La défection d'Héraclius y avait passé, tout
d’abord, presque inaperçue. Cependant, en 1796, les successeurs de Nadir Schah
songèrent à en tirer vengeance. L’un d'eux, Aga Mohammed, se jeta en Géorgie,
la ravagea, chassa Téraclius et fut assassiné au moment où l’impératrice,
mourante aussi, envoyait une armée contre lui. Paul l‘rappela l’armée, mais
acquit définitivement la Géorgie, que Georges XIII, fils d’Héraclius, incapable de
la défendre contre les Turks, les Le
ghiens et même contre sa propre famille, lui
INTRODUCTION 29
céda en 1799 par un acte solennel, qui fut confirmé, en 1801, par un manifeste
impérial.
De 1800 à 1829, la guerre ou les promesses acquirent successivement à la Russie
la soumission de l’Imérie, de la Mingrélie, de la Gourie, tandis que l’Araxe, au
sud-est, séparait de la Perse ses possessions transcaucasiennes.
Mais tandis que l’antique Géorgie et l’antique Colchide, ouvertes l’une par le
Darial et Derbend, l’autre par le bassin du Rion, déchirées par les divisions, par la
tyranniedes seigneurs, par les exactions des Turks et des Persans, acceptaient presque
sans résistance la domination des Slaves chrétiens, le Haut-Kouban, lAbkhasie et
le Daghestan, montueux, inaccessibles, soutenaient contre l’envahisseur une lutte
terrible, acharnée, sans merci. Cette lutte présente, suivant que l'on considère les
diverses régions où elle éclata, des aspects bien différents.
Du côté de la mer Noire, chez les Tcherkesses et les Abkhases, elle fut surtout
patriotique et se fit par la seule haine qu’inspirait à ces peuples libres et énergiques
la perspective d’une autocratie militaire plus insupportable encore que le joug otto-
man. Dans le D:
hestan, au contraire, elle offre un caractère nettement religieux et
nous apparaît, dirigée par les prophètes musulmans, avec une unité admirable et
une persévérance que n’abattirent point les plus éclatants revers.
Le précurseur de ces Murides, qui devaient si longtemps tenir en échec les armées
russes, avait été le cheik Mansour. En 1790, il avait essayé de soulever les Tcher-
kesses et prêché la guerre sainte dans le bassin du Kouban. Mais ses prédications
n’avaient eu que peu d'influence sur ces musulmans de la veille, que l’amour de la
liberté devait émouvoir si fortement quelques années plus tard.
Mal secondé, le cheik Mansour avait été fait prisonnier au siège d’Anapa et les
Russes l’avaient envoyé, derrière les murs de Schlussebourg, expier sa tentative
d’insurrection. Ce ne fut que trente ans plus tard que Kasi- Moullah, son premier
sSucCC
seur, commença à prêcher la résistance à l'étranger et à réunir sous son auto-
rité toutes les forces vives du Daghestan.
Jeté une première fois au milieu de ces luttes ardentes, en 1820, il avait échoué
Â
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30 INTRODUCTION
devant l’opposition du prince des Avars, et s'était retiré momentanément de la
scène.
Mais il n’avait point cessé d’exciter ses compatriotes et de préparer, par tous
les moyens, la guerre sainte. Espérant que la Perse pourrait venir à son aide, il
hâta dans ses montagnes, la réconciliation des deux grandes sectes de l'Islam,
sunnites et chiites. La Perse fut vaincue, et Abbas Mirza, fils aîné du schah, sur
qui le prêtre avait compté, dut se tenir tranquille et signer le traité de Tourment-
chaï. Mais le muridisme (c’est ainsi qu'on appela cette réconciliation), fruit
des prédications enflammées de Kasi-Moullah et de ses disciples, avait rapidement
gagné la plupart des tribus et les avait ralliées presque toutes autour du premier
de ses chefs.
Sa cruauté, son épouvantable tyrannie, les ravages affreux qu'il exerça sur le
territoire des naïbs qui refusaient de s’allier à lui, son activité merveilleuse, ne
purent empêcher Kasi d’être vaincu partout. Malgré la sauvage énergie qu'il déploya
dans cette campagne, toutes ses entreprises échouèrent. Les Ingouches et les
Ossèthes avaient livré aux Russes les passages centraux du Caucase. Impuissant à
se rendre maitre de Derbent et de Kizlar qui commandaient, dans le Daghestan
oriental, les bords de la mer Caspienne, il fut acculé par le général Villiaminoff
dans Ghimri, s’y défendit comme un lion, réussit à s’en échapper, mais tomba au
acré, à la tête
milieu des Russes du baron Rosen et, refusant de se rendre, fut ma
de ses compagnons dont la plupart périrent avec lui.
Pendant que le prophète était cerné, un de ses plus brillants disciples, le jeune
Chamyl, parvint à s’enfuir. Son évasion passa pour un miracle et l’entoura d’un
prestige sans égal. Il prit en main la direction de la guerre sainte et devint, en
Tchetchena et dans PAvarie, l'âme du mouvement insurrectionnel. Il parvint, en
1844, à tirer les Lesghiens de Papathie qu'ils avaient montrée lors des premières
entreprises. de Kasi-Moullah. Depuis 1836, il guerroyait contre les Russes, agran-
dissant son influence, vaincu le plus souvent, mais toujours confiant et agile,
réparant par son audace et sa célérité tous les échecs qu’il subissait.
INTRODUCTION 31
En 1843, Chamyl résolut de porter la lutte jusque dans les Kabardas. Mais là,
sa prédication n'eut qu'un médiocre succès. Depuis un demi-siècle les Kabardiens
avaient courbé la tête et il eût fallu autre chose que le fanatisme et la perspective
désespérante de dangers sans fin pour la leur faire relever.
Cependant, les tribus Adighès, contre l'attente des Russes, présentaient à leurs
armes une courageuse résistance. En vain les Cosaques, rompus depuis longtemps
à cette guerre d’escarmouches, mieux armés, avec plus d'expérience, poussèrent-ils
des reconnaissances jusqu'à Pchad et Soudjouk-Kaleh.
Fanatisés par les Murides, ces montagnards, Chapsoughs et Oubikhs, faisaient
échouer toutes les entreprises de leurs adversaires. Le premier de leurs chefs
Hadja-Moullah, le véritable successeur tcherkesse du cheik Mansour, s’unit
avec Chamyl au moment même où ce dernier cherchait en vain à soulever les
Kabardiens.
La lutte dura, sans interruption, jusqu'à la guerre d'Orient de 1855 et se
ermina par sa seule issue possible, la défaite des Caucasiens.
À Pouest, les Tcherkesses, mal soutenus, méprisant le gouvernement turk
presque autant qu'ils haïssaient les Slaves, durent mettre bas les armes, et, maleré
es espérances qu'avaient fait naitre en eux les promesses de l'Angleterre, ils furen
déportés, impitoyablement, au nombre de plus de trois cent mille.
À l’est, Chamyl, dont le prestige avait rapidement décru,abandonné par Danie
3ey, sultan d’Elissorie, son plus puissant auxiliaire, sentant se refroidir le zèle de
ses partisans, alla s’enfermer dans Gounib, où les Russes le cernèrent, et, lorsqu'il vi
que rien qne pouvait le sauver, entouré seulement de quatre cents compagnons, il se
remit à la magnanimité du prince Bariatinski, qui l’as
On l’envoya terminer en Russie sa brillante carrière, tandis que l’on mon-
trait à ses guerriers, Lesghiens et Tchetchènes, le chemin de l’exil.
Aujourd’hui, la lutte est finie; maiselle est encore trop près de nous pour que nous
puissions la juger avec toute l’impartialité désirable. Elle n’e du reste, qu’un
épisode, héroïque à la vérité, du combat que soutient l'Europe, bouillonnante et trop
32 INTRODUCTION
à l'étroit, contre l’Orient immuable et vieilli. Envisagés de cette hauteur, les crimes
odieux, les massacres inutiles, les déportations en masse et autres procédés de
« colonisation » se confondent et disparaissent. Ce sont des maux inséparables de
l’universelle concurrence vitale. Il appartient à la civilisation d’en atténuer les
effets, au sage d’en plaindre les victimes, à la postérité de peser les excès commis et
les bienfaits répandus.
Nous avons fait passer sous les yeux du lecteur, dans les quelques pages qui pré-
cèdent les traits généraux de la configuration, du peuplement, et de l'histoire du
Caucase. Nous avons vu que cette dernière ne commence en réalité qu’au premier
siècle avant notre ère etque, même à dater de cette époque, bien des faits, bien des
circonstances d'organisation intérieure sont encore plongés dans l'obscurité la plus
complète.
Il nous reste donc, et c’est la le but de ce livre, à esquisser la préhis-
toire de cette belle région. Nous prendrons l’homme à l’époque la plus reculée où
Von y signale sa présence. Nous suivrons ses progrès à travers les âges de la
pierre éclatée, taillée, polie, puis des métaux. Nous étudierons en détail tous les
es de ces diverses périodes, en notant avec soin les rapports qu'ils peuvent
présenter avec d’autres objets plus où moins synchroniques découverts dans des
contrées différentes ou employés actuellement dans les mêmes lieux.
Notre travail présentera, sans doute, quant aux temps les plus primitifs surtout,
de nombreuses lacunes. Si l’on songe que les travaux relatifs à l'anthropologie et
à l’archéologie du Caucase sont à peine commencés, on pourra s'étonner que nous
ayons cru devoir dès maintenant réunir en un tout les faits encore peu nombreux
recueillis dans cette région.
INTRODUCTION 33
Notre désir, en établissant cet ensemble, est d'indiquer l'importance et la diversité ‘
des problèmes qui s'imposent au naturaliste, au linguiste et à l’archéolooue à
mesure que progressent les études scientifiques dans la région du Caucase. On ne |
sait pas assez combien sont encore incomplètes nos connaissances anthropologiques à
sur cet isthme montagneux où tant de populations sont venues chercher asile. |
Aussi, nous croirions-nous suffisamment récompensés si cet ouvrage, en déroulan
aux yeux la perspective d’un champ de recherches si vaste, si varié d’aspect et
si plein de promesses réussissait, non seulement à stimuler l’activité des savants
voués déjà à l’ethnographie caucasienne, mais encore à susciter de nouveaux
investisateurs. L’attrait irrésistible de ce beau pays nous y rappellera probablement
plus d’une fois encore. Heureux de contribuer par nos recherches spéciales à la
connaissance de cette partie de l’Asie occidentale, nous ne négligerons aucune
occasion de poursuivre la tâche que nous nous sommes tracée.
Il n’est pas douteux que la grandeur de l’œuvre ne séduise également quelques
persévérants chercheurs et que, dans un avenir prochain, l’on ne parvienne à
répondre aux désiderata de la science.
L’archéologie préhistorique caucasienne est toute entière à créer. Les dépôts
tertiaires ainsi que les puissantes alluvions quaternaires ont été étudiés avec soin,
mais ils n’ont pas encore livré des vestiges de l’époque paléolithique.
Cette pénurie de documents va d’ailleurs s’atténuant à mesure que l’on approche
des temps actuels. Les découvertes relatives à la période néolithique offrent déjà
un caractère positif. Celles qui se rapportent aux métaux se multiplient même à tel
point que l’on doit se tenir en garde contre certaines confusions et passer tous les
objets de provenance caucasienne au crible d’une critique minutieuse et sévère.
Pour les époques plus rapprochées des temps modernes et auxquelles on a donné
le nom de protohistoriques, ce sont de vastes nécropoles qui fourniront des ren-
seignements capables souvent de nous guider dans nos recherches. On se trouve
déjà en présence d’un nombre relativement considérable de faits qui permettent
Gauc. I. 5
—__ A ds
34 INTRODUCTION
d’esquisser les principaux linéaments de la civilisation du Caucase depuis le premier
âge du fer jusqu'aux époques scytho-byzantine et persane.
Les documents historiques que nous fournit l'antiquité et quelques légendes
locales nous aideront alors à comprendre l’origine de ses peuples et à déterminer
leurs rapports avec les populations actuelles de cette vaste région.
Nous étudierons successivement aux divers points de vue anthropologiques les
populations anciennes et modernes du Caucase dans l’ordre chronologique suivant :
1° Périone PRÉHISTORIQUE — Age de la pierre et Age du bronze.
2° PÉRIODE PROTOHISTORIQUE — Premier Age du fer.
3 PÉRIODE MODERNE — ÉÆypoques scytho-byzantine et persane — Moyen
Age — Populations actuelles.
MISSIONS SCIENTIFIQUES DANS L'ASIE OCCIDENTALE
RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES
DANS
LE CAUCASE
ÉDÉRIC BAYERN
HR
PÉRIODE PRÉ
HISTORIQUE
EPOQUE PALÉOLITHIQUE
Sur quel point de la terre et à quelle époque ont apparu nos premiers ancêtres ?
À ces questions qui ont tenté si souvent
réponses ont été faites.
Les uns, imbus des traditions bibliques,
pentes méridionales du grand Caucase le
déjà la sagacité des penseurs, bien des
ont placé soit en Arménie, soit sur les
berceau primitif de Phumanité.
D’autres, comparant entre elles les légendes écrites de plusieurs peuples de l’an-
cienne Asie, ont reporté vers l'Est, au célè
Jersion des races supérieures. « Dans
Ï
èbre plateau de Pamir, ce centre de dis-
oute l'Asie, écrit M. Renan, le plateau
de Pamir est considéré comme le faîte, le dôme du monde (bami-dunia), le milieu
entre le ciel et la terre. Les plus grands f
quel il se rattache, et de vieilles traditions
bleues-vertes dans lesquels M. de Humbo
euves de l’Asie découlent du massif au-
y placent des peuples blonds à prunelles
dt voit des Ariens... Tout nous porte à
placer l’Eden des Sémites au point de sé
paration des eaux de l'Asie, à cet ombilic
38 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
du monde que toutes les races semblent montrer du doigt comme le point où se
rencontrent leurs plus anciens souvenirs... Les races mongoles rattachent aussi
leurs origines au Thian-Chan et à l’Altaï, et si les races finnoises semblent plutôt
désigner l’Oural, c’est sans doute parce que cette chaîne leur dérobe la vue d’un
plan de montagnes plus reculé. ! »
Il ne saurait être question, dans ces quelques lignes de lun des maîtres de la
philologie moderne, d’autres choses que des origines historiques. Le problème des
origines naturelles de l’homme reste donc tout entier jusqu'ici. Quelques natura-
listes l’ont résolu en faveur des régions tropicales ou même d’un continent submergé
aujourd'hui par l'Océan Indien.
Là seulement, se seraient trouvées réunies les conditions d’existence néces-
saires à nos ancêtres, incapables encore de se défendre contre les intempéries. C’est
dans les pays situés au sud de l’Inde que vivent encore une partie des êtres qui se
rapprochent le plus de nous par leur organisation...
Mais à ce raisonnement s'opposent des faits irrécusables démontrant que le climat
de l’Europe a été tropical durant la période tertiaire. Les transformations biologiques
sous l'influence desquelles se serait produit l’être hypothétique que l’on assure avoir
précédé l’homme ont done pu s'effectuer, à cette époque, aussi bien en Europe
qu'en Asie.
Les seules découvertes relatives à cette question ont été faites en France et en
Portugal. Mais en admettant que l’anfrropopithèque — c’est le nom appliqué à notre
ancêtre par M. Gabriel de Mortillet * — appartienne bien réellement à la faune
tertiaire, on pourra en rencontrer également des traces dans la partie de l’ancien
Ï 8
continent que nous étudions. En effet, certains dépôts lacustres de la Transcaucasie
renferment des flores et des faunes analogues à celles qui se sont développées dans
l'Europe tertiaire.
Si l'existence d’un être intermédiaire entre les singes anthropoïdes et l’homme est
confirmée quelque part, les faits qui auront permis d'établir cette hypothèse devront
1 Ernesr Renan. Origine du Langage, p. 228 et sq.
? GABRIEL D
Morniucer. Revue d'antropologie de Broca, 15 janvier 1879, p.117 — Le Précurseur de l'Homme,
dans Comptes rendus de l'Association française pour l'avancement des sciences. Lyon, 1873, p. 607. — [Je
Préhistorique. Bibliothèque des sciences contemporaines. In-89, Paris, Reinwald, 4882, 1'e édition, p. 114.
ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE 39
se reproduire sur un grand nombre de points comme cela est arrivé pour les preuves
scientifiques de l’existence d’un homme quaternaire si longtemps contestée.
Jusqu'à présent aucune découverte relative à cet important problème n’a été faite
dans cette contrée. Maintenant que l'attention est appelée sur ce sujet, on peut
supposer que les investigateurs qui s’y succèdent en grand nombre depuis quelque
temps parviendront à y découvrir des documents paléontologiques où même
archéologiques propres à éclairer cette grave question.
En ce qui concerne l’homme quaternaire, quelques recherches ont été entreprises.
Mais, n'ayant pas été méthodiquement conduites, elles n’ont donné encore aucun
résultat satisfaisant. Il ne faut point pourtant désespérer de trouver dans les
alluvions des rivières du Caucase ou dans ses grottes des vestiges paléolithiques
semblables à ceux que l’on a rencontrés dans d’autres pays.
Partout en Europe, en Afrique et en Amérique on a trouvé des spécimens de l’in-
dustrie de cette période pendant laquelle l’activité humaine s’est manifestée d’une
façon si remarquable.
I?Asie ne pouvait pas manquer d'en fournir des traces nombreuses : l'Inde
l'Arabie, la Syrie et l'Egypte ont donné, en effet, de ces outils en pierre grossiè-
rement taillés, caractéristiques de la civilisation la plus primitive.
Dans le but de faciliter les études de ceux qui viendront après moi, il m’a paru
utile de résumer en quelques pages l’état des connaissances acquises sur l’ori-
gine, le développement et la distribution des terrains quaternaires du Caucase.
L’isthme ponto-caspien qui, pendant la période tertiaire, avait été soumis à de
puissantes oscillations, n’a pris son relief actuel que vers le début de la période
quaternaire.
Il semble démontré, en effet, par les beaux travaux de MM. Abich‘ et Ernest
Favre”, que les grands cônes trachytiques constituant les cimes les plus élevées
de la chaîne ne datent que de cette époque.
1 ABicH. Prodrome de géologie du Caucase, Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, 1858.
? Favre. Recherches géologiques dans la partie centrale de la chaîne du Caucase. Genève, Georg, 1875.
40 RECHERCGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Toutefois, cette activité volcanique paraît en partie antérieure à la période gla-
ciaire, puisque les anciennes moraines renferment de nombreux blocs erratiques
d’andésite, roche dont sont formés en partie l’Elbrous et le Kazbek. Des érosions
ont permis de constater dans les vallées du Kouban, du Baksan, du Térek et
ailleurs, comme en Arménie, des superpositions montrant des alluvions et des
conglomérats soüs-jacents aux coulées trachytiques, lesquelles sont recouvertes sur
bien des points par des dépôts plus ou moins morainiques.
D’après M. Abich, un lac considérable aurait occupé la plaine du nord du Cau-
case dans larégion de Vladikavkaz, recouverte actuellement parles alluvions du
Térek et de ses affluents : l’Ardon, le Ghisel-don, le Génal-don, le Fiag-don, ete.
M.Abich croit ce lac contemporain de la grande extension des glaciers et des grandes
éruptions volcaniques. Ce savant géologue admet une lutte entre les éruptions et
les amas de glace de la chaine centrale. L’un des résultats de cette lutte aurait élé
de produire des débâcles considérables qui auraient transporté au loin les matériaux
morainiques.
Le transport des blocs erratiques que l’on voit dans la région de Nikolaïevsk peut
s’expliquer aussi, d’après le même auteur, par des glaces flottantes.
Aujourd’hui que lon a étudié et compris l’origine et la vie des glaciers, il n’est
i
ble d’accepter cette théorie. Au reste, comme le fait remarquer M. Favre,
les éruptions volcaniques même considérables ne produiraient, au milieu des glaces,
que des effets locaux et sans importance, témoin les alternances bien connues
de laves et de dépôts morainiques à l’Etna et ceux peut-être plus anciens que j’ai
pu observer entre Bayazid et Igdir, au pied ouest du mont Ararat.
M. Favre signale, de plus, l'existence d’un groupe de blocs erratiques de trachyte,
non loin de Smieiskaya, dans la gorge par où s’écoule le Térek. Or, pour qu'ils aient
été déposés sur ce point par le glacier, il fallait que la vallée füt déjà ouverte, ce
qui ne permettait pas aux eaux de constituer un lac. Il en résulte, ajoute M. Favre,
que la grande extension des glaciers est postérieure à l’existence de ce lac
ainsi qu'aux éruptions trachytiques, puisque les blocs de cette nature abondent dans
les moraines.
Il est donc hors de doute que la période quaternaire a été marquée au Caucase
comme dans les Alpes par une très grande extension des glaciers. M. Abich,
ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE at
puis M. E. Favre et d’autres géologues ont reconnu des traces nombreuses et
importantes de leur passage dans la plupart des vallées ponto-caspiennes.
L'étude de cette intéressante question, qui, pendant de longues années, a été pour
moi l’objet d’actives recherches dans le bassin du Rhône’, ne fut pas un des
moindres attraits de mes deux voyages au Caucase et en Arménie.
M. E. Favre a fait connaître les moraines des vallées du Baksan, du T' cheghem,
du Teherek, de l’Ardon et du Térek sur le versant nord, ainsi que celles du centre de
la chaîne et du versant méridional, où les glaciers ont eu une bien moins grande
importance *.
Au pied de l’Elbrouz et dans la haute vallée du Baksan, en amont d’Ourouspieff,
une très belle moraine montre bien la puissance de ce glacier quaternaire réduit
actuellement à des névés, encore considérables cependant, recouvrant les hauteurs
Vallée
Kazbek Da Lan Balta Viadikavkaz
Rem ) h
a î
Faro À
l
Gurs du
F1G. 1. — Coupe géologique suivant le cours du Térek
D'APRÈS M. ERNEST FAŸRE
a, alluvions et moraine:
— te, ter
minés. — j$,
ssique supérieur,
jt, terrain jurassique inférieur. —
ch, schistes cristallins. nit.
qui dominent cette vallée. Dans le bassin de l'Ardon, on observe le terrain erratique
Jusqu'à 2865 mètres, au col de Khodvtsek. Les vallées de Tsea, de Koban et quel-
ques autres, qui débouchent dans celle de l’Ardon, sont également remplies de
matériaux erratiques et le sol des superbes forêts qui couvrent la région repose
presque partout sur d'anciennes moraines. Le bassin du Térek est un des points du
Caucase où l'extension glaciaire a laissé les traces les plus remarquables. Ce qui
4 A. FaLsan CtE. CHANTRE. Monographie géologique des anciens glaciers de lu partie moyenne du bassin du
2
Rhône, 2 vol. in-8°, avec un atlas de G cartes.
2E. Favre. — Loc. cit., p. 101.
CAUC ue 6
EE
42 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
reste de glaciers sur les pentes du mont Kazbek et leur activité permet de conce-
voir ce que devaient être ceux de l’époque quaternaire. Dans la vallée de Devdorok,
les roches ont été moutonnées jusqu'à une grande hauteur, et j'ai rapporté de
cette localité de très beaux échantillons de roches polies et rayées. On rencontre,
sur la rive droite du Térek, de puissants amas de matériaux morainiques et dallu-
vions formant des terrasses à trois niveaux différents. La terrasse inférieure,
essentiellement composée aviers, atteint une épaisseur de près de 100 mètres.
Les blocs erratiques sont fort nombreux à la jonction des vallées de Devdorok
et du Térek; le plus remarquable, de nature granitique, git dans le lit du Térek,
près de la station de Lars et porte le nom de Pierre de Yermolov ; il mesure
5,655 mètres cubes. On trouve, à 200 mètres au-dessus de Lars, une moraine
renfermant, surtout des matériaux trachytiques venus du Kazhek. Quant aux stries,
on peut en observer jusqu'à 150 mètres au-dessus du fond de la vallée.
À mesure que l’on s'éloigne du défilé du Darial et que l’on se rapproche de la
S
plaine, les blocs erratiques diminuent en nombre et les moraines, disparaissant au
delà de Balta, sont remplacées par de puissants amas d’alluvions ou de moraines
remaniées qui s’étalent dans le bas bassin du Térek jusqu'à Vladikavkaz où les
locs erratiques sont fort nombreux; quelques-uns y atteignent encore 10 mètres
cubes.
Ces dépôts rappellent ceux que nous avons signalés en France sur le plateau
bressan et dans la plaine d’Ambérieu, en face du défilé de Saint-Rambert en
Bugey.
Sur le versant méridional, c’est en Svanie que les dépôts glaciaires présentent
e plus grand développement; mais les
gr
glaciers ne paraissent pas être descendus
©
bien bas de ce côté-là. Les vallées de lIngour et de la Tskenis-Tskali dont les
auteurs possèdent encore des glaciers, sont couvertes de matériaux erratiques
de nature surtout granitique.
D’après M. Favre, les glaciers de la Svanie ont été une fois plus considérables
qu'ils ne le sont aujourd’hui.
Les terrains tertiaires
dans lesquels le Ksan, la Lakhva, l’Aragva ét la Koura
1 A, Fazsan et E, CHanTRE, loc, cit., p. 201 et suiv.
ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE 13 l
ont creusé leur lit, sont recouverts partout, dans la partie supérieure du cours
de ces rivières, de dépôts quaternaires d’origine très probablement glaciaire. Il en
est de même de la vallée du Rion, avec ses terrasses d’alluvions, dépôts de sable et
de cailloux aux environs d’Oni et près du confluent de la Djodjora avec ce fleuve.
À Sakao se trouvent des blocs anguleux de roches cristallines provenant de la
chaîne centrale et dont la nature erratique ne laisse aucun doute ; plus bas, à Ghebi,
la moraine est superbe.
D’après les observations des géologues qui ont parcouru le Caucase, observations
que nous avons résumées dans les lignes qui précèdent, il est démontré que la distri-
bution des glaciers a été très inégale sur les deux versants de cette chaîne. Ils ont
oceupé sur le versant nord une surface beaucoup plus considérable que sur le ver-
sant sud. Ils descendent écalement plus bas au nord qu'au sud.
Les vallées du versant septentrional de la grande chaine ont dû en effet être
envahies par les glaciers dès l’aurore dela période quaternaire, alors que des volcans
multiples ébranlaient encore le sol, le recouvrant de matériaux ionés.
Ces phénomènes géologiques ne devaient pas plus permettre aux animaux qu'aux
populations primitives de s’établir dans ces régions qui, plus tard, sont devenues
le refuge de tant de peuples différents.
Cest donc dans les alluvions et dans les grottes des vallées de la partie méridio-
nale du Caucase que l’on devrait découvrir des vestiges paléontologiques et anthro-
pologiques de l’époque paléolithique, bien plutôt quedans celles de la chaîne centrale
et dans celles du nord.
Les quelques spécimens de la faune quaternaire que l’on possède au musée de
Tiflis, les seuls, je crois, qui aient été découverts au Caucase, proviennent pourtant
J 9 QI
presque tous des dépôts de transport du versant septentrional. Ce sont d’abord deux
molaires inférieures d'Æephas antiquus : Vune a été trouvée à Argo, en Daghestan,
l’autre à Nourskodji sur le Terek, puis trois molaires d’Ælephas primigenius : Vune
a été rapportée de Alkhan Jourkofki, en Daghestan, l’autre de Vedeno, également
en Daghestan, et la troisième d’Abkhazie, non loin de la Mer Noire.
Il convient d'ajouter à ces découvertes celles que signale M. Felitzine dans sa
carte, encore inédite, des stations archéologiques de la province du Kouban.
A4 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES, DANS LE CAUCASE
l’une a été faite près du rivage septentrional de la presqu'ile de Taman ; deux
autres sur la rivière Psekoups, affluent du Kouban, non loin de Saratovskaya ;
une dernière enfin sur le Kouban lui-même, au nord-est d’Armavir. Le même
document signale, de plus, entre Chapsough et Sadoyoï, une caverne à ossements
sur laquelle, du reste, nous ne possédons aucun autre renseignement.
Le versant méridional, au contraire, n’a fourni à la préhistoire du Caucase
aucun document bien sérieux. Une seule grotte, incomplètement fouillée il y a peu
de temps par un riche propriétaire de la région, le prince Mossa Chvili, a donné
quelques vestiges humains pouvant appartenir à l’époque paléolithique, c’est la
grotte de Rgani‘.
Cette localité est située en aval de Satchéri, à 5 kilomètres environ de la rive
droite de la Kvirila, sur un ruisseau qui baigne pour ainsi dire l'entrée de l’exca-
vation où les recherches ont été effectuées. Une forte dalle brute en fermait
l'ouverture, encombrée de stalagmites et d’éboulis. On pénètre dans cette grotte par
un couloir voûté conservant, sur une longueur de 12 mètres, la largeur moyenne
d'environ 0",72, puis élargi, s’infléchissant à droite et aboutissant à une première
salle d'environ 2 mètres de côté sur une hauteur de 3 à 4 mètres. En face du
couloir, la salle rétrécie, donne accès par une pente assez raide dans un second
compartiment un peu plus grand que le premier; c'est là qu’eut lieu la décou-
verte d’ossements non encore déterminés, mais parmi lesquels on a cru pouvoir:
affirmer la présence de l’Ursus spelæus.
D’après M. Bernatsky à qui l’on doit la connaissance de ce fait important, la
faune de cette grotte ne doit pas se borner à cette seule espèce. Une étude plus
complète des produits des premières fouilles, déjà fort considérables, permettra
sans doute d’y trouver des débris de la plupart des autres vertébrés qui accompa-
gnent ordinairement l’hôte des cavernes : hyène, cerf, renne, grand bœuf, rhino-
céros, éléphant, cheval, etc.
Il n’y à pas de raison, en effet, pour qu'une faune quaternaire analogue à celle
de toute l’Europe ne se soit pas développée dans la vallée de la Kvirila et même
dans tout le Caucase. Cette contrée a subiles mêmes vicissitudes climatériques que
1 Journal du Caucase du 14 novembre 1884.
ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE 45
celles qui se sont succédé en Occident, ainsi que le montre l'étude des terrains
tertiaires et quaternaires.
Aux débris d'animaux sauvages étaient associés, sans ordre, des ossements
humains appartenant à plusieurs individus d’âges différents. Presque tous ces
ossements aussi bien que ceux des ours et des autres espèces avaient été fendus et
avaient subi l’action du feu ; beaucoup portaient des traces de dents de carnassiers,
peut-être de hyènes.
Ces détails font songer à des repas de quelques tribus anthropophages, repus
dont les débris auraient servi plus tard de pâture à des hyènes ; mais à quelle
époque faut-il faire remonter ces traces de peuplades sauvages ?
Aucun outil en silex n’a été recueilli, les explorateurs s'étant attachés, presque
exclusivement, à la recherche des restes paléontologiques. L’exploration de la grotte
de Rgani, actuellement bouleversée, est donc à reprendre de fond en comble et au
plus tôt.
Cette grotte a été découver
e, il y a dix ans, par des chercheurs de manganèse
qui exploraient, à ce moment-là, les gorges de la Kvirila où, paraît-il, ce minéral
est assez abondant '. On n’avait pu y pénétrer tout d’abord, et, pendant près de
trois semaines, l’excavation était restée inabordable à cause des gaz délétères qui
l’emplissaient et éteignaient les lumières dès qu’on essayait d’en franchir l'entrée.
Cette circonstance avait singulièrement impressionné les paysans des environs,
mais la cupidité eut bientôt pris le dessus et l’air s’étant peu à peu renouvelé
dans la grotte, ils la visitèrent en foule, dans l’espoir bien naturel d'y rencontrer
des filons du précieux métal.
Les débris mis au jour par les premiers coups de pioche ne tardèrent pas à
rendre ces pauvres gens à leurs terreurs. Nul n’osa dès lors fouler ce sol défoncé
et pétri d’ossements. On abandonna les salles souterraines de Rgani aux lutins
qui les habitaient, disait-on, et comme l'Occident n’a pas la spécialité des reliques,
des charlatans et des superstitions, il se trouva dans la vallée de la Kvirila des
4 « Sur la rive droile de la Kvirila, les calcaires sont puissants; ils alternent avec des sables et des argiles et
l'on trouve au milieu d'eux un dépôt de manganèse terreux... Le minerai de manganèse est en masses irré
loc. cit., p. 13). Ce dépôt avait été étud
(Mélanges physiques et chimiques. Académie de Saint-Pétershourg, 1858, t. III, p. 32
gulières,
en rognons et en grains fins » (Ernest F galement par M. Abich
46 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Imères moins crédules qui exploitèrent le plancher de la grotte et vendirent comme
ommerce, signalé dès novembre 1883
une panacée les os qu'ils en tiraient. Ce
par M. Bernatsky, menace d’épuiser complètement cet abri, si ce n’est déjà fait,
et de priver la science des fruits les plus impoïtants de la seule trouvaille faite
ance, attribuer avec quelque
dans le Caucase que l’on puisse. à ma connais
certitude à l’époque quaternaire.
Si ces découvertes ne présentent au point de vue paléoethnologique qu'un
intérêt médiocre, elles montrent du moins qu’il est possible de rencontrer au Caucase
des grottes habitées pendant les temps quaternaires et elles prouvent aussi existence
dans ces montagnes d’une partie de la faune de cette époque. Mais il y a loin de cette
hypothèse que quelques trouvailles à peine aperçues viennent revêtir d’un certain
air de vraisemblance, aux affirmations de certains auteurs basées sur le dire de
Strabon!. Ceux-ci parlent des Troglodytes du Caucase comme d’un fait en contra-
diction avec la haute antiquité de la civilisation caractéristique en Europe de la fin
des temps quaternaires. Nous consacrerons aux cavernes de Pisthme ponto-caspien
un prochain chapitre de cet ouvrage.
Il ne nous semble pas que l’on puisse établir un parallèle, quel qu'il soit, entre ces
arottes creusées de main d’homme pour la plupart, et nos abris naturels de l’Aqui-
taine et des Pyrénées, si féconds en découvertes, et dont les habitants magdalé-
niens nous sont relativement si connus, nous dirions presque si familiers. Les
grottes caucasiennes ont élé occupées de tous temps, n’ont pas été fouillées et
n’ont fourni, par conséquent, aucun vestige de leurs hôtes passés.
506, 769 et 776.
de Strabon est corroboré, du reste, pourraient-ils ajouter, par une légende géorgienne que
1 STRABON, pages 225
Le témoignag:
rapporte Dubois de Montpéreux *. D'après cette lézende, les Géorgiens auraient habité des grottes jusqu’au
vue siècle avant Jésus-Christ, époque d'une grande invasion des peuplades seythiques. C'est ve
ce temps qu'un
gouverneur persan du nom d'Ardam leur aurait enseigné l’art de construire une muraille en pierre et en chaux.
+ pusois pe Monrréreux, loc. eit., t. II, p. 23.
Les v
ment,
en trè
iges de la civi
ne pouvaient pas
s grande abondance
départ de l’idée de cons
lithiques. D’autre part, si l’on regarde l'Asie méridi
cette civilisation dont le
de l'E
ont
et sans doute aussi cthnologique.
Une partie des animaux domestiques apparus en
néolit
du Caucase et de l'Arménie, il est peut-être logique c
urope, il est nature
ù participer tout «
hique étant considérés par beaucoup de paléoe
, puisque l’on a voulu placer,
Il
ÉPOQUE NÉOLITHIQ
isation néolithique, répandus
faire défaut au Caucase. Ils €
ruire des habitations sur pi
développement est si remarc
de penser que les contrées si
‘abord aux bienfaits de cet
male comme
UE
en quelque sorte universelle-
evaient même s’y rencontrer
dans cette région le point de
otis et des tombeaux méga-
le berceau de
uable dans le nord et l’ouest
tuées entre l’Inde et l’Europe
e expansion ethnographique
Occident avec la civilisation
hnologues comme originaires
8 g
’admettre que les populations
qui, les premières, se sont adonnées à la domestication devaient avoir une vitalité
cons
érable et jouir d’un état de civilisation relativement déjà très avancé.
Jusqu'à ce jour, le nombre des découvertes pouvant confirmer cette manière de
48 RECHERGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
voir n’esk pas encore très grand; la plupart ne sont dues qu’au hasard, car les
recherches méthodiques ont été presque nulles.
On connaît actuellement une petite série d’objets trouvés isolément; quelques
groupes de monuments mégalithiques, dolmens et pierres à lévendes ; puis des
traces de pilotis sur les lacs où la tradition semble indiquer des palafittes.
OBJETS TROUVÉS ISOLÉMENT
Ce sont, comme dans toutes les régions où la civilisation néolithique s’est déve-
loppée, des haches, des marteaux en pierres dures, polies et de natures diverses,
plus ou moins étrangères à la localité, puis des lames, couteaux, grattoirs en silex
ou en obsidienne et enfin, des pointes de flèches faites des mêmes roches.
COUTEAUX, GRATTOIRS ET POINTES DE FLÈGHES. — Une série nombreuse d’éclats, de
grattoirs et de lames en obsidienne a été trouvée entre
Elenovka et Ordaklia (pl. II, n° 1 à 4).
Plusieurs pointes de flèches en obsidienne et en os con-
servées au Musée caucasien de Tiflis proviennent des
fouilles de M. Bayern dans la nécropole de Samthavro,
où elles étaient associées à un marteau en bois de cerf
(pl: I, n® 6 et 7).
Deux autres superbes pointes de flèches en obsidienne ont
F1G.2. — GR. NaT.
Hbc cn oo ttonne été recueillies dans les tombeaux de Redkine-Lager près
Redkine- er. (Arménie)
coli. Weyssenotfämirlis. Delijan, en Arménie ; elles font partie de la collection de
M.le colonel Weyssenoff à Tiflis (LI, n°3 et 5, et fig. 2).
On voit dans le Musée caucasien quelques lames et une flèche en silex découvertes
dans les environs de Koutaïs en Mingrélie et à Sadji (Trialètes) (pl. I, n° 2et 4).
Citons encore plusieurs flèches en silex de la station Petrassowska, non loin de
Zelentchouk et conservées dans la collection de M. Bernchtam.
Puis une lame en silex blanc recueillie dans l’aoul de Galiate, district du Terek ;
elle fait partie de la collection de M. le comte Ouvaroff.
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 19
1 faut remarquer enfin deux splendides couteaux en silex, longs de 0,15 environ
provenant du rivage oriental de la mer Caspienne et conservés au Musée de l’Aca-
démie de Saint-Pétershoure
Hacues £r Marreaux. — Les haches, instruments si communs partout, n’ont
été recueillies qu’en très petit nombre au Caucase; elles n’ont sans doute pas encore
attiré l'attention.
F1@. 3. — 1/2 GR. NAT. F1G. 4. — 1/3 GR. NAT. . — 1/3 GR. NAT.
Marteau en basalte. Mozdok. Marteau en diorite. Barakoff. en diorite. Bohème.
Coll. Olchewski, à Vladikavkaz. Muséum de Lyon.
Citons cependant un exemplaire provenant de Rianzanzk, dansle gouvernement
du Kouban. Il m'a été affirmé à Tiflis qu'il existe dans plusieurs collections des
haches découvertes dans la vallée du Térek, mais jen’en ai vu aucune.
Les marteaux sont plus fréquents; M. Olchewski en possède deux de la
Ciscaucasie. L'un d’eux, en basalte, a été trouvé près de Mozdok, dans le gou-
vernement de Stavropol (pl. T, n° 13 et fig. 3). Un autre en diorite verte provient de
Barakoff, sur la rive droite du Terek, dans la petite Kabarda (pl. I, n° 8 et fig. 4).On
voit au Musée de Tiflis un marteau en diorite grisâtre découvert à Ouroup sur
(e]
Kouban.
D’autres pièces du même genre, mais non percées d’un trou comme le
À
précédentes sont conservées dans les Musées de Tiflis et de l’Académie €
©
Saint-Pétersbourg ainsi que dans plusieurs collections particulières, telles que cel
de M. Virouboff, ete.
CGauc. I.
œ
=
50 RECHERCGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Ces marteaux, faits pour la plupart de galets de roches dures rappellent ceux des
anciennes mines de cuivre de l'Espagne ainsi que ceux des Caraïbes et d’autres peu-
ples américains, c’est-à-dire que, vers la partie opposée au tranchant, se trouve une
rainure cireulaire permettant de les fixer à un manche (fig. 6 et 7).
Le plus grand nombre de ces marteaux, dont la dimension varie entre 0,10
et 0n,20 de longueur sur 02,05 à 0,10 de largeur, proviennent des mines de sel
gemme de Koulpe, sur l’Araxe, en Arménie, exploitées depuis la plus haute antiquité.
F1G. 6. — 1/4 GR. NAT. Marteau en diorite FiG. 7. — 1/4 Gr. nat. Marteau en diori
>s de sel de Koulpe. Amérique du Nord.
Musée archéologique de Tiflis. Muséum des sciences naturelles de Lyon
D'autres ont été recueillis dans le district de Nakhitchevan, souvernement
d'Érivan, en Arménie. Presque tous ces marteaux sont en diorite ; sur vingt et
quelques spécimens que je connais, douze sont en diorite, six en porphyre vert, et
deux en basalte.
L'aspect grisâtre et orenu de la plupart de ces marteaux à fait dire par erreur
qu'ils sont en grès; en les étudiant de plus près on reconnaît bien vite la nature
réelle de ces roches, dont la surface est altérée par l’action des agents atmosphé-
riques.
M. Ernest Favre a rapporté de Nakhitchevan une hache-marteau non trouée,
en porphyre vert, d’une forme assez spéciale rappelant certaines haches plates en
bronze (pl. II, n° 9 et 10)1,
1 Ernest Favre. Recher
es géologiques duns la partie centrale de la chaine du Caucase, p. 108 et 109, fig, 32.
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 51
Je dois enfin à l’obligeance de M. l'ingénieur Léger la connaissance d’une collec-
tion de haches et de marteaux en diorite découverts à Bakmont dans les anciennes
mines de cuivre de Krinovski-Outara, bassin du Donetz.
Il est intéressant de remarquer que la plupart des haches-marteaux du Caucase
se rapprochent quant à leur forme de ceux de l’Europe centrale.
MONUMENTS MÉGALITHIQUES
Dozuexs. — L'existence au Caucase de nombreux dolmens avait été signalée il y
a fort longtemps, mais ce n’est que depuis quelques années que Pon a commencé à
les étudier. Je n’ai pas eu l’occasion, durant mes deux voyages au Caucase, de
voir moi-même des dolmens, je n’en parlerai donc que d’après les auteurs qui les
ont fait connaître.
IIS furent indiqués tout d’abord par Taitbout de Marigny dans son Voyage au
pays des Tcherkesses *, en 1818, comme fréquents dans la vallée de la Pchada, en
Abkhazie, où il a fouillé l’un d’eux.
Bell les observa également vers 1830 et dessina un de ces monuments”; mais il
n’en donna aucune description.
Trois ans après, Dubois de Montpéreux visitait les dolmens de la haute vallée de
V’Atakhoum, qu'il décrivit, dans son Voyage autour du Caucase, sous le nom de
Pierres levées
Plus tard, en 1865 et en 1870, durant ses voyages géologiques, Bayern“ ren-
contra des dolmens près de la stanitza de Beregovoï, étudia de nouveau ceux de la
Pchada, et en signala un autre groupe dans le pays des Chapsoughs, sur le Kouban.
À cette époque il en avait noté 36, mais depuis on en à trouvé un bien plus
orand nombre.
1 Édition Klaproth, p. 343.
2 Journal d'une résidence en Circussie de 1837 à 1839, p. 146. Paris, 1841.
Loc. cit., t, 1, p. 43.
i Annuaire statistique du Caucase, 1872.
|
|
|
D? RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Tout récemment, enfin, M. Felitzine, d'Ekaterinodar, a fait connaître une série
importante de dolmens, située près de la stanitza Bagovsk, dans le district du
Kouban et l’arrondissement de Maïkop'. Sa carte des stations archéologiques de
la province du Kouban comprend, en outre, un certain nombre de localités à
dolmens appartenant également au bassin du fleuve circassien. Cest donc seule-
ment dans l’ouest de la chaîne que lon a signalé jusqu'à ce jour des monuments
mégalithiques proprement dits dans la région caucasienne.
Ils constituent deux groupes principaux : celui de la mer Noire et celui du
Kouban.
F16.8. — Dolmen de la vallée de la Pchada
D'APRÈS BAYERN
Dans le groupe de la mer Noire se trouve le dolmen de Pchad signalé par T'aitbout
de Marigny; il était composé de quatre grandes dalles rectangulaires recouvertes par
une autre plus grande. L’une des dalles latérales était percée d’un trou de la
grosseur de la tête d’un homme, à un pied du sol environ.
Les fouilles qu'y fit opérer cet explorateur donnèrent peu de résultats. On décou-
vrit à deux pieds de profondeur une longue et forte épée placée en croix avec le fer
d’une pique; plus profondément en terre, on rencontra un vase renversé contenant
1 Compte reïdu des travaux de l'Exposition et du Congrès d'anth ropologie de Moscou, 1879, t. III, p. 26.
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 53
des cendres, des boutons de cuivre et quelques autres objets en partie décomposés
et indéterminables.
Les dolmens que Bayern a étudiés sont situés entre Gelendjik et Pchad, sur les
hauteurs boisées qui dominent la rivière Tzoutzouk ; puis entre Pchad et Djouba
dard
Fig. 0, — Dolmen de la vallée de la Pchada.
D'APRÈS BAYERN
(fig. 8 et 9). Sur ce point, il en indique quatre, y compris celui que Taitbout et Bell
ont signalé.
Un dolmen situé dans la gorge de la Djouba a particulièrement attiré l’attention de
F1G.40, — Dolmen de la gorge de la Djouba.
D'APRÈS BAYERN
Bayern par ses dimensions considérables; il couvre une superficie de dix mètres
carrés. Ce monument paraissait être double et était recouvert d’une immense pierre
dépassant de beaucoup les dalles formant les parois latérales du tombeau (fig. 10).
Il servait jadis de poste d'observation aux Tcherkesses Chapsoughs.
54 RECHERCGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
D’après la plupart des observateurs, ces dolmens, bien que n'ayant fourni aucun
objet archéologique pouvant donner des notions sérieuses sur l’époque de leur
construction, doivent remonter à l’âge de la pierre. On se base, pour les dater,
sur leur ressemblance avec ceux du nord et de l’ouest de l’Europe ainsi qu'avec
ceux de l’Inde; mais la date de ces derniers est encore discutable.
On doit remarquer que ces dolmens se rencontrent dans les gorges nord-ouest du
Caucase, où se trouvent des matériaux propres, par leur nature, à de semblables
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Distribution géographique des dolmens de la partie N.-0. du Caucase.
D'APRÈS DUBOIS DE MONTPÉREUX, BAYERN ET PELITZINE
constructions. Ces matériaux appartiennent en partie aux formations inférieures du
crétacé et au flich.
Le groupe du Kouban, beaucoup plus considérable que le précédent, a été
aussi beaucoup plus étudié. On peut en diviser les mégalithes en quatre séries prin-
cipales.
La première se compose des dolmens signalés par Dubois de Montpéreux sur
les bords de l’Atakhoum, non loin du fort de Saint-Nicolas (fig. 11 et 12), auxquels
il convient d'ajouter le petit eroupe de Vladimirska, un peu plus à Pouest.
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 55
La seconde s'étend entre les rivières Abin et Khable, aux environs de Chapsougs-
kaya et d'Erivanskaya.
La troisième a pour centres Dakhovsk, au confluent de la rivière Dako et de la
Fi. 11 et 12. — Dolmen de Saint Nicolas, sur l’Atakhoum
D'APRÈS DUROIS DE MONTPÉREUX
Belaya, afluent du Kouban, et Tzarskaya, sur le Fars, Les dolmens de cette série
s'étendent autour de ces deux localités et le long de la Belaya jusqu'en aval d’Abad-
zèkhzkaya, au nord, et jusqu’à Khamitchki, au sud (fig. 13, 14, 17, 18 et 19).
.— Dolmens de la Belaya, près Dakhovsk.
D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DE FERITZINE
Enfin, la quatrième série est disséminée autour de la stanitza Bagovsk, au con-
fluent du Khodz, tributaire de la Laba, et de la rivière Gourmaï. Ces dolmens ayant
été l’objet d’une étude très détaillée de la part de M. Felitzine, et pouvant être consi-
dérés comme types de ceux que l’on rencontre dans le groupe du Kouban, nous
14 56 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
| nous étendrons un peu plus sur leur description que sur celle des séries précé-
dentes, d’ailleurs semblables à peu de chose près quant à la forme des monuments
et aux légendes qui s’y rattachent.
| Ces monuments sont généralement placés par groupes, mais beaucoup sont
isolés. On les voit le plus souvent sur des pentes déboisées et près des précipices,
| quelquefois aussi dans les clairières des forêts.
| On compte dans la région de Bagovsk vingt-neuf dolmens, mais ce nombre doit
| être plus considérable, car beaucoup se trouvent sur des points actuellement diffi-
LL clement accessibles et la plupart n’ont été découverts que par hasard, le pays
n'ayant ni routes, ni sentiers.
Ces dolmens peuvent être divisés en trois groupes; le premier, composé de douze,
est situé sur le versant de la montagne de Lubikoy ; le second groupe, composé
| de onze, occupe le plateau de Zatzepine et le troisième, formé de trois seulement,
és, on les rencontre sur le
surmonte le plateau de PAoul. Quant aux dolmens isole
plateau de Gourmaïsk, sur la montagne près de la prairie de Mitchine et enfin
dans la forêt, à droite du chemin du cimetière.
Fi. 14, — Dolmen de Dakhovsk.
PRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DE FELITZIN
La plupart de ces constructions sont élevées sur des tortres et plus ou moins
recouvertes de terre; beaucoup sont à deux pieds de la surface du terrain.
Le sol des dolmens est généralement dallé, et lorsque le dallage est fait de plu-
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE
57
sieurs pierres, celles-ci sont jointes avec soin, à la facon d’un carrelage où d’un
pavage. Ë
Le plus grand nombre de ces monuments affectent la forme quadrangulaire et
constituent une véritable caisse recouverte d’une ou de plusieurs pierres dépassant
ordinairement les montants ou parois verticales, de manière à rappeler une
toiture. :
M. Felitzine fait remarquer que les côtés internes de chacune des pierres consti-
tuant ces tombeaux sont parfois retouchés avec soin. Quant aux matériaux em-
ployés pour leur construction, ils proviennent des gorges voisines et appartiennent
à des schistes cristallins ou à des dolomies.
L'ouverture de ces dolmens se trouve généralement au sud, orientation qui fait
songer à l’existence d’un culte spécial chez les populations qui les ont érigés. Sou-
vent la dalle qui fermait la caisse était percée un peu au-dessous de son centre d’un
trou rond ou ovale comme ceux de l’Abkhazie et de l’Inde ainsi que quelques-uns
de nos dolmens français (fe. 15).
Dolmen de Trye-le-Ghâteau (Oise).
D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE D'ADRIENDE MORTILLET,
Sur les vingt-neuf dolmens signalés à Bagovsk, sept seulement sont encore dans
leur état primitif; les autres sont en partie ruinés ou manquent de quelques-unes
de leurs dalles. On attribue cette destruction aux Cosaques du pays; il est juste
pourtant de reconnaître que le temps y est pour beaucoup. À Bagovsk, comme
en Bretagne et dans le sud de la France, les dolmens sont devenus des abris
pour les bergers, et ceux-ci se gardent bien de les détériorer. Au reste, les mon-
Cave. I.
k
58 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
tagnards de tous les pays gardent un certain respect pour ces antiques constructions
auxquelles sont attachées des légendes parfois intéressantes,
Pourles Bagovski, ces monuments, qu’ils considèrent comme très anciens, seraient
F1G. 16, — Dolmen de Dakhovsk.
D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DE FELITZINE
les demeures d’un peuple de nains qui habitaient jadis la région, et l’œuvre d’un
peuple de géants, leurs voisins qui, par pitié pour leur faiblesse, leur auraient élevé
Fic.17.— Ruines du grand dolmen, près Dakhovsk.
D'APRÈS UNE PNOTOGRAPHIE DE FELITZINE
ces solides abris. Le trou percé dans l’une des dalles était l’entrée de l’habitation.
D’après cette légende, ces géants étaient doués d’une force si grande qu'ils avaient
pu transporter sur l'épaule chacune des pierres constituant ces édifice
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 59
Dubois rapporte la même légende, ainsi que Pallas, à propos des dolmens de
la Crimée et de l'Atakhoum.
De même que dans toutes les régions où l’on rencontre de semblables construc-
tions, ce sont bien des tombeaux que l’on voit à Bagovsk et à Pchad. Ce ne sont
pas plus des monuments de sacrifice que des maisons de nains ou des tombes de
géants.
M. Felitzine a pratiqué des fouilles dans plusieurs de ces dolmens et ce n’est que
dans deux seulement qu'il a trouvé des débris de sépulture. Depuis fort longtemps
les autres avaient été vidés, soit pour agrandir l'abri que l’on a voulu s’y créer,
soit par des chercheurs de trésors qui existent au Caucase comme dans les autres
contrées.
Dans l’un de ces dolmens, ruiné du reste, M. Felitzine a trouvé enfouis dans la
do Î
2 Pre UNS
li AN 1
F1G. 18. Dolmen des Tzarskaya.
D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DE FELITZINE
terre divers fragments de squelette humain; dans un autre, également ruiné, il a
recueilli trois crânes dont un seul était entier; l’un appartenait à un vieillard,
Vautre à un jeune homme de 18 à 20 ans. Aux ossements de ces individus se
trouvaient mêlés deux perles en terre en forme de demi-sphères irrégulières percées
d’un trou (fusaïoles), une autre perle, sans doute de verre bleu, et un vase en
terre brisé.
60 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Ce vase a 0,16 centimètres de hauteur sur 0",31 de circonférence et 0,10 de
diamètre. Sa forme est cylindrique à la base et sur les côtés; à la place des anses
sont gravées deux lignes parallèles.
La terre dont le vase est fait paraît être la même que celle des perles et cela
semblerait démontrer leur contemporanéité. Quant au grain de verre, on n’est
pas bien certain qu'il appartienne à la même époque que les autres pièces, qui
doivent dater de la construction du tombeau. La position des crânes et des autres
osseménts fait supposer que les corps étaient placés assis les uns à côté des autres.
C'était donc, d’après M. Felitzme, un tombeau de famille.
Lè crâne entier est brachycéphale, comme la plupart des crànes néolithiques, et
es os en sont très épais.
Ces caractères anatomiques, quoique constatés sur une seule pièce, entraînent
M. Felitzine à rattacher ces tombeaux à lépoque de la pierre polie, époque à
aquelle remonte l’origine de la plupart des dolmens dans tous les pays. M. Felitzine
pense aussi que les objets trouvés avec ces ossements humains sont néolithiques,
et, par conséquent, il se croit autorisé à rapporter les dolmens de Bagovsk à cette
période préhistorique, la plus ancienne dont on ait retrouvé des vestiges au
Caucase.
Les résultats des fouilles entreprises jusqu’à ce jour dans ces dolmens ne permet-
ent pas assurément de rien affirmer de définitif à cet égard. Le nombre des monu-
ments mégalithiques inexplorés est encore considérable soit au nord, soit au sud du
Caucase et je ne doute pas que des fouilles méthodiques nousimettent prochainement
en mesure d’avoir une opinion solidement établie sur l’âge et l’origine de ces
curieux tombeaux.
Les dolmens du Caucase doivent appartenir au même peuple et à la même
époque que ceux de la Crimée, leurs voisins. En effet, les régions des dolmens du
Caucase (Kouban et Abkhazie) sont celles qui sont les plus rapprochées de la
Crimée méridionale, où l’on en connaît un certain nombre depuis Pallas ‘ et Dubois
de Montpéreux ?. Les trois groupes les plus importants sont ceux du littoral, à
Gaspra et à Alouchta, puis celui de la belle vallée de Baydar.
1 PaLLas, Voyage dans les gouvernements méridionaux de la Russie t. I, p. 345.
? Dusoi pe MonrPéReux, Voyage autour du Caucase, t. IV, p. 3283 t. V, p. 46, 321 ; t. VI, p. 73.
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 61
Ce dernier, le plus considérable, à été étudié par M. Filimonoff en 1878 ‘ au
nom de la Société d’Anthropologie de Moscou.
Fi: 49. — Dolmen de Kosseir (Syrie).
D'APRÈS UN GHOQUIS DE L'AUTEUR
Ainsi que j'ai pu m'en convaincre en 1879*, ces dolmens présentent les plus
grands rapports avec .ceux des régions classiques, Inde, Syrie (fig. 19), Palestine,
.R0.— Dolmen de Fontanaccia (Corse).
D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE D'ANRIEN DE MORTILLET
Algérie, Corse (fig. 20), Espagne, Portugal, France, Angleterre et Scandinavie ;
d'autre part, leur forme et leurs dimensions concordent avec la description que
M. Felitzine et les autres auteurs ont donnée de ceux du Caucase.
1 Compte rendu de l'Exposition de Moscou, en 1879, &, III, p
2 Recherches anthropologiques dans la Russie méridionale
62 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Comme eux, ils sont toujours construits avec de grosses dalles brutes; le fond est
également pavé et la pierre qui forme le plafond dépasse toujours les dalles laté-
rales. La plupart ont été recouverts de terre et émergent actuellement à 0",50
du sol comme à Bagovsk; il en est cependant, comme celui de Gaspra, qui sont
entièrement hors de terre (fig. 21).
Souvent ces dolmens sont entourés d’un cercle de pierres ou cromlech, circons-
tance qui les distingue de ceux du Caucase, région où ces cercles n’ont pas été
signalés.
Skele, dans la vallée
M. Filimonoff a observé près d’un groupe de dolmens à
de Baydar, des monolithes dressés, sans doute des menhirs.
Les dolmens fouillés par le savant russe ont donné presque tous des ossements
humains; deux cependant, complètement ruinés, n’en ont fourni aucun. On n’a
pu recueillir aucun crâne complet.
Quant au mobilier funéraire, il comprend des pointes de flèches, des anneaux et
des perles de bronze, puis des perles en verre bleu, des canines de sanglier et
des morceaux de corail percés. M. Kilimonoff signale encore quelques fragments
d'objets en fer indéterminés et croit devoir rapporter ces monuments au premier
âge du fer.
De même que pour les dolmens du Caucase, je ne suis pas en mesure de contre-
dire cette manière de voir, n'ayant pas pu faire de fouilles dans - ces tombeaux.
Mais il me semble que cette conclusion ne saurait être définitive. Sans vouloir pré-
juger des soins qui ont été apportés aux recherches faites jusqu'ici, je crois que de
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 63
nouvelles investigations prouveront qu'ils remontent à l’âge de la pierre et non
à l’âge du fer, époque à laquelle on a pu les utiliser de nouveau.
On a, en France, de nombreux exemples de fouilles, quelquefois superficielles,
qui après n’avoir donné que quelques objets relativement modernes ont été reprises
et ont fait découvrir des mobiliers funéraires néolithiques qui avaient passé
inaperçus.
De l’étude des dolmens du Caucase, comme de celle de la plupart des autres
groupes de ces monuments connus en Europe, en Afrique et en Asie, il ressort ce
fait important : c’est qu'ils présentent tous de telles ressemblances que l’on peut
logiquement leur attribuer une même origine.
Les opinions les plus diverses ont été émises au sujet du point de départ de cette
architecture funéraire spéciale.
L'idée d'élever aux morts une demeure n’a pu prendre naissance, a-t-on dit,
que chez un peuple qui croyait à la continuité de l’existence après la mort. Mais
rien jusque-là n’indique quel est ce peuple.
Suivant quelques archéologues, le problème serait en partie résolu. Le dolmen,
la demeure des morts, aurait été élevée dans le principe sur le modèle de la
demeure des vivants et on trouverait ce modèle chez certaines peuplades troglo-
dytiques du Caucase ainsi que chez certaines populations du Groënland et de la
Laponie norvégienne.
La théorie qui fait venir les dolmens des contrées hyperboréennes, vers laquelle
e savant Suédois Sven Nilsson ! avait été entraîné par ses études d’ethnographie
comparée n’est pas plus soutenable actuellement que celle qui place leur origine au
Caucase. Aucun dolmen n’a été découvert dans les régions de l’extrême nord où
‘on voudrait voir leur point de départ et dans les parties du Caucase où l’on a
observé des dolmens, il y a peu ou point de grottes.
Au reste, la théorie caucasienne, proposée par M. Howorth?, n’est basée sur
aucune observation et les faits qu’il a cités à l’appui ne présentent pas les éléments
d'une dise
sion scientifique.
1 Nirsson. Les habitants primitifs de la Scandinavie, taduit du suédois. Paris, Reinwald, 1868, p. 176.
? Congrès de Stockholm, 1874. Compte rendu, p. 210.
GA RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Nous aurions plus de raison d’assioner aux dolmens une origine occidentale.
En Portugal, en France et ailleurs en Europe, il ne manque pas de grottes
naturelles qui ont servi de demeure aux morts après avoir servi d'habitation aux
vivants. Pourquoi les populations néolithiques de ces contrées, sous l'influence
d'un. développement physique et intellectuel déjà considérable, n’auraient-elles
pas eu cette pensée d’élever des tombeaux néolithiques où de creuser des grottes
rappelant les excavations naturelles devenues insuffisantes pour y déposer leurs
morts ?
FiG. 22. — Dolmen de Rajun Kolbory (Deccan)
OË. MEADOUS TAYLOR.
Cependant, si l’on s’en tient à cette thèse d’après laquelle l'idée primitive de la
construction des dolmens et surtout la présence de l’ouverture latérale dénotent
un certain état de religiosité, nous serons portés à jeter encore nos regards vers
l'Orient plutôt que vers le Nord ou Occident.
De l'Inde, en effet, où sont nées les plus importantes religions de l'antiquité a
pu partir également le culte des morts, une des plus importantes man'festations
religieuses qui aient résisté aux vicissitudes de l’évolution des sociétés humaines. Ce
culte nous aurait été apporté en Europe avec tout un cortège d’usages et de mœurs
inconnus de nos ancêtres paléolithiques. Il convient d’ajouter que l’Inde renferme
le groupe le plus oriental des dolmens et que la plupart des monuments de ce
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 65
groupe sont percés d’un trou rond à l’une de leurs dalles. Les efforts des
paléoethnologues devront done à l’avenir se tourner dans cette direction.
PIERRES À LÉGENDES. — A la suite des dolmens, constructions dont le but est bien
défini et dont l’âge est probable, il convient de décrire quelques pierres à légendes
garnies parfois de ces cupules que l’on a appelées écwelles.
D’après Bayern et le général Komaroff, on peut citer l'existence de plusieurs
pierres de ce genre dans une dizaine de localités; nous parlerons des plus connues.
Non loin du défilé du Darial entre Lars et Balta et près du fortin de Djerakhousk
et de Tchmi, existe la pierre PAeaphdour ou pierre des bergers.
Près de la grande route de Géorgie, à six verstes de Mtzkhet du côté de Tiflis,
on connaît la pierre de Devis-Napekhowr ou pierre du Diable,
Sur la rivière Tcherde, affluent du Kouban, on signale un bloc assez volumineux
qui passe pour avoir l'empreinte des pieds du cheval de Soseirouka, personnage
lésendaire des Ossèthes.
On en cite une autre moins importante près de l’aoul Tcheghem, sur la rivière
e ce nom, affluent du Baksan.
Une pierre du nom de Zchoban-Dobun-Dach, c’est-à-dire pierre jetée par
; d E
es pasteurs de moutons, se trouve dans la gorge Boumsk, plus haut que l’aoul de
Boum.
On cite enfin, près de Derbent, la pierre dite Duldule-Ati, c’est-à-dire la pierre
d'Al.
La plupart de ces pierres sont des blocs erratiques dont la position ou la forme
plus où moins étrange ont attiré l’attention des habitants de ces régions sauvages,
ès la plus haute antiquité.
Il est curieux de trouver au Caucase les mêmes légendes que les habitants
de la Suisse, du Jura, de la Savoie et du Dauphiné racontent au sujet des méga-
lithes de leur pays.
CAIACARIR 9
66 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
GROTTES ET SOUTERRAINS
Dubois de Montpéreux et Bayern, durant leurs nombreuses pérégrinations dans
le Caucase, ont signalé une quantité considérable de grottes naturelles ou arti-
ficielles ayant servi d’asiles et peut-être aussi de tombeaux à des populations
d’époques diverses.
Bien qu'aucune découverte archéologique ne nous permette de considérer les
grottes et souterrains caucasiens comme néolithiques, je crois devoir, cependant, en
parler à la suite des monuments mégalithiques, car dans beaucoup de pays les
populations de cette époque ont utilisé les arottes où ont creusé des souterrains au
lieu d'élever des dolmens.
Les grottes naturelles sont rares au Caucase et la plupart des souterrains ont été
taillés dans des calcaires ou tuffeaux à des époques assez différentes; quelques-uns
même sont encore habités.
En attendant que des observations méthodiques viennent indiquer si parmi eux
un certain nombre remontent à l’âge de la pierre, il me semble utile de les faire
connaître afin de faciliter les recherches.
Les grottes du Caucase peuvent se diviser en quatre groupes principaux :
1° Le groupe du Ratcha, comprenant tout le haut bassin du Rion, à partir de
Koutaïs.
2° Le groupe de l’Aragva et du Terek.
3° Le groupe de la Koura, formé par tout le versant caucasien de ce fleuve depuis
Gori jusqu'à Chemaka.
4° Le groupe du Gok-tchaï, composé du plateau qui circonscrit le grand lac
arménien, des vallées supérieures de l’Araxe et de la Koura et de leurs affluents.
Parmi les grottes du premier groupe nous citerons, en remontant le cours du
Rion, celle de Jason, près de Koutaïs ; celle de Ghelati, près du monastère de
ce nom, au nord-est de Koutaïs; celle de Rgani, sur la Kvirila, que nous avons
décrite précédemment ; celle des environs de Nikortzminda, autre monastère à
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 67
mi-chemin de Koutaïs à Oni, sur la Charaoula; celles de Gvimi, sur la Kvirila,
en aval de Satekhali ; trois de ces localités ont été explorées par Dubois de Mont-
péreux!; celles de la rive gauche de la Djodjora, à Tsidisi, entre Tzona
et Oni; et enfin entre Oni et Chkmeri, où ces excavations sont creusées dans
le calcaire corallien. Les hautes vallées de la Kvirila, de la Dziroula, et de la
Tskenis-Tskali sont également parsemées de nombreuses grottes.
Sous le titre de groupe du Terek, nous désignons toutes les excavations
comprises dans le haut bassin de ce fleuve, dans les gorges de PArdon, du
Baksan, de l'Argoun, du Soulak, dans les, montagnes de l’Avarie, ainsi
que sur la route centrale du Caucase, dans les gorges du Terek, entre Kobi et
Lars.
Beaucoup plus étendu que les précédents, le groupe de la Koura n’est pas
moins riche en cavernes. La région comprise entre Ananour, Gori et Mtzkhet,
entre autres, en compte un très grand nombre. Parmi les plus curieux exemples,
il nous suffira de citer le village souterrain d’Ouplis-Tsikhe, à l'est de Gori,
tout entier taillé dans le roc, et dont Dubois a donné une description
ès
complète ?, Le bassin moyen de la Yora et celui de PAlazan en possèdent beaucoup
aussi. Signalons dans le premier, Tioneti et Gombori; dans le second Tourdo,
Signakh et Telaf. D’après Bayern, les grottes de ces deux vallées ne doivent leur
existence qu’à l’exploitation du sel, abondant dans cette région. Nous verrons plus
loin l'application que le même auteur fait de cette idée d’après Dubois de Montpé-
reux, aux grottes du groupe du Gok-tchaï. Il convient de citer également celles
de Marazoff, district de Chemaka.
Tandis que la plupart des grottes que nous venons d’énumérer, à l'exception
de Tioneti, Gombori, Tourdo, Signakh et Telaf, étaient pour la plupart taillées
dans le crétacé supérieur (Ratcha) ou dans la molasse (Ouplis-Tzikhé), une grande
partie de celles de Somkhetie, particulièrement dans la vallée de l'Alghet, ne sont
que des fentes naturelles plus où moins élargies dans les tufs basaltiques ou les
domites. Le plus grand nombre de ces fentes ont dù servir d'habitation aux
1 Voyage autour du Caucase. Paris, chez Gide, 1839, £. IT, p. 199 et 379, et t. Il, p. 163.
® Ta, t. II, p: 203:
68 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
peuplades minières qui exploitaient, dès la plus haute antiquité, les gisements de
sel, de cuivre et de fer de cette région riche en minerais.
Bayern croit qu’elles ont abrité les ÆAalybes dont Homère et Hérodote ont
vanté l’activité industrielle et que Strabon, commentant un verset du chant
des vaisseaux dans l’Iliade, tend à placer en effet sur le plateau arménien. Dubois
de Montpéreux a tenté l'identification du nom Æouwlpe (en arménien Gogph), qui
désigne trois localités arméniennes célèbres par leurs mines, avec celui des Kha-
lybes, et il a montré avec autant de certitude qu’en peuvent offrir des textes aussi
torturés, que les Halisoniens, ces voisins des Khalybes, tiraient leur nom de la
rivière Alazan. Peut-être quelques tribus de ces anciens peuples ont-elles reposé
dans les grottes de l’Alazan et de la Yora, dont nous parlions plus haut, ou dans
celles de Dachkessana et de Baïna sur le Kachkara-tchaï, affluent de la Koura, près
d’Elisavetpol, de Tchovtara (mines de cuivre), Kousch-Kenda et Zeklika, sur le
Chamkor et ses affluents, où, d’après Bayern?, on doit avoir trouvé beaucoup
d’objets en bronze ; du massif Ghevartzin-dagh, surla Djoga, affluent de la Koura ;
e la gorge de Bolnisk (Somkhetie), du haut bassin de l’Araxe qui n’en possède pas
moins queles régions que nous venons d’énumérer. Nous citerons, parmi les plus
dignes d'attention, celles des environs des mines de sel, à Koulpe, et, au sud-ouest
de cette localité, un village souterrain creusé dans les flancs du Tachal-taou, puis, au
nord de l’Ararat, le village de Gorgan, formé de grottes taillées dans la montagne
sainte et inhabitées aujourd’hui, le monastère de Gkegvart près de la rivière Giarn
(district d'Érivan) qui a remplacé un groupe de cavernes ayant servi de refuge
à des populations antérieures à l’ère chrétienne.
Les montagnes qui, au sud de Gkegvart, descendent vers l’Araxe, sont aussi
parsemées de grottes très nombreuses, ainsi que, plus au nord, larégion de l’Alagüz
et, sur les confins de la Perse, celle du Zanguezour.
A Loccit.; t. IV, p. 140,
? Bayern. Contribution à l'archéologie du Caucase. Lyon, 1883.
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 69
CONSTRUCTIONS LACUSTRES
Les mêmes présomptions d'ordre historique qui ont conduit quelques archéologues
à chercher au Caucase l’origine de la civilisation dolménique, les ont entraînés à y
voir aussi celle des constructions lacustres ou palañittes.
C’est en se basant sur le dire d'Hippocrate!, parlant des habitants des rives
[
du Phase (Rion) ou Mingrélie actuelle, que l’on est arrivé à cette conclusion. « Leur
pays est marécageux, dit-il, et couvert de forêts. Il y tombe en toute saison des
pluies abondantes et impétueuses ; les hommes y habitent dans des maisons faites
de roseaux et construites sur les eaux mêmes. Ils vont de l’une à l’autre sur des
barques creusées dans un seul tronc d'arbre. »
Cette description est encore exacte de nos jours en ce qui concerne l’état hydro-
logique de la partie inférieure du Phase. La ville de Poti et plusieurs villages
situés à l'embouchure de ce fleuve, bien que construits sur les parties les plus élevées
de son delta, sont en effet souvent inondés soit au moment de la fonte des neiges,
soit au moment des grosses pluies d'automne, L’inondation est encore accentuée
quand le vent du N.-O0. chassant les vagues à l'encontre du courant du Rion,
s’oppose à l'écoulement de ses eaux dans la mer. Il résulte de là que la plupart des
habitations de ce pays sont construites sur des pilotis ou des massifs de maçonnerie,
de façon à placer les rez-de-chaussée à au moins un mètre au-dessus du sol de la
route, qui est souvent recouvert d’eau, quoiqu'il soit plus élevé que les terrains
environnants.
L'usage des bateaux pour communiquer d’un carrefour à l’autre est encore en
vigueur, pendant ces périodes de submersion; ce ne sont plus des barques creusées
dans des arbres, il est vrai, mais des bateaux à fond plat faits de grosses planches,
rappelant ceux des étangs de la Bresse ou du lac de Paladru ?.
4 Porocki. Fragments, p. 40.
? Je me suis trouvé à Poti pendant une de ces inondations, à la fin du mois d'août de 1881; pendant une semaine
j
barquement, j'ai ainsi pu étudier en détail la vie de ces lacustres ou plutôt de ces paludée
é condamné, ainsi que mes compagnons de voyage, à attendre la fin du vent deN.-O, qui empêchait notre em-
J'ai vu à cette époque
la place du marché elle-même envahie par les eaux : marchands et acheteurs
avaient pas l'air inquiet ou étonné le
70 RECIIERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Scientifiquement, l'existence des palafittes du Caucase a été affirmée par Bayern.
Je ne crois pas qu'aucun autre explorateur moderne en ait fait mention avant lui.
Ses premières observations datent de 1849, c’est-à-dire d’une époque où VPattention
des savants, si fortement excitée par les découvertes qui se sont succédé en
Suisse, en France et en Italie depuis 1853, n’était pas encore fixée sur ce mode
d'habitation.
C’est dans le lac Gok-tchaï, non loin de Novo-Bayazid, que le vénérable archéo-
logue a rencontré des pilotis placés sur deux rangs, qui supportaient peut-être
jadis, un pont conduisant à un groupe de cabanes lacustres, où réunissant
deux hameaux voisins. Bayern ignorant encore, comme tout le monde, la signifi-
cation que pouvaient avoir ces vestiges d’ailleurs isolés, ne poursuivit pas ses
recherches en cetendroit. Mais il n’en croit pas moins à la présence de nombreux
groupes semblables dans le lac Gok-tchaï et rattache même à ces constructions la
série d'objets en bois de cerf dont nous avons signalé la découverte près d’Elenovka.
Le même auteur signale également des palafittes laissées à sec par l’abaissement
des eaux du lac de Toporovan, près du village Choucha (district d’Akhaltzikhe),
ainsi que dans les marais de l'embouchure de la Koura (Minghetchaour, Berda) et
sur les rives des lacs du littoral de la mer Noire.
J'ai voulu, lors de mon dernier passage à Poti, constater par moi-même les
traces des palañittes signalées par Bayern au lac Paleostrom, situé non loim
de l'embouchure du Rion; mais frappé déjà par les premières atteintes de cette
fièvre terrible que tout Européen contracte rapidement dans ce delta pestilentiel, j'ai
dû renoncer à mon projet et m’en tenir au récit des pêcheurs qui fréquentent ce
lac extraordinairement poissonneux. Il existerait sur plusieurs points du rivage de
cette nappe d’eau des lignes de pilotis dont la construction est attribuée aux Turcs.
Ces rangées de pieux seraient les restes d’une ville engloutie suivant les uns, et,
d'après les autres de simples débris d’estacades modernes tombes en ruine depuis
fort longtemps.
moins du monde de cet état de choses; les marchandises étaient placées sur des tréteaux surélevés et quelque
planches, faisant office de ponts volants, donnaient accès aux clients,
Un système de locomotion plus pratique que les bateaux, même à fond plat, pour circuler sur ces terres inondées
inégalement, était le chariot que j'ai employé pour me rendre sur les divers points du delta où une chasse aux
afittes,
oiseaux aquatiques m’attirait non moins que la recherche des vestiges de pe
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 71
Ces explications sont à peu près celles que l’on retrouve sur les bords de la
plupart des lacs où l’on a découvert des palañittes. Mais les faits que nous venons
d’énumérer, s’ils n’infirment en rien la description d'Hippocrate, s'ils semblent
même la confirmer dans une certaine mesure, nous paraissent insuffisants pour
affirmer l’origine colchidienne des cités lacustres.
C’est pourtant la thèse qu'a soutenue, à l’École du Louvre, M. Alexandre Ber-
trand, professeur d'archéologie nationale.
€ Vous sentez, Messieurs, dit-il dans sa cinquième lecon, toute la valeur de ces
renseignements ; vous comprendrez encore mieux leur importance si vous voulez bien
vous rappeler que la vallée du Danube a été de tout temps la grande voie de commu-
nication entre l’Orientet l'Occident, depuis l’expédition des Argonautes, lévende qui,
suivant Strabon, couvre des faits historiques dont il avait constaté la réalité, jusqu'à
nos jours, où les grandes puissances font de la navigation du Danube une question
de premier ordre. Or, Messieurs, je n’ai pas seulement à vous apporter, touchant
l’origine colchidienne des cités lacustres, de simples conjectures ; remontez avec moi
le cours du Danube et de ses affluents. De Belgrade au lac de Constance d’un
côté, au lac de Garde de l’autre, où ont été constatées des stations lacustres,
nous ne comptons pas’ moins de sept lacs portant témoignage que sur leurs rives
habitaient des populations ayant les mêmes mœurs que celles des rives du Phase,
du lac Prasias et des lacs de l'Helvétie, à savoir : le lac de Neusiedel, en Hongrie,
au sud de Presbourg ; l’Attersée (avec cinq stations); le Traunsée, les lacs de Mund
et de Gmund au sud de Salzbourg ; en Carinthie, sur la Drave, le lac de Keut-
schach, et enfin le lac de Laybach, en Carniole, une des stations légendaires des
Argonautes, le Nauportus des anciens. »
. M. Bertrand appuie son argumentation en rapprochant des palañittes
néolithiques les terramares italiennes qu’il considère comme intermédiaires, chro-
nologiquement parlant, entre les stations lacustres de la pierre et les stations du
bronze. Puis il poursuit en citant l’opinion de Larcher qui, dans sa traduction
d’AHérodote, parle d'habitations sur pilotis existant encore sur les bords du Don
ou Tanaïs, et conclut, à l’origine colchidienne des palañittes. Sans contester
1 ALEXANDRE BERTRAND. La Gaule avant les Gaulois, p. 128:
|
n
2 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
l'exactitude du fait affirmé par Larcher, il est permis de croire que le savant
helléniste, s’il revenait au monde, serait bien surpris de voir son innocent témoi-
gnage devenir un document concluant dans la recherche du point de départ de ce
genre d'habitation, au même titre que les cités lacustres de la Suisse et de
l'Italie, si patiemment, si laborieusement explorées par nos archéologues les plus
compétents.
Comme l'affirmation des auteurs anciens ne nous suffit pas pour établir l’existence
d’une civilisation ou d’un peuple dans une contrée, moins hardi que les archéologues
classiques, nous attendrons que des investigateurs courageux entreprennent, au
mépris des microbes paludéens, des fouilles dans ces eaux dangereuses et
nous révèlent en GColchide la présence de vestiges certains de constructions sur
pilotis antérieures à nos premières palañttes européennes.
ORIGINE DES ANIMAUX DOMESTIQUES
Il semble démontré actuellement que c’est pendant la période néolithique que se
sont montrés en Europe la plupart des animaux domestiques et les céréales.
Aussi il est intéressant de rechercher si les idées que l’on se fait de leur
origine concordent avec celles que l’on a émises au sujet du point de départ de
cette civilisation.
Les hommes paléolithiques qui vraisemblablement se sont développés sur place
pendant toute la période quaternaire, n’ayant à lutter que contre les difficultés
souvent considérables de la vie matérielle, n’ont dû subir cette transformation si
radicale de leur industrie et de leurs mœurs que sous linfluence d’une importation
sans doute lente et pacifique, mais décisive.
C'est assurément un événement de la plus haute importance dans l’existence de
ces populations occidentales que cette révolution dans leur outillage et leur genre de
vie. Presque simultanément en effet, ils reçoivent la hache polie, la poterie, les
animaux domestiques, les céréales, les monuments mégalithiques, les idées reli-
gieuses et le culte des morts, toutes choses inconnues à l'époque palé
olithique.
ÉPOQUE NÉOLITHIQUE ne
Rien ne s'oppose pourtant à ce que l’on admette que les populations paléo-
ithiques, continuant leur évolution lente et progressive, soient arrivées d’elles-
mêmes à la pratique de la domestication des animaux utiles. Celle-ci a pu être
perfectionnée plus tard sous l'influence de nouveaux venus, experts depuis plus
ongtemps, sans doute, dans cet art qui ne devait pas manquer de difficultés dans
e principe.
Les perfectionnements considérables accomplis dans la fabrication des armes et le
développement successif qui s’était opéré dans la manière de s’en servir avaient cer-
ainement rendu de plus en plus fructueuses les chasses des hommes de l’époque du
Renne.
Les chasses quaternaires devaient être d'autant plus productives que, pendant cette
ongue période, le climat était généralement doux, humide et assez régulier, On sait
que ces conditions sont essentiellement favorables au développement des végétaux et
par suite à celui des herbivores dont Paccroissement doit favoriser à son tour celui
des carnassiers.
Mais, après le retrait des glaciers, au moment où le climat commençait à
devenir ce qu'il est de nos jours, la végétation dut se modifier et la multiplication
des populations animales dut en souffrir. Les vigoureux chasseurs de Renne,
menacés de mourir de faim, furent forcés’ de changer leurs habitudes.
C’est alors que simultanément, sans doute, les peuplades les mieux douées et les
plus capables de se plier aux nouvelles conditions d'existence commencèrent la
domestication de quelques animaux qui les entouraient et qui paraissaient les plus
sociables .
Au contact des émigrants orientaux nos paléolithiques ont dû vaincre cette
répugnance bien naturelle à abandonner leurs anciennes coutumes. Il devait être,
en effet, très pénible à ces chasseurs, comme cela arrive à tout homme sauvage et
vraiment indépendant, de renoncer à cette vie d’aventures : peu à peu, ils devinrent
pasteurs plus où moins sédentaires ; puis, s’abritant dans des demeures fixes, ils
se firent agriculteurs. -
Les animaux domestiques qui passent pour avoir apparu avec la civilisation
néolithique sont le chien d’abord, le mouton, la chèvre, le bœuf, le cochon et enfin
le cheval.
Gauc. I 10
|
a
RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Quant aux céréales qui les accompagnent ce sont le blé ou froment, l'orge et le
seigle, puis une plante textile, le lin.
En ce qui concerne le chien, l’animal domestique le plus anciennement connu, il a
pu précéder les migrations néolithiques, car il est, de
ous le
s serviteurs de
lhomme, le plus indispensable au chasseur primitif. Il est le seul aussi qu’il n’est
pas nécessaire de surveiller et L
> meilleur gardien de la hutte ou
de la tente. Le
chien existe de nos jours chez des peuples sauvages qui n’ont aucun autre animal
domestique. Les races canines
sont si nombreuses que l’on est porté à leur
assigner des origines différentes. On leur a donné pour ancêtres tantôt le renard,
le chacal ou le loup, tantôt certains chiens vivant actuellement encore à l’état
sauvage dans l'Inde centrale ;
peut-être jamais démontrées.
C’est entre l'Himalaya et la cô
des chiens domestiques primiti
le Colson et le Buansu, qui ont d
les chiens néolithiques. On do
sauvage de l’Abyssinie, qui a é
dynastie. On a prétendu aussi c
chercher l’ancêtre du chien néc
ces origines, encore très discutal
dans ces régions vivent deux €
es ressemblances ostéolosiques très
it citer aussi le Caberu, sorte de
té domestiqué par les Kevptiens «
foss
es pour résoudre ce prob
lithique, mais on a encore trop
ème On possède, au contraire, «
les, ne seront
e de Coromandel, que-lon doit trouver le prototype
1iens Sauvages,
marquées avec
grand lévrier
ès la troisième
ue &est parmi les chiens quaternaires qu'il faut
peu de restes
es éléments de
comparaison suffisants pour rattacher le chien néolithique à ceux de l’Inde.
De tous les animaux domestiques, le cheval est sans contredit celui dont l’histoire
se trouve le plus intimement liée à celle de l’humanité primitive. Après avoir été
mangée par les populations paléolithiques, cette espèce est devenue en Europe un
des plus précieux auxiliaires de l’homme néolithique, peut-être bien avant l’arrivée
des importateurs asiatiques de x
nouvelles races chevalines.
Un cheval sauvage semblable à celui des palafittes vivait en nombreux troupeaux
durant l’époque quaternaire non seulement en Europe, mais dans toute l'Asie
mineure et parcourait les bassins de la'mer Caspienne, de la mer Noire, l'Arménie
et le Caucase.
Moins répandus que le cheval, les deux types des Dœufs quaternaires étaient
cependant très nombreux en Europe et dans l’Asie occidentale.
ÉPOQUE NÉOLITIHIQUE 75
Pour M. Sanson’, le berceau du Bos asiatieus, que l’on rencontre dans la
Camargue et surtout en Hongrie doit se trouver dans l'extrême Orient, non loin des
rivages de la mer de Chine, d’où il serait venu dans les steppes de la mer Caspienne,
chez les Kirghiz, puis dans la vallée du Danube et enfin en Italie et sur le delta du
Rhône.
Le cochon domestique qui, pour tout le monde, descend du sanglier, se trouve
en Asie comme en Europe ; mais ce n’est même qu'en Cochinchine que se trouve
uu pore se rapprochant de celui des tourbières.
Le mouton descend vraisemblablement du mouflon, qui présente actuellement
des formes peu différentes les unes des autres, depuis la Corse, Chypre, l’Asie
mineure, l'Arménie, le Caucase, jusqu’à l'Himalaya et au Thibet, où il se rencontre
encore sous le nom d’Arga
La chèvre peut être un dérivé du bouquetin ou de l’égagre de l’île de Crète, de
l'Arménie, de la Perse et du Caucase. Dans ces pays la chèvre domestique s’unit
spontanément à ces deux types et produit des métis féconds.
L’aire géographique dans laquelle sont répandus les types ancestraux sauvages
d’un grand nombre de ces animaux domestiques occupe, comme on le voit, des
étendues considérables sur la surface terrestre.
Il résulte de ce qui précède que tous nos animaux domestiques ne viennent pas de
cette vaste région comprise entre la Méditerranée, la mer Noire, la mer Caspienne,
VArarat et le Caucase, c’est-à-dire des hauts plateaux de l'Arménie y compris les
grandes montagnes qui les entourent. Cette opinion admise encore par quelques
auteurs, en souvenir sans doute de la légende de l'arche de Noé, n’est donc plus
soutenable.
À la suite des animaux domestiques dont l'introduction est attribuée à des
importations asiatiques, trois céréales : le blé, le seigle et l’orge auraient égale-
ment apparu.
C’est donc une agriculture complète venue ainsi de toutes pièces, qui n’a pas
non plus pris naissance dans nos pays. Ces trois céréales n’ont pas d’ancètre en
1 Sanson. Zootechnie, t. IV, p. 1
|
1)
|
76 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
Occident, et leurs descendants échappés à la culture y disparaissent rapidement.
Vers le Caucase, au contraire, ces individus spontanés ou sporadiques, outre
qu'ils sont plus fréquents, se perpétuent souvent plusieurs années. Ceci tendrait
à prouver que ces végétaux sont, au Caucase, très près de leur lieu d’origine,
s'ils ne s’y trouvent pas en réalité.
Quant au lin, dont les néolithiques ont fait un grand usage, comme le prouvent
les découvertes des palafittes, il paraît avoir à peu près la même provenance.
Nous sommes done conduit à admettre que les animaux domestiques, comme les
céréales, ont été apportés chez nous par les importateurs de l’industrie de la pierre
polie, de la céramique et des dolmens. Partis vraisemblablement de divers points
de l’Inde ou simplement des'régions iraniennes, ces initiateurs ne sont parvenus
en Europe qu'après avoir fait un séjour prolongé sur les plateaux de l'Arménie,
dans les vallées du Caucase et en Asie mineure, c’est-à-dire en Asie occidentale
mais non exclusivement dans les régions caucasiennes.
C'est là que des investigations nouvelles devraient être dirigées, elles auraient
beaucoup de chances de faire entrevoir les divers phases de cette civilisation si mal
connue encore dans ces pays et qu'il importe cependant de suivre pas à pas, car
elle a, dans sa marche d’orient en occident, tracé en quelque sorte la route aux
importateurs du bronze.
AGE DU BRONZE
Il paraît vraisemblable que lnde a transmis à l'Occident les premières
notions de la métallurgie; pourtant aucune trouvaille importante n’a permis
jusqu’à ce jour de relier d’une façon certaine les vestiges de l'Age du Bronze euro-
péen aux civilisations anciennes de lOrient.
En classant dans chaque pays les pièces importées et les produits locaux de
cette industrie, on est arrivé à tracer quelques réseaux indicateurs conduisan
les uns de l’ouest et des régions méridionales de l'Europe en Grèce et en Asie
mineure, les autres du nord-ouest et du nord vers la mer Noire par le Danube et
e Dnicper.
Au dela de ces contrées, l'archéologie positive n’a fourni qu'un bien peti
nombre d’observations. Le Caucase, en particulier, n’a encore donné lieu
qu’à des découvertes en partie discutables. Cependant quelques antiquaires n’on
pas craint, malgré linsuffisance évidente des recherches et des résultats acquis,
de faire des montagnes de la Transcaucasie un foyer métallurgique très primitif
d’où le bronze aurait rayonné à la fois sur l'Europe et sur l’Asie occidentale. À
défaut de preuves archéologiques, cette théorie s’étaye sur une série d’identifications
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78 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
plus où moins heureuses dont Dubois de Montpéreux a donné le premier exemple‘,
et où les textes sacrés jouent un rôle capital.
François Lenormant?, l’un des représentants les plus autorisés de l’école clas-
sique, attribuant à Tubalcaïn l'invention de la métallurgie, a montré d’après le
baron d’Eckstein ? l’importance presque exclusive que cette école accorde au récit
de Moïse pour éclairer le sujet qui nous occupe.
« Tubal, dit-il, nom de tribu, nom probable de corporation, est l’équivalent des
Telchines de la Grèce primitive. Nous rencontrons, au dixième chapitre-de la Genèse,
ce nom qui s'applique à une race caucasienne, à celle des Tibaréniens, voisins des
Chalybes, aborigènes des montagnes qui avoisinent le Pont-Euxin, forgeant le fer,
travaillant l’airain, fameux du temps des Argonautes. Chez Ézéchiel, Tubal est
au nombre des tribus vassales du commerce de Tyr, cité à laquelle elles livraient
V'airain de leurs montagnes. » f
Même s’il était possible d'admettre sans réserve l'identification de Tubal et
Mes’ek avec certaines tribus caucasiennes, les affirmations des auteurs que nous
venons (le citer ne sauraient servir de base à aucun système quelque peu scienti-
fique touchant l'introduction du bronze en Occident, En effet. aucune découverte,
aucune preuve archéologique n’est venue nous révéler l’état industriel des métal-
lurges auxquels il est fait allasion.
1 Dusors pe MonrPéREUx. Voyage autour du Caucase, t. II, p. 17, note 2 : « Le nom de Meskhes est
nom doit être de toute &
sien pour les peuples de la Moskhike où Moschique.
ciennetc chiel l'emploie
(chap. xxvir, v. 13) quand, faisant la description du grand commerce de Tyr, il dit : « Tubal et Mesekh
« ont été tes facteurs et t'approvisionnent d'esclaves et de vases * d'airain. » — Tome IT, p. 336 : « Mesekh.….,
« occupe la pointe qui s'étend entre la Colchide et la Géorgie, c'est-à-dire tout le pays compris entre les sourc
« de la Kvirila et celles du Cyrus (Koura). — 1d., p. 338 : « L'identité de Tobel on Tubal et des Géorgiens est
ge entre Tubal et Iberia est le Tibarèni d'Hérodote,.. Je prouve que l'airain
« de Tubal venait des riches mines du Somkheth, et que le fer des Khalybes était forgé tout près de là, dans les
« fonderi
€ aujourd’hui reconnue ., Le pa!
nombreuses de Koulpe et d'autres lieux voisins. Et de quelle antiquité ne devait pas être le renom
« de ces établissements de mines, puisqu'avant le déluge on voit déjà Tubal-Cuïn être l'inventeur et le forgeron
« de toutes sortes d'instruments d'airain et de fer! »
? Les monuments de l'époque néolithique l'invention des métaux et leurintroduction en Occident, Gasette des
Beaux-Arts. Décembre 1867.
5 Athenæum français du 19 août 1854.
* Le professeur Reuss, dont la version fait actuellement autorité, ne parle pas de vases d'a
ainsi : « J: k (l'Ionie, le Pont et la Colchide) trafiquaient avec toi; avec des
0 uARD Reuss. La Bible, traduction nouvelle, av.
chiel, xxvn, 13).
rain dans ce
raphe, qu'il traduit
claves et des objets d'airain, ils
introduction et commentaires, Les P7 ophèles, t. II:
n, Tou
faisaient l'échan:
ch, xx
AGE DU BRONZE vis)
Les données dites historiques, pour nous conduire à travers les civilisations pri-
mitives seront toujours, en Orient plus que partout ailleurs, des guides très peu sûrs.
De l’aveu même de Lenormant !, l’histoire de linvention des métaux est entourée de
fables chez tous les peuples de l'antiquité. Ce n’est pas à ces fables — et nous ne
ferons point, comme lui. une bienveillante exception en faveur de celle de Tubal-
Caïn — que nous demanderons le secret de cette invention « si merveilleuse et si
bienfaisante que l'imagination populaire y voyait un présent des dieux ». Pré-
férant des faits susceplibles de contrôle à tous les commentaires de légendes
ou de traditions, nous nous efforçcons de réunir les quelques documents positifs
que l’on possède sur ces temps obscurs et si peu étudiés encore en Asie.
Les découvertes permettant d'établir l'existence d’un âge du bronze au Caucase
sont de deux sortes : les dépôts ou stations dans lesquels on trouve des traces d’ha-
bitation ou de fonderie, puis les objets isolés.
La présence d’un certain nombre de moules accompagnés de lingots est un
indice des plus précieux pour démontrer le séjour plus ou moins prolongé d’une
peuplade de l’âge du bronze, mais la provenance du métal reste le plus souvent
introuvable.
Un élément des plus considérables pour l’étude de l’origine de la métallurgie,
et qui a été négligé par ceux-là même qui prétendent la trouver au Caucase, devra
attirer notre attention : c’est la connaissance des gisements de cuivre et d’étain de
cette vaste région.
MINES DE CUIVRE
Les mines de cuivre sont fort nombreuses au Caucase et leur importance commence
à être connue en Europe.
M. Davidoff, propriétaire de mines en Kakhetie, dans une étude * qu'il vient de
publier sur les gisements de cuivre de l’isthme caucasien, les divise en cinq groupes
principaux, qu'il classe d’après l'ancienneté de leur exploitation, savoir :
4 Fr. LENORMANT. Les premières civilisations, t. I, p.86.
? Davinorr, L'industrie du cuivre dans la Transcrucasie. Odessa, 1884.
80 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
4) Groupe du Tchorokh, fleuve côtier de la mer Noire, dont l'embouchure se
trouve à Gounich, au sud et non loin de Batoum, et dont les principaux centres
cuprifères sont situés entre la frontière turque et Artvin, à Khod-elia, Melo, Ortjok
et Goumich-Khane.
2) Groupe du Zanguezour, au nord de PAraxe, en aval de Nakhitchevan.
3) Groupe du Bortchalo, affluent de la Koura, comprenant les gisements
d’Akhtala, de Chamblouk et d’Alaverd ainsi que, plus à l’ouest, celui de Dambloud,
sur la Chrama.
4) Groupe d’Elisavetpol formé principalement des exploitations de Kedabek et
de Kalakent sur la Chemkoura, affluent de la Koura.
5) Groupe de la Kakhétie, situé dans la région de Telav, sur la rive gauche de
V'Alazan.
Outre ces gisements de premier ordre, Bayern m’en signale un certain nombre
de moindre importance en Abkhazie, en Tzebelda, en Somkhetie, en Digorie
et sur l’Akstafa. Il croit aussi que la région granitique des sources de la
Kobanka (Ghisel-don) n’est pas dépourvue de cuivre et de plomb. Il a trouvé des
traces de ce dernier métal dans le granit près de Darial et de la pyrite de cuivre
dans la vallée de l’Ardon‘.
Enfin je dois à M. l'ingénieur Léger, de Lyon, qui a fait plusieurs voyages dans
la grande chaîne et dans les ré
gions voisines, la connaissance d'anciens puits de
mines de cuivre. Ces puits, fort nombreux aux environs de Krinovski-Outara, près
de Backmont (bassin du Donetz) atteignent une profondeur de quatre à cinq mètres
sur un mètre de diamètre. La disposition des attaques et la découverte au fond de
ces cavités d’un certain nombre de haches et de marteaux en roches dures (diorite,
quartzite) montrent des exploitations fort primitives. Elles consistaient dans l’ex-
traction de malachite et d’azurite faciles à traiter et dont les belles couleurs avaient
dû de bonne heure attirer l’attention.
On retrouve sur les parois de ces puits des entailles en échelons sur un côté,
tandis que la face opposée est polie et lisse. Les ouvriers qui exploitaient sans
boisages et se transportaient ailleurs dès que l’excavation atteignait une certaine
1 Bayern. Notes manuscrites.
AGE DU BRONZE 81
profondeur, devaient descendre et monter les charges en appuyant le dos contre la
paroi.
Il serait intéressant de faire des recherches aux environs de ces gisements.
Peut-être y découvrirait-on des traces de fonderies qui sans doute nous renseione-
raient sur les procédés des anciens métallurges de ces rl
ions, ainsi que sur les
diverses époques pendant lesquelles on a utilisé ces minerais.
Nous avons à faire remarquer la ressemblance des instruments en pierre décou-
verts dans les anciens puits de Krinovski avec ceux qui ont été employés dans les
antiques gisements de l’Angleterre, de l'Espagne, ainsi que par les Peaux-Rouges,
jour l'exploitation du cuivre natif dn lac Supérieur.
Les mines de cuivre du Caucase sont tout au:
considérables que celles de la
Hongrie et de Chypre, régions qui ont été signalées comme centres ‘de produc-
ion initiale du bronze. Il n’est cependant pas probable que l'invention de cet
alliage en soit sortie. En effet, une grande richesse en minerai de cuivre ne suffisait
as aux Caucasiens pour produire le bronze; il fallait encore avoir à proximité
‘étain, élément indispensable à sa fabrication; or, ce dernier minéral est rare au
Caucase, si toutefois même il y existe.
MINES D’ÉTAIN
D’après M. Dufréné’, l’étain des premiers bronzes égyptiens proviendrait du
Caucase, et dès lors ce métal y aurait été exploité depuis la plus haute antiquité.
M. Dufréné appuie cette opinion sur la parenté possible entre les mots Æazbek,
nom de l’un des pics les plus élevés du Caucase, et Æhespet, mot qui servait à
désigner l’étain chez les anciens Égyptiens.
Cet argument étymologique, si ingénieux qu'il soit, ne saurait prévaloir contre
l'absence, scientifiquement constatée, de tout gisement d’étain au Caucase.
M. Dufréné n’est pas le premier, d’ailleurs, qui, séduit par l’ensemble des traditions
bibliques et profanes, ait fait des montagnes de l’Ibérie un centre stanifère de la
[ ] $
1 Durréné. Étude sur l'histoire de la production et du commerce de l'étain, p. 22, in-8. Paris, Lacroix, 1881.
Cauc. I. 11
28 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
plus haute importance. François Lenormant!, dans son mémoire déjà cité sur l’inven-
tion des métaux, est tombé dans la même erreur avec une confiance obstinément
ante école. Cherchant quel pays à étain peut avoir
partagée par toute une puis
donné naissance au bronze, le brillant érudit écarte successivement la Grande-
Bretagne, l'extrême Orient et les péninsules méridionales de PAsie. « Restent, dit-
il, les gisements de l Ibérie caucasienne et ceux du Paropamisus.
« Les uns et les autres ont été activement fouillés dès un temps bien plus reculé que
celui des voyages des Phéniciens aux îles Cassitérides. Dans la Géorgie actuelle, on
découvre les traces d'exploitations d’un caractère extrêmement primitif dans les filons
de minerai d’étain, et le silence absolu que gardent au sujet de l’extraction de ce métal
chez les Ibères, les écrivains grecs et latins de l’époque impériale, et l’historien armé-
nien Moïse de Khorène, semble indiquer que les travaux dont les vestiges attestent
un assez grand développement d'activité minière, étaient déjà abandonnés vers le
temps de l’ère chrétienne. »
Il y avait pourtant une excellente raison pour que niles Grecs, ni Moïse de Khorène
ne parlassent de l'extraction de l’étain chez les Ibères du Caucase: c’est que cette
chaîne, non plus que les plateaux de l’Arménie et les monts Mesques — ancien
habitat des Mes’ek de la Bible — n’en a jamais contenu. C’est du moins le résultat
des recherches géolosiques de MM. Abich, Bayern, Radde, Favre et d’une fou
d’autres auteurs aussi compétents et consciencieux.
Cette preuve négative devrait dès à présent mettre hors de discussion l'hypothèse
adoptée par M. Dufréné. Néanmoins, s’il était démontré que l’Oural possède «
l’étain, un des côtés les plus importants de ce système, la direction nord-sud du
commerce primitif de ce métal, voiremême du bronze, serait garantie de tout reproche
d’invraisemblance. À l'appui de cette théorie, on pourrait citer une intuition très
hardie de Bayern, qui se rapporte, il est vrai, dans la pensée de son auteur,
à une époque plus récente, mais qui ne perd rien de sa valeur lorsqu'on l’applique
à la première phase de la métallurgie :
L’étain, m’écrivait-il en octobre 1883, venait de l’Oural aux ports de la Caspienne,
puis remontait le cours des grands fleuves du nord du Caucase, Terek, Kouma et
1FR. LeNoRManT. Loc. cit.,t. I, p. 128.
AGE DU BRONZE 83
Maniteh. Par ce dernier il se rendait à la mer d’Azov, puis dans la mer Noire et de là
dans les provinces centrales et méridionales de l’Europe, Par le Terek dont le lit
était alors, d’après Bayern, un golfe de la mer Hyrcanienne, l'étain pénétrait au
Caucase et, par le centre de la chaîne, la route médique et la vallée de PAkstafa, il
gagnait l'Arménie, la Perse, la Syrie, l'Arabie, la Phénicie, l'Egypte, ete. ete.
L'absence de l’étain au Caucase une fois reconnue, ilne s'ensuit pas que l’on doive
refuser à cette contrée un certain développement métallurgique pendant l’âge du
onze. L’incomparable civilisation manifestée à Koban, civilisationque nous aurons
à étudier prochainement, témoigne d’une industrie trop avancée et, malgré de nom-
reuses et saillantes affinités, trop vraiment indigène, pour n'avoir été précédée
d'aucun essai moins parfait. Si peu fréquents que soient les vestiges attestant
cette manière de voir, il ne semble pas improbable que quelques objets aïent été
abriqués sur place bien avant le premier âge du fer, il est vrai, mais alors que
a diffusion de la métallurgie avait déjà atteint en partie l'Occident.
A cette époque, les populations des vallées du Térek, de la Koura et du Kouban
étaient certainement en relations constantes avec l'Orient qui fournissait de Pétain
à l’Assyrie et à l'Égypte. — Il serait en effet difficile de dire, en dehors de ces
relations, d’où provenait l’étain employé par les métallurges caucasiens pour la
fabrication de leurs objets de bronze.
On ne peut admettre qu’il ait été transporté du Nord ou de l'Occident de l’Europe
durant ces temps primitifs, comme on l’a prétendu pour la Phénicie, où le fait peut
être exact pour une époque plus rapprochée de la nôtre que le commencement de
âge du bronze.
Faut-il, avec Lenormant’, le faire venir de PAsie centrale, par exemple des mines
très anciennement exploitées que M. von Baer a signalées au Khorassan *? Ou de
l'Inde, c’est-à-dire du pays auquel on peut attribuer jusqu'ici avec le plus de vrai-
semblance l'invention du bronze? Je ne reviendrai pas sur les raisons que M. Gabriel
de Mortillet a fait valoir en faveur de cette dernière opinion. Elles sont très nette-
1 Loc. cit., p. 9 et suiv.
2 Von Bazr. Archiv für Anthropologie, t. IX, 4e liv., 1876.
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84 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
ment formulées dans la Revue d’ Anthropologie (n° 4, 1875) et je les ai résumées
moi-même dans mon Age du Bronze. Rien ne s'oppose du reste à ce que les
gisements de l'Asie centrale aient fourni, mais à une époque plus tardive, leur
contingent d’étain à mesure que l'expansion du bronze en nécessitait des quan-
tités de plus en plus grandes. Les marchés de l'Inde n’auraient, d’ailleurs, rien
perdu de leur célébrité pendant cette concurrence, puisque c’est de là que les
Phéniciens ont tiré tout d’abord leur étain ?.
Les objets trouvés à Koban prouvent que les relations du Caucase avec la Chaldée
et sans doute aussi avec l’Asie centrale élaient considérables. car, à côté des nom-
breuses traces d’une influence orientale que l'on observe dans les sujets décoratifs,
on trouve des ornements en étain pur et quelques pièces d’un bronze particuliè-
rement riche en étain.
C’est écalement avec une civilisation analogue à celle de Koban, si bien carac-
térisée par la spirale, le swastika, et les représentations animales que l’on rencontre
en Europe l’étain employé isolément où comme incrustations.
Pendant cette période de progrès, l’étain, ainsi utilisé en Occident et au Nord. à
pu provenir des gisements signalés en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France
où en [talie; mais alors on est bien loin de ces temps primitifs pendant lesquels
l'usage du bronze s’est infiltré peu à peu au milieu de la civilisation néolithic ue.
8 I
Un fait curieux mérite encore de fixer l’attention, c’est l'absence, au Caucase,
d'objets en cuivre affectant les formes de l’âge du bronze. Il serait pourtant
naturel d’en rencontrer dans ces régions riches en cuivre au
si bien qu’en
Égypte, à Chypre”, dans l’Inde et en Hongrie où pareils objets ont été signalés en
grand nombre. On sait que l’on attribue les haches et les marteaux de cuivre pur,
découverts dans ce dernier pays, à une période de disette d’étain et qu'ils appar-
tiennent vraisemblablement à la fin de l’âge du bronze.
On a parlé aussi plusieurs fois d’un àge du cuivre en Espagne et en Portugal.
1 T. II, p. 805 et 806.
* Historische Fragen mit Hülfe der Naturiwissenschaften beantwortet. Saint-Pétersboure, 1873.
# Franks, congrès de Stockholm, 1874 p. 346,
AGE DU BRONZE 85
M. Vilanova s’est fait, au Congrès international d'anthropologie de Lisbonne‘, le
champion de cette idée : « Dans un pays, dit-il, où le cuivre abonde considéra-
blement, et l'on peut citer à l’appui le grand nombre de mines en exploitation depuis
les temps les plus reculés, je trouve bien plus naturel que l’homme ait commencé à
se servir d’abord du métal simple et que seulement après de longs et pénibles essais
il ait appris à mêler le cuivre avec l’étain dans des proportions convenables pour
obtenir le bronze. Cela ne veut pas dire, Messieurs, que dans des temps bien posté-
rieurs l'Europe n’ait pas reçu, dans la fabrication du bronze, l’influence des races
asiatiques; ce que je voulais soumettre à votre jugement, c’est seulement que le
cuivre en Espagne a précédé le bronze et que cette branche de l’industrie a été tout
à fait indigène. »
Ainsi présentée, la question n’a qu’un intérêt purement local et dépend tout entière
des analyses auxquelles furent soumis les objets qui ont donné lieu à cette hypothèse,
du type de ces objets et de leurs rapports avec celui des pièces analogues trouvées
hors de la péninsule ibérique. Ce sont ces rapports, en effet, qui permettront de
fixer la date relative des découvertes auxquelles M. Vilanova a fait allusion et par
suite de discuter le problème de l’âge du cuivre espagnol.
Au sujet des analyses j'ai présenté ailleurs, quant à la manière de les opérer, des
réserves expresses justifiées déjà antérieurement? et que je crois devoir: maintenir.
Relativement à la forme des antiquités et à la date que l’on doit leur attribuer,
je rappellerai ici l'opinion émise à la suite de la communication deM. Vilanova par
M. G. de Mortillet : « Les haches plates, qui sont souvent en cuivre, il faut l'avouer,
paraissent bien plus récentes que les haches de bronze affectant d’autres formes. Je
nepuis done accepter Fhypothèse de M. Vilanoya. » Il semble que, même en
admettant que ces haches soient réellement en cuivre, la question se réduirait
1 Consrès international ‘anthropologie et d'urchéologie préhistorique de Lisbonne, 1880, page 192.
? Parcilles prétentions ont été élevées autrefois en faveur de certains petits objets métalliques trouvés dans les
dolmens du midi de la France * et surtout à propos des pièces en brouze recueillies par M. Schliemann dans les
s ont prouvé l’existence de
fouilles d'Issarliek** et que cet explorateur soutenait être en cuivre pur. Des anal
J'étain dans la composition de ces antiquités.
je du bronze, 1875, t. 11, p. 36.
1874, traduit de l'allemand pa
* ERNgst CHANTRE.
Ramgabé. Appendice.
+ Rapport sur les fouilles de Troie. Leip
86 REGHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
aux mêmes termes en Espagne et en Portugal qu’en Hongrie. Nous considére-
rions ces instruments comme dus à une disette momentanée d’étain.
L'absence au Caucase de ces pièces en cuivre pur prouverait une fois de plus
la continuité des rapports qu'il entretenait avec des régions pouvant lui fournir
l'étain qui lui manque, c’est-à-dire l'Inde et l’Asie centrale.
Les premiers bronzes du Caucase semblent y avoir été importés des contrées
productrices, comme ils l'ont été tout d’abord au Nord et à l'Ouest. On à pu fondre
quelques pièces en Abkhazie, mais rien ne prouve que l’alliage ait été tout d’abord
opéré sur place.
I1 faut donc revenir pour le Caucase comme pour lOccident, à la théorie
[
de la diffusion lente et progressive de la métallurgie par des commerçants ou
fondeurs nomades (Tziganes, Tzengaris, Gitanos, Bohémiens, Gypsies, Calderari
Le) 5 ; YE
venant de la région où le bronze a pu être inventé.
Ce n’est point la une hypothèse sans fondement. Outre les arguments qui ont été
irés des caractères de certains produits industriels de l’âge du bronze, les migrations
et l’origine des hordes Tziganes, aujourd’hui sérieusement étudiées, semblent venir
en confirmer la réalité. Le rôle de ces fondeurs ou forgerons se dégage en effet de
lus en plus des ténèbres dont l'imagination des anciens s’était plu à l’entourer.
=
Sigynes, Sinti, etc., d’une part, et les
Les rapports existant entre les Tziganes
corporations mystérieuses des Telchines, Dactyles et Gabires des Grecs, le passage et
mêm le séjour, à diverses époques, dans les régions qui nous occupent, de ces bandes
de métallurges ainsi que leur point de départ presque invariable pour tous les
auteurs sont autant de faits que les travaux de MM. Vivien de Saint-Martin,
Fournet ?, Rossienol* et bien d’autrest ont puissamment contribué à faire con-
naître.
Il est fort probable que le rôle de ces tribus était déjà beaucoup diminué à l’époque
où ont été composés les textes qui ont permis de le reconstituer. La connaissance
1 Études de géographie ancienne et d'ethnograplie asiatique.
? De l'influence du mineur sur les prog
t. XII, 1860.
3 Les métaux dans l'antiquité. Paris, 1869.
ès de la civilisation. Mémoires de l'Académie de Lyon, classe des sciences,
4 Baron d’Eckstein, Paul Bataillard, etc.
AGE DU BRONZE 87 “
de leurs procédés industriels avait dû, malgré le secret dont ils s’entouraient, se
répandre peu à peu jusqu'au moment où les Phéniciens les supplantèrent dans
le commerce des objets métalliques. Mais à l’époque de l'introduction du bronze
en Occident, ces dangereux concurrents n’existaient pas encore et les Cal-
derari devaient avoir une importance dont ne peuvent donner aucune idée
les bandes misérables et vagabondes qui errent actuellement en Europe sous le
nom de Bohémiens,
En ce qui concerne le Caucase, des Tziganes l'ont parcouru à diverses reprises
et ont peut-être séjourné longtemps dans quelques-unes de ses vallées.
M. Vivien de Saint-Martin‘ dans son Caucase d’ Hérodote, et à propos de l’hypo-
thèse qu’émet l'historien d'Halicarnasse au sujet de l’origine égyptienne des Colches ?,
a cherché à prouver que les caractères anthropologiques qui avaientinspiré cette idi
à l’auteur grec peuvent se rapporter à une tribu Tzigane que le poème orphique ?
montre établie sous le nom de Sigumnes (Zvov ou mieux Zvwa, Sigunnes) dans
le nord de la Colchide et qu'Hérodote avait prise pour une colonie égyptienne.
Cette méprise paraît d’autant plus vraisemblable qu'Egyptiens, d'où l’on a tiré
Gitanos et Gypsies, est une des nombreuses appellations que lon donne parfois
à ces nomades.
Au temps d'Hérodote, du reste, les Sigunnes * avaient déjà pénétré dans la vallée
moyenne du Danube; Apollonius de Rhodes, quatre siècles plus tard, place des
Sigunes (2) à l'embouchure même de ce fleuve ?.
Quoique les historiens qui ont suivi Hérodote n’aient plus mentionné en Colchide
ni Égyptiens, ni Sigunnes, il est facile de suivre les tribus de ces derniers et de
déterminer leur situation au temps dont nous parlons.
Nous n'avons pas l'intention de reprendre ici cette étude qui a été très bien
conduite, en ce qui concerne le Caucase, par l’éminent géographe auquel nous
empruntons ces détails. Nous signalerons seulement parmi les faits curieux qu'il a si
r-Marrix. Études de géographie ancienne et d'ethnographie asiatique. Mémoire historique sur
la géographie du Caucase, p. 244 à 276.
2 Henonorg. Lib. II, p. 158. Édition Saurar et Tarsor. Paris, Blois, 1864.
3 Orpael. Argonautica, p. 754 (d'après M. V. de S.-M.).
4 Vivien DE SA
Herovors. Lib. V, p.362,
5 Arorronu Ron. Argonaut. IV, p. 302. Trad. Caussin de Perceval (d'après M. V. de S.-M.)
88 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
bien mis en lumière, une particularité qui, si elle ne prouve rien quant à la diffusion
des outils de bronze, montre cependant que les hordes errantes auxquelles on a été
amené à attribuer cette diffusion n’ont jamais abandonné complètement l’isthme
ponto-caspien. C’est l’existence dès une époque très reculée, sur les rives asiatiques
du Bosphore Kimmérien, d’une peuplade que ses mœurs et ses lécendes rappor-
tées par les anciens permettent d’assimiler aux Tziganes. Ces Sindit de l’extré-
mité occidentale du Caucase ont été signalés par tous les autéurs antérieurs à
Hérodote ?.
Il serait aisé de multiplier ces exemples, d’en induire que le Caucase qui, dès le
temps d'Homère, était le théâtre des mouvements de ces peuplades a pu, bien avant
cette époque, en être déjà visité et profiter ainsi des bienfaits de leurs connaissances
métallurgiques. Mais ces inductions maloré leur vraisemblance n’auront de valeur
qu’autant que des découvertes réitérées auront permis de mettre hors de doute la
participation du Caucase aux premiers courants importateurs du bronze.
Les pages qui suivent montreront dans quelle mesure on peut affirmer quant à
présent cette participation.
DÉPOTS OÙ STATIONS
La plus importante de ces stations a été découverte, il y a fort longtemps, à Novo-
Rossisk, sur la côte abkhazienne de Ja mer Noire. Elle a fourni en un orand nombre
de haches plates et de faucilles à boutons, puis quelques moules de pierre dure
pour fondre des pièces semblables.
Ces moules sont taillés sur les faces latérales de blocs rectangulaires en o
erès dur
ou en pierre olaire et des boutons tantôt en creux, tantôt en relief permettaient
le repèrage des deux valves. Les n° 1 et 2 de la planche II montrent ces dispositions
pour une hache à douille et à anneau. Le n° 1 et 2 dela planche IV donnent les
1 Sinte est un des noms que se donnent traditionnellement les Tziganes et qui fut connu, bien avant Apollonius et
ITérodote, par Homère. Odyssée, VIII, 294 et Iiade, I, 594 (d'après M. V. de S.-M.).
2? Vivien DE Saint-Marin. Loc. cit., 272 et suiv.
AGE DU BRONZE 89
empreintes complètes pour un poignard et un ciseau, puis pour un couteau dont la
contre-partie se trouve au bas de la planche HI.
Ces pièces sont parfois irrégulières et ne présentent qu'une valve comme celles
de la planche V dont le n° 1 montre l'empreinte d’une hache à talon, et le n° 2 celle
d'une faucille.
Beaucoup de moules rappellent d’une façon remarquable ceux que l’on a trouvés
en Hongrie (fig. 23) ainsi que dans les terramares du Regoianais et du Modenais.
Fi. 23. — Moule trouvé en Iongrie.
MUSÉE DE HUDA-PESTI
La
uns ont été déposés et conservés dans les musées d'Odessa et de Moscou.
lupart de ces objets sont dispersés depuis bien des années ; toutefois, quelques-
Cette découverte peut être rapprochée de celles qui ont été faites à Guilei près
du village de Mali-Kopani, à Kersonskaï, sur les rives du Schouta et à Perltana,
sur le Dnieper, qui ont donné des objets analogues.
On aurait également trouvé sur les rives du Konka et non loin du Dnieper, dans
le village du prince Gregorew plus de cinquante haches accompagnées de limgots.
Cauc
(ll
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90 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
OBJETS ISOLÉS
On a souvent confondu les objets de l'âge du bronze primitif avec leurs analogues
de la période qui lui a succédé. I est cependant facile de les distinguer les uns des
autres.
Ces instruments sont des haches, des poignards et des faucilles.
Hacnes. — Les haches sont de deux types principaux : les unes sont plates.
sans rebord aucun, les autres sont à douille plus où moins ronde.
Haches plates du Portugal, en bronze
MUSEUM-DE LYON
Des haches plates sans ornement ont été trouvées en Daghestan, en Kabarda
et en Abkhazie (n° 2, pl. VI); on en voit au musée historique de Moscou et dans
celui de Tiflis. Ces haches sont identiques à celles que lon a trouvé en Europe
depuis le Portugal (fig. 24 et 25) jusqu'à la mer Noire et en Asie-Mineure. Elles
26) et dans
se rapportent aussi aux types découverts dans l'ile de Termia (f
lnde, à Gungeria.
Il faut encore citer trois haches à légers rebords conservées au musée de Tiflis et
provenant de Ouroup, sur le Kouban.
Quant aux haches à douille, qui pourraient être d’une époque moins ancienne,
AGE DU BRONZE 91
elles sont plus rares; on en a trouvé pourtant quelques-unes en Daghestan et en
Abkhazie. Il en existe des spécimens au musée de Tiflis. Elles se rapportent aux
formes de la Crimée et du bas Danube où elles sont également assez rares.
. — Hache à douille de la nécropole de Koban.
MUSÉE DE SAINT-GERMAIN
F16. 26. — Hache plate en bronze F16. 3 @. x. — Hache à douille. Géorgie
Ilede Termia GOLLEGTION DU GÉNÉRAL KOMAROFF
BRITISH MUSEUM
s.— Épingle de la nécropole de Koban
MUSÈE DE SAINT-GERMAIX
Deux types de haches assez particuliers, avec la douille transversale, doivent
encore être signalés. L'un (fie. 27) provient de la nécropole de Koban, où il est
fréquent, et l’autre (fig. 28) a été trouvé plusieurs fois en Géorgie; ce dernier
est également représenté dans l’ornementation d’une épingle de Koban (fig. 29).
Tous deux appartiennent au premier âge du fer et non à l’âge du bronze.
FavuarzLes. — Les faucilles sont toutes du même type et grossièrement travaillées ;
|
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92 RECHERGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE
la plupart proviennent de la Kabarda et plusieurs sont conservées au musée de
e en bron
izavetpol
MUSÉE HISTORIQUE DE MOSCOU
Moscou ; beaucoup malheureusement ont été perdues depuis leur
dé
Danube.
ouverte. Elles se rapprochent de celles de la Crimée et du
Porenarps. — Les poignards de forme primitive peuvent être
facilement séparés de ceux du premier âge du fer: ils sont fort
rares par suite probablement du petit nombre des fouilles mé-
hodiques opérées jusqu’à ce jour dans ces régions.
On peut signaler cependant quelques-unes de ces pièces con-
servées au musée de Moscou et provenant sans doute de la Ka-
jarda, où elles auraient été découvertes avec les faucilles et les
haches plates dont il a été question plus haut.
Une belle épée du musée de Moscou, découverte à Élisa-
vetpol, et considérée comme de l'âge du bronze (fig. 30) doit
être rapportée à l’époque hallstattienne.
Divers. — Pour terminer cette série de pièces isolées il faut
citer des bracelets en bronze, à tige ronde, trouvés dans la vallée
de Bortchalo en Somkhetie; ces objets sont conservés au musée
de Tiflis.
Si nous cherchons maintenant des rapports entre les types que
nous venons de décrire et ceux des autres pays, nous aurons à
constater quelques faits intéressants.
Il faut d’abord renoncer à rattacher ces Lypes à ceux qui se
sont développés plus tard dans toute la région du Danube et du
P6, ainsi que dans le Nord britannique et scandinave. On doit
encore moins songer à les assimiler aux formes si spéciales des
groupes ouralo-altaïque e sibérien. L'origine première de celles-
ci est peut-être la même que celle des types du Caucase, mais la
civilisation à laquelle sont dus ces derniers a suivi des voies toutes différentes et
paraît antérieure.
1 Wonrsaag. Des âges de la pierre et du bronze dans l'ancien et lenouveau monde. Mémoires des Antiquaires
du Nord, 1880, p.187.
AGE DU BRONZE 98
Les vestiges de l’Age du Bronze ponto-caspien ne constituent point une industrie
originale et propre à la région qui nous occupe. Ils appartiennent vraisembla-
blement à la primitive importation orientale dont on retrouve les traces irrécu-
sables sur le bas Dnieper et le bas Danube; puis dans le bassin de la Méditerranée,
en Asie-Mineure, en Grèce, en Italie, en France, en Espagne et en Portugal. Le
prototype de cette importation semble exister dans les découvertes de lInde
centrale.
Ce n’est donc pas du Caucase qu'est partie la découverte du bronze, et si l’existence
d’un certain nombre de produits métallurgiques pouvant se rapporter à l’âce du
bronze a pu être constatée dans cette région, rien ne permet de penser qu’elle a pu
même avoir une influence sur l’expansion de cette industrie en Europe.
Le Caucase comme l’Asie-Mineure a participé au premier flot importateur, mais
on n’y trouve pas les preuves d’un développement de la métallurgie du bronze,
malgré la richesse de ses mines de cuivre.
On doit remarquer cependant que certains objets et surtout les moules montrent
que l’industrie locale a eu des tendances à se faire jour. Mais les vestiges de cette
industrie locale ne peuvent pas être confondus avec les produits du grand âge du
bronze qui s’est développé lentement, remplaçant peu à peu les premiers modèles
importés chez les populations néolithiques.
En somme l’âge du bronze ne paraît pas avoir atteint un grand développement au
Caucase; de même que dans les contrées méditerranéennes, il a été rapidement
remplacé par cette nouvelle civilisation qui a, sinon inventé, du moins répandu
timidement la connaissance du fer au Nord et à l'Ouest, en même temps qu’elle
contribuait pour une si large part à la transformation des idées artistiques des habi-
tants de ces pays encore presque sauvages.
FIN DU TOME PREMIER
TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE. I à XXXVI
LINTRODUOTION AR AR D es Le Rs A EE RON Ne CE NE NOIRE |
AGE DE LA PIERRE
ÉPOQUE PATLOLITEIQUE MP NO MEN EE EP RE EE NC Re Er
HROQUE NÉOLITEIQUE ee le ECO I UT UNS DEAN PIN EME
(OPTELSALTOUVESHSOIÉMENT SE CE
Monuments mégalithiques. RER Te Te CI SSI EEE CR 1
Grottes et ESOUter Trains NT A NC EU CRT OP RTE D ECO
Constructions lacustres PR NN 0e RE DRE AE RS TR TN A EE ER LS 69
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AGE DU BRONZE
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Mines de cuivre. TE. A PE ER EN RUN TRES LS TER RO)
Mines d’étain. PE LME En ES URL DE UE EEE ES 1:
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PLANCHE I
2 et 4 — Pointes de flèches en silex découvertes près de Koutaïs (Musée de Tifis).
3 et D — Pointes de flèches en obsidienne découvertes à Redkine-Lager.
1, 6 et T — Pointes de flèches en obsidienne découvertes près de Mtzkhet.
8 et 9 — Marteaux en diorite trouvés sur la rive droite du Térek, à Barakof
(Petite Kabarda).
| 10 — Vue de face du n° 9.
11 — Marteau en basalte trouvé en Géorgie.
| 12 — Marteau en diorite trouvé en Géorgie.
| 13 — Marteau en basalte trouvé près de Mozdok.
GRANDEUR NATURELLE
1, 2, 4, 6, 7, 12, MUSÉE DE TIFLIS
3 sr 5, COLLECTION WEYSSENOFF
8, 9 2r 13, COLLECTION OLCHE WSKI
|
Il
D PE UE ed E Ep tee État GR ADS Dm
AGES DE LA PIERRE ET DU BRONZE.
@bsets néolithiques trouvés isolément.
VALLEES DU TEREK & ARMENIE RUSSE.
DI
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I
ne gere Es = me RE ———————
PLANCHE II
1, 2, 3, 4 — Eclats d’obsidienne trouvés entre Elenovka et Ordaklia (Arménie).
5, 6, 7 et 8 — Marteaux en diorite trouvés dans les mines de sel de Koulpe
(Arménie).
9 — Hache en porphyre vert trouvée près de Nakhitchevan (Arménie).
10 — La même, vue de profil.
GRANDEUR NATURELLE
1 a 8, MUSÉE DE TIFLIS
9, COLLECTION ERNEST FAVRE
RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES
dans le Caucase
ACES DE LA PIERRE ET DU BRONZE.
PLII
Grandeur naturelle
Lunel,lith Imp. Jules Rey: E. Chantre,direxit 1888
Objets néolithiques trouvés isolément.
AVR MUBINODE RO SSE.
Ile
4 — Moule rectangulaire en grès, à deux faces creusées, l’une pour des haches à doui
carrée, et l’autre pour des poignards.
2 __ Moule rectangulaire en grès, à deux faces creusées, l’une pour des haches à douille
carrée, l’autre pour des couteaux.
Trouvés à Novo -Rossisk (Abkhazie).
GRANDEUR NATURELLE
MUSÉE HISTORIQUE DE MOSCOU
RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES
dans le Caucase
ACES DE LA PIERRE ET DU BRONZE.
ns
Lunel,lith EF CI t ere
E. Chantre direxit 1883
Moules. en. $rés pour haches et couteaux.
NOVOROSISK (ABKASIE)
PLANCHE IV
1 — Moule rectangulaire en grès, à deux faces creusées, l’une pour des couteaux,
O Lo] 2 r.)
l'autre pour des ciseaux et des poignards.
| 2 — Moule rectangulaire en grès, à deux faces creusées pour des poignards et des
ciseaux.
Trouvés à Noyo-Rossisk (Abkhazie).
| GRANDEUR NATURELLE
MUSÉE HISTORIQUE DE MOSCOU
Lunel,lith
RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES
dans le Cauc.
ACES DE LA PIERRE ET DU BRONZE
Grandeur naturelle
Rey. Gen
Imp dul
(02e)
en rés pour couteaux
NOMOINOISISEMERE EE
2 — Moule en gre
PLANCHE V
1 — Moule en grès, à une seule face creusée pour haches à talon.
à une seule face creusée pour faucilles.
Trouvés à Novo -Rossisk (Abkhazie).
GRANDEUR NATURELLE
MUSÉE HISTORIQUE DE MOSCOU
RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES
dans le Caucase
AGES DE LA PIERRE ET DU BRONZE.
Grandeur naturelle
Lunel,lith Imp Jules Rey Genève E. Chantre, direxit 1883
Moules en grés pour haches et faucilles
NOMOR OSSI CAB KR AS TE)
(Ça
1
PLANCHE
_ Faucille en bronze trouvée en Kabarda.
— Hache plate en bronze trouvée en Abkhazie.
— Lame de poignard à soie courte et à deux rivets, trouvée en Kabarda
GRANDEUR NATURELLE
MUSÉE PUBLIC DE MOSGOU
RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES
dans le (
TE IST CEE ETC TTC
Grandeur naturelle
Lunel lit Imp. Jules Rey. Genève E. Chantre, direxit 1883
COLE MEN MbINONzE trouvés isolement.
KABARDA & ABKASIE.
GETTY RESEARCH INSTITUTE
UN
| | LL Il Il | | |
3 3125 01033 2134
PUBLIGATIONS DE M. ERNEST (HANTRE
NOTES SUR DES CAVERNES A OSSEMENTS ET A SILEX TAILLÉS DU
NORD DU DAUPHINÉ (P£rioDE QUATERNAIRE). BJ. Soc géol. de France.
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CARTE ARCHÉOLOGIQUE D'UNE PARTIE DU BASSIN DU RHONE, POUR,
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LES PALAFITTES OU CONSTRUCTIONS LACUSTRES DU LAC DE PALA-
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LeéMêse, Deuxième édition, in-folio et in-8. Lyon, 4874. °
AGE DU BRONZE (érues ee ne DANS LE BASSIN DU RHONE,
RECHERCHES SUR L'ORIGINE DE LA MÉTALLURGIE EN FRANCE), 3 vol, in-3
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OBSERVATIONS SUR LES SÉRIES PRÉHISTORIQUES DE QUELQUES
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M. A, Farsan et L. CiraNrRe, 2 volumes in-8° avec un atlas do 6 feuilles
2 1 7 188
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OBSERVATIONS SUR UN CRANE GREC PRÉSENTANT LA DÉFORMA:
TION FRONTO-BREGMATIQUE (Communication au Congrès de Reims,
1880).
L'AGE DU BRONZE AU CAUCASE ET DANS LA RUSSIE MÉRIDIONALE
(Matériaues, 1880).
LES NÉCROPOLES DU PREMIER AGE DU FER RENFERMANT DES CRA-
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1880).
OBSERVATIONS SUR L’AGE DES NÉCROPOLES PRÉHISTORIQUES DE
LA CHAINE CENTRALE DU CAUCASE (Communicalion au Congrès
de Lisbonne, 1880).
NOTES ANTHROPOLOGIQUES. RECHERCHES PALÉOETHNOLOGIQUES DANS La
RUSSIE MÉRIDIONALE ET SPÉCIALEMENT AU CAUCASE ET EN CRIMÉE. In-8 de
27 pages avee 12 planches. Lyon, Geork, 4881.
NÉCROPOLES- PRÉHISTORIQUES DU CAUCASE RBENFERMANT DES
CRANES MACROCÉPHALES (Matériauæ, 4881).
LA NÉCROPOLE DE KOBAN, EN OSSÉTHIE, CALCASE (Matériaux,
1882).
APERÇU SUR LES CARACTÈRES ETHNIQUES DES ANSARIES ET DES
KURDES (Communication à la Sociélé d'anthropologie de Lyon.
Bulletin, t. I”, fasc. 2, 1882).
L'AGE-DE LA PIERRE ET L'AGE DU BRONZE DANS L'ASIE OCCIDEN-
TALE (Bull. Soc. anth. Lyon, t. 1®, fase. 2, 1882).
APERÇU SUR LES CARACTÈRES CÉPHALOMÉTRIQUES DES OSSÈTHES
(Bull, Soc. anth. Lyon, t. 1, fase, 1, 1883).
USTENSILES EN SILEX ACTUELLEMENT EN USAGE EN ROUMANIE
(Bull Soc. anth. Lyon, t. IL, fase. 1, 1883).
VISITE AU MUSÉE D'ANTIQUITÉS DE BOLOGNE (Bull. Soë. aninr. Lyon,
t. II, fase. 1, 1883).
OBSERVATIONS ANTHROPOMÉTRIQUES SUR CINQ ZOULOUS DE PAS-
SAGE À LYON (Bull. Soc. antho. Lyon, t IL, fasc. 1, 1883).
DÉFORMATION ARTIFICIELLE DU CRANE AU CAUCASE (Bull. Sc.
anthy. Lyon, t. Il, fase, 2, 1863).
RAPPORT SUR UNE MIS-ION SCIENTIFIQUE DANS L'ASIE OCCIDEN-
TALE ET SPÉCIALEMENT DANS LES RÉGIONS DE L'ARARAT ÉT DU
CAUCASE (Archives des Missions seientifiques, 8° sèr., t. X, 1883).
ÉTUDE SUR QUELQUES NÉCROPOLES HALLSTATTIENNES DE L'ITALIE
ET DE L'AUTRICHE (Matériaux, 3° sèr., t. 1, 4884).
LES NÉCROPOLES GRÉCO-ROMAINES DU NORD DU CAUCASE (Bull.
Soc. anthr. Lyon, t. IL, fasc. 1, 4884).
LES NÉCROPOLES HALLSTATTIENNES DU CAUCASE (Comiuuication
à l'Association française pour l'avancement des sciences, Congrès dé
Blois, 188
NOTE SUR LA DISPOSITION DES MATÉRIAUX MORAINIQUES DES EN-
VIRONS DE LYON ET SUR LA PRÉTENDUESFAUNE* PRÉGLACIAIRE
DE SATHONAY {Matériaux 2 sèr., t II, 488 ).
LES MENHIRS DU CHAMP DE LA JUSTICE OÙ ALIGNEMENT DE SAINT-
PANTALON, PRÈS AUTUN(SAONE-ET Loire) (Matériau, 1885).
LES DOLMENS DU CAUCASE (Matériaux, 1885).
UN NOUVEAU GISEMENT CHELLÉEN DANS LA DROME (Communication
à l'Association française, Congrès de Grenoble, 4885).
LE DAUPHINÉ PAÉHISTORIQUE (Congrès de Grenable, 4885). Avec une
carte en chromo.
FOUILLES DANS LA GROTTE DE GIGNY, PRÈS DE SAINT-AMOUR,
(uurs) {Congrès tte Grenoble, 1585).
FOUILLES DANS LES TUMULUS DU DAUPHINÉ (Congrès de Grenoble).
NOUVELLES DÉCOUVERTES DANS LES PALAFITTES DU LAC DE PA-
LADRU (Isère) (Congrès de Grenoble, 48
RYON. — INPRIMERIE PIXRAT AINÉ, RUE